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BAUTAIN Louis Eugène Marie

Philosophe et prêtre (C) (★ Paris 17.2.1796 † Viroflay près de Versailles 15.10.1867).

Fils de Jean-Charles Bautain et de Marie Catherine Françoise Alleton. Études au lycée Charlemagne à Paris et à l’École Normale supérieure où il eut pour maîtres Royer-Collard et Cousin et pour amis Jouffroy et Damiron. Agrégé de philosophie, docteur ès-lettres, il fut envoyé en 1816 au collège royal de Strasbourg et fut chargé en 1817 de la chaire de philosophie à la faculté des lettres de cette ville. Il connut un grand succès ; étudiants et bourgeois se pressaient à son cours. Il vécut les vacances de 1818 en Allemagne avec Cousin. Il y rencontra Hegel, fut fasciné par les travaux de Fichte. Fatigué, il prit un congé et alla aux eaux de Baden-Baden, où il rencontra Louise Humann qui connaissait la philosophie allemande ; sous son influence il se rapprocha de l’Église. En 1820 il reprit son cours et commença en même temps ses études médicales, mais en 1822 une suspension, sur l’ordre de Frayssinous, grand-maître de l’Université, frappa le professeur de philosophie, à qui l’on reprochait de saper les fondements des croyances religieuses et morales, en niant la puissance de la raison. Le gouvernement de la Restauration voyait d’un mauvais œil aussi ses relations avec les libéraux. Sur l’invitation du recteur, Bautain remonta dans sa chaire en novembre 1824. Achevant ses études de médecine, il soutint en juin 1826 sa thèse pour le doctorat de médecine. Songeant de plus en plus à entrer dans les ordres, il s’en ouvrit à l’évêque de Strasbourg, le Pappe de Trévern. Celui-ci, ravi d’une pareille recrue, estimant que son instruction théologique était suffisante, se contenta de lui faire passer en 1828 les trois mois de vacances à la « Petite Sorbonne », école supérieure de théologie, qu’il avait fondée comme évêque à Molsheim. Il l’ordonna prêtre le 20.12. de la même année et lui confia en 1830 la direction du petit séminaire Saint-Louis. Bautain continua à assurer ses cours à la faculté des lettres, dont il fut même nommé doyen en 1838. Mais le directeur et ses amis, les « Messieurs de Saint-Louis », furent bientôt jalousés par une partie du clergé alsacien qui leur reprocha leur mise soignée, leur air de fierté, leurs prétentions de renouvellement des méthodes d’enseignement et de prédication. Sur le fond de la question, l’enseignement et les écrits du philosophe l’opposèrent au rationalisme scolastique incarné à Strasbourg par les théologiens Liebermann et Raess. La doctrine de Bautain est le fidéisme teinté de traditionalisme ; il n’y a pour l’homme d’autre vérité que celle qui lui est communiquée par la parole divine et révélée ; la raison, impuissante, peut en faire des applications diverses, mais elle ne nous apprend rien sur les choses en elles-mêmes. Le Pappe de Trévern se rangea aux côtés des défenseurs de la raison et désavoua son ancien protégé. De 1834 à 1840 les deux hommes s’affrontèrent sans résultat concluant. En 1834, l’évêque demanda à Bautain de souscrire six propositions sur la valeur de la raison humaine dans la démonstration des préambules de la foi. La réponse n’étant pas satisfaisante, de Trévern condamna le philosophe dans un « Avertissement » adressé à son clergé ; en même temps, il enleva aux « Messieurs de Saint-Louis » la direction du petit Séminaire et leur retira les pouvoirs spirituels. En 1838, une commission de huit membres, présidée par Liebermann, chargée d’examiner les écrits de Bautain, remit son rapport à l’évêque, relevant les erreurs du philosophe et regrettant qu’il n’ait pas suivi la filière normale avant de recevoir la prêtrise. La même année, sur les conseils de Lacordaire, B. se rendit à Rome, où il fut reçu par Grégoire XVI, qui refusa à l’évêque gallican la satisfaction de voir Bautain condamné en cour de Rome. Le 8.9.1840, le philosophe et ses amis signèrent le formulaire que Raess, nommé évêque coadjuteur, leur soumit. Mgr Raess leur redonna alors leurs pouvoirs spirituels. Bautain préféra quitter Strasbourg avec ses disciples. Il se rendit avec eux à Juilly en 1841, y dirigea un collège avant de devenir vicaire-général de Paris et d’être nommé professeur de théologie morale à la Sorbonne.

Bautain laissa une œuvre volumineuse : De l’enseignement de la philosophie en France au XIXe siècle, Strasbourg-Paris, 1833 ; Réponse d’un chrétien aux Paroles d’un croyant, Strasbourg-Paris, 1834 ; Philosophie du christianisme, 2 vol., Strasbourg, 1835 ; Déclaration (réponse de Bautain et de ses disciples aux six points de la Lettre de Le Pappe de Trévern), Strasbourg, 18 novembre 1835 ; Lettre à M. Le Pappe de Trévern, évêque de Strasbourg, Strasbourg-Paris, 1837 ; Philosophie, Psychologie expérimentale, 2 vol., Strasbourg-Paris, 1839. La religion et la liberté considérées dans leurs rapports (conférence prononcée à N.D. de Paris en 1848), Paris, 1848 ; Philosophie des lois au point de vue chrétien, Paris, 1860 ; La conscience ou la règle des actions humaines, Paris, 1861 ; Manuel de philosophie morale, Paris, 1866.

Liste complète des œuvres de Bautain : E. Régny, L’abbé Bautain, sa vie et son œuvre, Paris, 1884, p. 476-479 ; E. de Régny, L’abbé Bautain, sa vie et son œuvre, Paris, 1884 ; A. Gratry, Souvenirs de ma jeunesse (posthumes) Paris, 1874 ; M. Ferraz ; Histoire de la philosophie en France au XIXe siècle. Tradionalisme et ultramontanisme, Paris, 1880 ; E. Baudin, « La philosophie de Louis Bautain, le « philosophe de Strasbourg », Revue des Sciences Religieuses, 1921, p. 23-61, 118-148 ; E. Baudin, Louis Bautain, le « Philosophe de Strasbourg » (Discours prononcé le 22 novembre 1920 à la rentrée solennelle de l’Université de Strasbourg), Strasbourg, 1921.

Notice Bautain, Dictionnaire de Théologie Catholique, II, 1910, c. 481-483 ; F. Ponteil, La Renaissance catholique à Strasbourgn, l’affaire Bautain (1834-1840), Revue historique, t. CLXIV, 1930, p. 225-287 ; P. Poupard. Un essai de philosophie chrétienne au XIXe siècle. L’abbé Louis Bautain, Tournai, 1961 ; P. Poupard, Journal romain de l’abbé Louis Bautain (1,838), Rome, 1964 ; P. Poupard L’abbé Louis Bautain. Introduction et choix de textes, Paris, 1964.

René Epp (1983)