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BERCKHEIM (de)

Famille noble d’ancienne extraction, mentionnée pour la première fois en 1197 avec Louis de Berckheim. Branche (sans doute cadette) des Andlau, dont ils sont distincts probablement depuis le XIIe siècle ; ils portent leur nom d’après le village de Mittelbergheim dont ils étaient coseigneurs (pour un tiers). Sur la première hauteur vosgienne, celle du Crax ou Krax (plus exactement à 300 m au s-s-e du point culminant), à l’ouest du village, se trouvait le château des Berckheim : il n’en reste que le fossé et quelques pierres éparses : le burg, de très faible étendue et de valeur stratégique à peu près nulle,, fut édifié vers 1274 par le chevalier Cunon Ier de Berckheim, Reichslandvogt (grand-bailli provincial, ou avoué d’Empire) de 1273 à 1280. Sous son fils Cunon II, sous-bailli provincial (Unterlandvogt) le château fut détruit en 1293 (et totalement rasé peu après) par l’évêque de Strasbourg, lors des guerres de succession, consécutives à la mort du roi Rodolphe de Habsbourg (1291).

Les chevaliers de Berckheim, qui faisaient partie de la noblesse immédiate d’Empire, furent élevés à la dignité de baron en 1773, comme de nombreuses familles alsaciennes du même rang. Ils portaient « d’or à la croix de gueules, l’écu timbré d’un casque de tournoi orné de lambrequins de gueules et d’or. » Le cimier comporte un coussin de gueules à glands d’or, surmonté d’une « cane du même ». Sauf le cimier, ces armes sont identiques à celles des Andlau.

Les Berckheim vendirent leur part de Mittelbergheim à la ville de Strasbourg au XVIe siècle et acquirent de nombreux biens à Ribeauvillé, Hunawihr, Schoppenwihr, etc. Ils étaient surtout seigneurs de Jebsheim depuis 1442 et 1613, de Krautergersheim et d’Innenheim (pour ces deux derniers chaque fois pour moitié, depuis 1618, par héritage des Uttenheim zum Ramstein). Sermersheim leur appartint au XIIIe siècle ; l’enceinte qu’ils y édifièrent fut ruinée en même temps que le Crax. Au XVIIIe siècle ils héritèrent des Brininghoffen les fiefs de Réchésy (à l’est de Delle) et de Chévremont (à l’est de Belfort), alors situés en Alsace. À la même époque ils étaient copropriétaires d’Allmannsweier et de Wittenweier à l’ouest de Lahr (le cas est fréquent pour d’autres familles de l’aristocratie alsacienne à la même époque). Encore aux XIXe et XXe siècles, les Berckheim de Bade étaient Grundherren dans ces villages. Brunstatt appartint aux Berckheim de 1295 à 1310, Sermersheim jusqu’en 1350. Les Berckheim possédaient (ou tenaient en fief) plusieurs châteaux forts, le Crax déjà cité, le Haut-Koenigsbourg, avec Saint-Hippolyte, de 1250 à 1267, par inféodation de Cunon Ier par le duc de Lorraine, Limburg sur la rive droite du Rhin, en face de Marckolsheim (avec le village de Sasbach) par les Habsbourg, en faveur de Cunon II, jusqu’au XVe siècle et enfin Saareck, Brunstatt (fin XIIIe, début XVe siècle) et Bischoffsheim inférieur (XVIIe s.).

Le château de plaisance de Schoppenwihr est en leur possession depuis 1907 (il l’était déjà de 1695 jusqu’en 1825). Des manoirs plus modestes du XVIIIe siècle, encore conservés, se trouvent à Ribeauvillé et Innenheim (celui de Krautergersheim a été détruit en 1864 ; la chapelle subsiste encore (tombe de Lilli Schoenemann, épouse de Turckheim). La famille était divisée en plusieurs branches, celle de Limburg (éteinte au XVe siècle ?), ainsi qu’en trois lignes principales, issues sans doute d’Egenolph III (XVe-XVIe siècle), celles de Krautergersheim (jusqu’en 1787), celle de Ribeauvillé (jusqu’à la fin du XIXe siècle) et celle de Jebsheim-Schoppenwihr. La dernière représentante française de cette dernière fut Diane Edmée Elisabeth (1887-1978), fille du général Christian de Berckheim (1853-1935) et de la comtesse Elisabeth de Pourtalès (1867-1952). Elle épousa en 1907 le baron Robert de Watteville, issu d’une ancienne famille suisse qui obtint par décret du 22 avril 1931, le droit d’ajouter à son nom celui de l’illustre ancienne famille disparue en France. Madame de Watteville-Berckheim est l’auteur d’un très intéressant livre de souvenirs intitulé Le fil conducteur (Colmar et Paris 1973). La famille de Watteville-Berckheim habite une dépendance de l’ancien château de Schoppenwihr, très endommagé par la guerre en 1945, et détruit en 1950. La terre de Schoppenwihr ainsi que celle de Jebsheim, dont le manoir, transformé en école en 1934, a été détruit lors de la seconde guerre mondiale, sont propriété de Maximilien de Watteville-Berckheim (1940), petit-fils de Diane de Watteville-Berckheim.

