Sculpteur et architecte (★Andelsbuch, Vorarlberg, 31.7.1732 † Guebwiller 2.5.1813).
Fils d’Anton Ritter et de Barbara Thumb. ∞ I 1764 à Lure Marguerite Devret († 1776). ∞ II 1781 à Guebwiller Anne-Marie Simon. Petits-fils de Gabriel Thumb, le frère de Peter Thumb, l’architecte d’Ebersmunster, il fut l’un des derniers maîtres du Vorarlberg venus s’installer en Alsace. Il apparaît pour la première fois, après 1760, dans le nord de la Franche-Comté où il travaillait comme sculpteur. En 1763 il signa les boiseries d’une chapelle latérale de l’église Saint- Georges de Vesoul. À cette époque il semble avoir été domicilié à Lure où il avait peut-être eu des commandes pour l’abbatiale, reconstruite en 1753. Près de Lure, dans l’église de Vouhenans, existent des stalles qui peuvent éventuellement lui être attribuées. C’est de cette période aussi que date un projet de boiseries et de mobilier pour la chapelle d’un château des princes de Bauffremont (conservé dans la collection de l’église Notre-Dame de Guebwiller) dont on ne sait s’il a été exécuté. En 1765 ou 1766 il alla s’établir à Guebwiller où Beuque dirigeait depuis 1762 la construction de l’église Notre-Dame pour le chapitre de Murbach, uni à celui de Lure. En 1767 furent mises en place sur la façade de cet édifice les quatre premières statues de Vertus, vraisemblablement sculptées par Ritter. Les quatre autres suivirent en 1772. On lui devrait également les chapiteaux corinthiens de la nef, ainsi que les reliefs représentant saint Léger et saint Louis au-dessus des portes. En 1768, à la suite de critiques auxquelles Ritter n’était peut-être pas étranger, Beuque fut congédié et Ritter le remplaça dans ses fonctions d’architecte. Il acheva l’édifice en 1779, à l’exception des tours. Ensuite il s’occupa du décor et du mobilier de la collégiale qui furent terminés en 1785. Il semble surtout avoir été responsable de leur conception, leur réalisation revenant en grande partie à Fidèle Sporer ©. Ritter eut sans doute la plus grande part dans l’exécution des boiseries et stalles du chœur (1782-1783), du maître-aute(1783-1784) et du buffet d’orgue (1784-1785). Parallèlement aux travaux de l’église, il avait achevé les deux maisons canoniales commencées par Beuque, puis construisit celle du n° 5, rue des Chanoines (1775-1777) et celle du n° 2, rue Casimir de Rathsamhausen (1787-1788). La direction du chantier de Notre-Dame, sans doute le plus important et le plus prestigieux d’Alsace à la fin de l’Ancien régime, assura la réputation de Ritter, celle du décorateur encore plus que celle de l’architecte. Il intervint pourtant sur un certain nombre de chantiers, notamment en tant qu’architecte du chapitre de Murbach, de la ville de Guebwiller et aussi, pendant quelques années, de l’abbaye de Masevaux. En 1770, il construisit le presbytère de Blodelsheim, en 1780, celui de Mollau et en 1782, il fit un projet pour celui de Wattwiller. En 1771 il fut chargé de la reconstruction du chœur d’Oderen ; dix ans plus tard il éleva la nef et le clocher de Bernwiller (1781-1784). Dans la ville de Guebwiller, sa seule création fut le puits Saint-Léger, en 1775. À la même époque il dessina pour le chapitre de Masevaux la fontaine des anges, transférée à Mulhouse en 1910 et déposée depuis 1978. Ce fut à Masevaux également qu’il reconstruisit en 1778-1781 la façade sur la Doller de l’hôtel de ville, endommagée par une crue de la rivière. Son œuvre d’architecte la plus importante fut l’Hôtel de Pairis à Colmar