Toutefois, la branche des Jebsheim-Schoppenwihr est toujours représentée dans les
mâles en République fédérale allemande ; elle a été élevée au rang de comte par le grand-duc de Bade en 1900. Cette ligne est issue de Christian de Berckheim (1781-1832) dont le fils aîné, Christian (1818-1899) s’établit en Bade, le fils cadet, Sigismond (1819-1892), général de division, restant en Alsace. Le chef actuel de la branche allemande est le comte Philippe Constantin de Berckheim, né en 1924, époux de Sophie, princesse zu Fürstenberg, dont la descendance, par les mâles, est assurée. Il réside à Weinheim an der Bergstrasse.

 

Cunon Ier,

chevalier, reconnu comme un des plus vaillants d’Alsace au XIIIe siècle, est le premier qui prit le nom de Berckheim, de son manoir patrimonial de Mittelbergheim ; il était connu sous le nom de Vieux de la Montagne. Grand-bailli impérial ou avoué d’Empire (Reichslandvogt) sous le roi Rodolphe de Habsbourg, il revêtit plusieurs années durant cette charge d’advocatus provincialis en Basse-Alsace. D’après Schoepflin, il acquit le
plus de célébrité historique par ses guerres et querelles avec le duc de Lorraine, le margrave de Bade, les sires de Ribaupierre, la ville de Strasbourg et ses évêques. Cunon, avait reçu du duc de Lorraine la promesse de l’investiture du fief du château d’Estuphin (Haut-Koenigsbourg) avec toutes les dépendances de ce château, c.-à-d. la ville de Saint-Hippolyte et Ensheim, s’il s’engageait à ne pas rendre ces localités à Henri de Werd, landgrave, encore enfant ; il en fit la promesse et reçut, ces fiefs des mains du duc Mathieu pour lui et son fils Louis. En 1283, Cunon s’étant brouillé avec les Andlau au sujet de plusieurs droits dans la vallée d’Andlau et ailleurs, la question fut portée devant le Landvogt Othon d’Ochsenstein, qui termina le différend en déclarant que le droit de Vogtei appartiendrait aux Berckheim et celui de Schultheiss aux Andlau.

Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, 1909, I. p. 121-122.

 

Cunon II,

chevalier, fils du précédent. Il vivait dans son château de Krax près d’Andlau quand Rodolphe de Habsbourg le nomma Untervogt d’Alsace. Homme entreprenant et audacieux, il passa les dernières années du XIIIe siècle en luttes perpétuelles tant avec les Ribeaupierre (1291) qu’avec l’évêque de Strasbourg (1293), luttes qui s’achevèrent par la démolition complète du Krax. La paix de 1301 entre l’évêque et Cunon stipula même qu’aucune forteresse ne pourrait être reconstruite au Krax sans l’accord de l’évêque de Strasbourg.

Cunon était également très apprécié de l’empereur pour ses talents de diplomate et ses
conseils avisés. Ce fut lui qui en 1294 fut chargé, avec l’évêque de Bâle, de trancher dans le conflit qui opposait les bourgeois de Berne et la communauté juive de cette ville. De même devint-il Schultheiss de Colmar et de ce fait, en 1307, exila plusieurs des bourgeois de la ville et enleva au prévôt de la Cathédrale de Constance les rentes qu’il avait sur Colmar. Cette politique énergique de Cunon amena l’excommunicationde la ville par l’évêque de Strasbourg et une guerre sanglante entre les Berckheim et le comte de Fribourg en Brisgau, frère du prévôt.

Schœpflin-Ravenze, L’Alsace illustrée, IV, 308, 363, 390 ; V, 488, 773 ; Hunkler, Geschichte der Stadt Colmar, Colm., 1838, p. 75 ; Annales de Colmar, anno 1291, p. 25 ; Chron. de Colmar, apud Urstisium, p. 50.

 

Frédéric-Sigismond,

 (1775-1819), frère des « demoiselles de Berckheim » ©, fut un brillant officier de cavalerie. Colonel dès 1807, il se distingua à Friedland, Eckmühl, Esslingen, Wagram et fut fait général de brigade en 1809. Il se distingua encore pendant la campagne de Russie, et lors de la retraite, défendit le passage de la Bérésina. En 1813 il fut nommé général de division et combattit encore en 1815 sous les ordres de Rapp dans l’armée du Rhin. Député en 1819, il mourut à 44 ans, épuisé par les blessures et les fatigues de ses nombreuses campagnes.

 

Les « Demoiselles de Berckheim »,

quatre sœurs de la famille des Berckheim, filles de Philippe Frédéric de B. et de Marie Octavie Louise de Glaubitz, résidant à Schoppenwihr, formèrent à la fin du XVIIIe s., avec quelques amies dont Annette de Rathsamhausen, un cercle qui s’adonna à de nombreuses activités, surtout vouées aux belles-lettres, mais aussi à des randonnées dans les Vosges, au jardinage, à la cuisine, etc. Le cercle fut également animé par Pfeffel, dont Sigismond de Berckheim, futur général de division, fut l’élève à l’Académie fondée par le poète.

Octavie fut l’amie d’Oberlin et rencontra à Rothau Frédérique Brion. Elle épousa à Colmar le 20.1.1799 le baron de Stein (Thuringe), un parent éloigné et se lia avec la grande-duchesse Louise de Saxe-Weimar, célébrée par Goethe (★ Jebsheim 20.10.1771 † Nordheim 4.5.1852).

Henriette épousa à Colmar le député Augustin Périer, industriel, et devint l’amie de Mme de Staël, de Madame Récamier et de Marie-Antoinette (★ Jebsheim 16.12.1772 † ? 1833).

Amélie fut la conjointe de Frédéric de Dietrich, fils du maire de Strasbourg © B. 6. (★ Ribeauvillé 16.7.1776 † Strasbourg 24.12.1855).

Fanny, la plus jeune, fut la fiancée du dernier des Landsberg, mais décéda avant son mariage (★ Ribeauvillé 11.2.1778 † ? 1801).

La tradition familiale nous apprend qu’Amélie et Fanny furent les invitées à déjeuner du général Bonaparte en 1797. Les quatre sœurs eurent une correspondance très variée et on conserve le journal intime d’Octavie.

 

Amélie (Louise),

gérante des Forges du Bas-Rhin, fondatrice de la Société « Veuve de Dietrich & Fils », (Pl) (★ Ribeauvillé 15.7.1776 † Strasbourg 24.12.1855). Fille de Philippe-Frédéric de Berckheim et de Marie Octavie Louise de Glaubitz. ∞ Colmar, 8 Prairial an V, Jean Albert Frédéric de Dietrich, maître de forges, inspecteur des forêts et îles du Rhin (★ Strasbourg 31.8.1773 † Strasbourg 3.2.1806), fils de Philippe Frédéric de Dietrich, propriétaire de forges, savant minéralogiste, premier maire de Strasbourg, et de Sybille Louise Ochs. En 1800, sous la pression des évènements, fut constituée une société par actions sous la dénomination « Forges du Bas-Rhin », dont J. A. F. de Dietrich assura la gérance jusqu’à sa mort prématurée en 1806, laissant une veuve et 4 petits-enfants. Amélie de Berckheim possèdait une énergie rare, une haute valeur morale et des capacités intellectuelles remarquables qui lui permirent de surmonter toutes les difficultés. En 1815, elle fut nommée gérante de la Société. Véritable chef d’entreprise, elle parvint peu à peu à relever les affaires de la maison. En 1827, la situation fut épurée, la famille rentra en entière possession de la totalité des usines. Création de la nouvelle société « Veuve de Dietrich & Fils », qui en 1844 s’agrandira des usines de Mouterhouse et de Mertzwiller et portera dès lors la dénomination « De Dietrich & Cie ». (titre actuel).