(l’actuel hôtel de ville) qu’il éleva en 1779-1782. En 1786 il effectua au château de Neuenburg, à Guebwiller, des transformations qui ne sont plus reconnaissables dans l’édifice actuel, remanié au XIXe siècle. En 1787 et en 1789 il présenta des projets pour la nouvelle église de Niedermorschwihr dont la Révolution empêcha la réalisation. Il en alla de même pour l’important projet de rénovation et d’agrandissement du château supérieur de Steinbrunn-le-Haut (conservé aux Archives départementales). Une bonne partie de l’activité de Ritter consista à dresser des devis pour des édifices projetés ou des rapports d’expertise sur des édifices nouvellement achevés, des tâches qu’il exerça notamment dans ses fonctions d’« inspecteur des bâtiments publics et communaux de Haute Alsace » auxquelles il fut nommé par l’intendant d’Alsace en 1780 et qu’il poursuivit après 1789 en tant qu’architecte du département, puis de l’arrondissement de Colmar. Dès 1778 et 1779 il avait participé à l’expertise de la nouvelle église de Kembs. En 1784 l’intendant demanda qu’il surveillât la construction de l’église paroissiale de Masevaux. En 1791 et 1792 il eut à faire l’estimation de biens sécularisés, tels que le couvent des dominicaines et l’ensemble capitulaire de Murbach à Guebwiller, ou l’abbatiale de Marbach. La dernière mention de Ritter que nous connaissions aujourd’hui concerne l’expertise de la nouvelle église de Niedermorschwihr dont il fut chargé le 26 août 1807. L’œuvre du décorateur est plus importante que celle de l’architecte. Pour les
maisons canoniales de Masevaux il exécuta peut-être en 1783 quatre trumeaux de cheminée. À Guebwiller, on peut lui attribuer le dessin du beau poêle néo-classique conservé dans l’ancienne maison canoniale du n° 2, rue Casimir de Rathsamhausen. Ces œuvres profanes restent pour l’instant une exception, car c’est dans le domaine du mobilier religieux que Ritter semble avoir été particulièrement actif. En 1773-1775 il réalisa pour l’église d’Oderen les lambris de chœur et stalles, les trois autels et la chaire. En 1774, travaillant d’après des projets élaborés à Paris, il exécuta pour Hirsingue les trois autels, la chaire et les fonts baptismaux, ainsi peut-être que le décor stuqué de l’édifice. En 1775-1779 il fut chargé de l’embellissement
du chœur de Saint-Léger à Guebwiller. Si le maître-autel a disparu, il subsiste les boiseries qui furent complétées en 1893 par Weyh, également auteur des stalles. En 1786 il réalisa pour la même église quatre autels latéraux dont deux ont été transférés à Sainte-Croix-en-Plaine, les deux autres à Notre-Dame à Guebwiller qui a également accueilli l’ancienne chaire de Saint-Léger (1788). Entre 1775 et 1780 sans doute il réalisa l’ameublement de la chapelle capitulaire d’Ottmarsheim dont le projet est conservé dans la collection de l’église Notre-Dame. Si le maître-autel a disparu, les boiseries et stalles ont été réutilisées dans l’église de Bantzenheim. À Soultzmatt, en 1778-1779, il compléta vraisemblablement les lambris du chœur et réalisa les trois autels ainsi que la chaire. À Oberhergheim, on lui doit les deux autels secondaires (1779). À la suite de ces ouvrages, il convient d’en mentionner quelques autres, aujourd’hui disparus: le maître-autel de l’ancienne église d’Ensisheim (1773), celui de Bruebach (1776) dont subsiste peut-être le tabernacle, celui de l’abbatiale de Masevaux (1778), ainsi que les boiseries de chœur du même sanctuaire (1773, agrandies en 1783) et enfin le maître-autel de Sainte-Croix- en-Plaine (1785). Au moins aussi nombreuses que ces œuvres attestées, sont celles que l’on peut attribuer à Ritter avec beaucoup de vraisemblance. L’attribution, devenue traditionnelle, mais qui est sans doute la moins assurée, est celle des boiseries de Marbach qui, associées à celles de Pairis, décorent aujourd’hui le chœur de l’église des Dominicains de Colmar. Réalisées après 1764, elles seraient le premier
ouvrage alsacien de Ritter, en dehors de Guebwiller. Ce fut pour les Dominicaines de cette dernière ville qu’il aurait exécuté en 1771 deux autels latéraux, aujourd’hui dans la chapelle du cimetière. À Lautenbachzell on lui devrait les trois autels et la chaire (1772-1773), à Merxheim, le maître-autel (1774) et les deux autels secondaires (1784), à Sentheim, les boiseries et les trois autels (v. 1779-1780). Après 1777 il aurait exécuté pour Soultz des lambris de chœur aujourd’hui à Richwiller. Vers 1780 il dut dresser dans l’église d’Orschwihr trois autels et la chaire. À Herrlisheim-près-Colmar il réalisa sans doute les lambris et stalles vers 1780, la chaire et deux autels latéraux vers 1785. À Berrwiller, on lui attribue les deux autels secondaires de 1793. On lui doit certainement le maître-autel ainsi que les stalles et boiseries de Saint-Hippolyte. Dans les lambris de Dessenheim, certains panneaux et reliefs, réutilisés au XIXe siècle, semblent être de Ritter. Ce n’est pas seulement l’étendue de l’œuvre de Ritter qui demeure inconnue, c’est aussi la méthode de production de cette œuvre. Il est vraisemblable qu’il ait disposé à Guebwiller d’un atelier où les artistes et artisans travaillaient selon ses projets ou modèles et sous son contrôle, comme Fidèle Sporer avait œuvré sous sa direction à Notre-Dame. Dès 1773 on remarque la différence de qualité qui existe dans les boiseries d’Oderen entre les médaillons des apôtres, sans doute confiés à un aide, et ceux des évangélistes, peut-être sculptés par Ritter et pour lesquels il a au moins exécuté des modèles en terre cuite (au Musée du Florival, à Guebwiller). Seule une telle hypothèse peut expliquer l’activité considérable par Ritter au cours de la quinzaine d’années précédant la Révolution. Dans ses premières œuvres, Ritter reste tributaire d’un style Louis XV apaisé. En 1774 il eut à réaliser le mobilier de Hirsingue selon des projets néo-classiques que le bailli Hell avait commandés à Paris. Il se convertit immédiatement à ce nouveau style avec lequel il se familiarisa sans doute dans les recueils des ornemanistes contemporains. Il pratiqua d’abord une version tempérée de ce néo-classicisme, avant de lui conférer, au fil des ans, plus de rigueur et de sévérité. En tout cas, ce fut lui qui semble avoir été l’introducteur et le propagateur de cet art nouveau en Haute-Alsace.
E. Herzog, « Un artiste alsacien du XVIIIe siècle, Gabriel-lgnace Ritter de Guebwiller », Archives alsaciennes d’histoire de l’art, VII, 1928, p. 181-197 ; E. Herzog, « L’église de Niedermorschwihr », ibidem, XII, 1933, p. 153-178 ; K. Wetterwald, « Gabriel Ignaz Ritter », Jahrbuch des Geschichts- und Altertumsvereins für die Südvogesen, 1940-1943, p. 77-81 ; Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, Canton de Guebwiller, Paris, 1972, 2 vol., passim ; J. Davatz, Die Liebfrauenkirche zu Gebweiter, Bern, 1974 ; R. Lehni, Autour de l’église Notre-Dame, catalogue d’exposition, Guebwiller, 1974 ; J. Davatz, Gabriel Ignaz Ritter, article inédit, 1974 ; R. Lehni, « L’église Notre-Dame de Guebwiller », Congrès archéologique de France, 136e session, 1978, Haute-Alsace, Paris, 1982, p. 284-299 ; idem, Notre-Dame de Guebwiller, Ingersheim, 1985 ; E. Martin-Tresch, L’abbaye de Masevaux. Art et architecture dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Strasbourg, 1985, p. 69 et s., 76-89 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1985, p. 6464 ; L. Abel, Kembs, l’église et l’architecte du XVIIIe, Strasbourg, 1986, passim ; Cantons de Wittenheim et de Mulhouse sud, Mulhouse, 1987 (Images du patrimoine, 32), p. 3, 9, 17-18 ; S. Pelletier-Gautier, « Un texte fondamental pour l’étude du couvent d’Engelporten à Guebwiller: la description des bâtiments par G. I. Ritter », Annuaire de la Société d’histoire des régions de Thann-Guebwiller, XVI, 1985-1987, p. 57-61 ; Cantons de Habsheim et Illzach, Illkirch, 1992 (Images du patrimoine, 113), p. 14-15; Ch. Sutter, « L’église de Hirsingue », Hirsingue, s.l.n.d. [1992], p. 1-14 ; Steinbrunn-le-Haut, Riedisheim, 1994, p. 25 ; R. Limacher, « L’hôtel de ville de Masevaux. Les transformations de 1758 et 1778 », Patrimoine Doller, 6, 1996, p. 22-30 ; Bases de données Mérimée et Palissy de l’Inventaire général, Ministère de la Culture, interrogation du 1er juillet 1997.
Reproduction d’un portrait ancien. Fusain, vers 1885, attribué à J.-B. Weckerlin (collection de l’église Notre-Dame de Guebwiller).
Roger Lehni (1998)