Registres paroissiaux protestants de Jebsheim ; état-civil Colmar ; registres paroissiaux protestants, Temple-Neuf Strasbourg ; état-civil, Strasbourg ; archives de la famille de Dietrich, Archives départementales du Bas-Rhin. Souvenirs d’Alsace. Correspondance des demoiselles de Berckheim et de leurs amis (1797-1846). Préface de Ph. Godet. Paris. 1895. 2 vol.

Hélène Georger Vogt (1983)

Sigismond-Guillaume,

(1819-1892) participa aux campagnes d’Afrique du nord en 1846 où il fut nommé capitaine. Puis il occupa les fonctions d’officier d’ordonnance de Napoléon III et se distingua au cours des campagnes de Crimée et d’Italie. Général de brigade, il combattit sous Metz en 1870 et devint général de division en 1871.

Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, 1909, I, p. 121-125 ; E. Lehr, L’Alsace noble, t. 2, Strasbourg 1870, p. 48-56 ; Kindler von Knobloch, Oberbadisches Geschlechterburch, Heidelberg 1899, t. 1, p. 57-58 ; Kindler von Knobloch, Das Goldene Buch der Stadt Strassburg, Strasbourg 1886, p. 29-30 ; A. Haeuser, Genealogisches Handbuch des Adels, t. 1) 1952 (Freiherrliche Haeuser, B. t. 4) Limburg an der Lahn 1967, t. 39 de la collection totale ; Andlau-Hombourg, Hubert d’, Le livre d’histoire d’une famille d’Alsace, préface de l’archiduc Otto de Habsbourg, Colmar 1972, t. 1, p. 54-56 ; J. Braun, « Le château fort de Crax près Mittelbergheim », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach, Bach, Obernai, t. Il, 1977, p. 17-20, 2 fig. ; J. Braun, « Notes sur la famille de Berckheim », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach, Bach, Obernai, 1980, p. 144-146. Tableau généalogique. Données communiquées par M. de Watteville-Berckheim, de Schoppenwihr ; Archives municipales de Strasbourg ; L Sittler, Hommes célèbres d’Alsace, SAEP, Ingersheim 1982, p. 3-64, p. 81, 85 et 132.

Jean Braun (1983)

Christian François Egenolphe,

Baron, général de brigade (★ Paris 26.4.1853, † Paris 19.6.1935). Fils de Sigismond, Guillaume de Berckheimet d’Élisabeth de Jaucourt. Inhumé dans la tombe familiale de Jebsheim. À l’exemple de son père et de ses ancêtres, il choisit la carrière des armes, ∞ à Paris 23.6.1886 Élisabeth de Pourtalès. Après l’obtention du baccalauréat en 1870, il entra à l’École Polytechnique. Carrière d’officier d’artillerie. En 1877 il fut appelé à Paris pour remplir la fonction d’officier d’ordonnance auprès du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, pendant l’Exposition de 1878. En 1881, il prit part comme lieutenant au corps expéditionnaire en Tunisie. De 1885 à 1886, campagne du Tonkin. À partir du 13.9.1890, nommé à l’État-Major (2e bureau), puis à l’État-Major particulier de l’artillerie. De 1893 à 1900 il fut attaché militaire à l’ambassade française à Vienne avec le grade de chef d’escadron. Le 11.7.1901 officier de la Légion d’honneur. En 1904 il devint colonel et directeur de l’atelier de construction de Vernon et en 1905, colonel du 40e régiment d’Artillerie et enfin directeur du dépôt de matériel de Bourges. En 1910, nommé général de brigade à L’état-major général de l’armée, puis mis en disponibilité sur sa demande par anticipation pour raison de santé. Le 2.8.1914 il reprit du service et commanda le secteur ouest d’Épinal ; replacé dans la section de réserve le 26.3.1916. Il reçut la croix de guerre de 1914/18 ainsi que l’ordre de Sainte-Anne de Russie. Après l’armistice de 1918, il retourna dans sa propriété de Schoppenwihr près Colmar et devint conseiller général pour le canton d’Andolsheim (1919-1934).

Archives historiques de l’armée, III série, dossier 1294 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, 1909, I, p. 121-126 ; Sittler, Hommes célèbres d’Alsace, 1982.

Alphonse Halter (1983)