Caricaturiste et publiciste, (C) (★ Mulhouse 16.6.1875 † Paris XIe, 4.5.1958). Fils de Constantin Zislin, dessinateur, et de Louise Würth. ∞ Belfort 29.4.1919 Marie Alice Schmitt (★ Belfort 15.2.1890). Après des études secondaires au gymnase de la Grand-Rue et après avoir suivi les cours de l’École de dessin de la Société industrielle de Mulhouse, Zislin entra à l’atelier de dessin industriel de son père. Dès 1903, Zislin débuta par l’image et la satire dans la lutte contre la germanisation de l’Alsace en publiant un hebdomadaire illustré humoristique et satirique intitulé Klapperstei dont parurent 52 numéros entre 1903 et 1905. Il fut suivi à partir de 1906 par un autre illustré intitulé Dur’s Elsass dans lequel Zislin malmenait les autorités allemandes et rappelait l’attachement de l’Alsace à la France. Certains numéros particulièrement caustiques, lui valurent des séjours en prison et la condamnation à des amendes. Ce fut le cas du pamphlet intitulé L’Alsace, État confédéré, paru en 1905. Zislin fut condamné à 48 heures de prison et à une amende de 150 marks pour publications anti-allemandes.
De 1910 à 1914, Zislin fit des tournées de conférences en France sur la situation de l’Alsace. Appréhendant déjà les dangers d’une guerre, Zislin écrivit en 1912 dans Dur’s Elsass « Quand on étend son regard au-delà des limites de notre Alsace et qu’on aperçoit les sombres nuages qui obscurcissent l’horizon international, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment d’inquiétude dans le pressentiment d’événements probables qui, fatalement, bouleverseront notre pays ». En France, on appréciait naturellement l’œuvre de Zislin. Dès 1913, on publia à Paris, sous le titre Sourires d’Alsace, des dessins et des caricatures parus dans Dur’s Elsass. Fin juillet 1914, Zislin se trouvait à Belfort où il assista à un mariage. De peur de se voir arrêter, il ne rentra plus à Mulhouse, car la déclaration de la guerre était imminente. Zislin s’engagea immédiatement dans l’armée française. On l’employa comme officier interprète dans la région de Dannemarie. Ses parents furent transplantés en Allemagne du fait de la désertion de leur fils.
Dans le premier numéro de Dur’s Elsass – À travers l’Alsace, daté du 10 juillet 1919, Zislin définit ainsi son futur programme d’action: « cultiver et développer l’âme française chez l’Alsacien, détruire définitivement ce qui peut rester d’allemand en Alsace et ouvrir toute grande notre maison alsacienne aux rayons du soleil de France. Mais à cette maison, héritage sacré de nos ancêtres, nous voulons lui garder son caractère propre […] mais nous ne négligerons pas la langue de la grande patrie, qui seule peut élever le niveau intellectuel de l’Alsacien et en faire un homme cultivé » (H. Muller). Le vocabulaire employé par Zislin pour la défense des intérêts régionaux correspond à celui de certains autonomistes de l’époque qu’il combattit par ailleurs farouchement. À partir de 1920, Dur’s Elsass devint un hebdomadaire à caractère documentaire avec des rubriques réservées à l’actualité, aux productions littéraires et théâtrales, au tourisme, etc. sous la plume de collaborateurs tels que Georges Delahache ©,
Gustave Stoskopf ©, Frédéric Bastian ©, Victor Schmidt © et d’autres.
À partir de juillet 1923, le Gouvernement français confia à Zislin la direction du journal Nachrichtendienst, publié à Düsseldorf par les soins du Service de Propagande de l’armée d’occupation. C’est de Düsseldorf que Zislin écrivit le 5 février 1924 une lettre prémonitoire à G. Delahache ©, conservée aux Archives municipales de Strasbourg avec le passage suivant : « Je crois que nous avons encore de rudes assauts à soutenir de la part des Allemands ; ils commencent à relever la tête et gare à nous si nous lâchons l’emprise. N’oublions jamais qu’ils sont 60 millions d’individus décidés à nous casser les reins à la première occasion et ils n’attendent que le moment pour le faire où ils seront sûrs qu’ils n’auront devant eux que 40 millions de Français dont il faut encore déduire les brailleurs pacifistes et tous les suspects d’Alsace et de Lorraine ».
Début septembre 1924, Zislin fut appelé à Paris au Service de l’information et de la presse des Affaires étrangères. Il s’occupa plus particulièrement des problèmes relatifs à l’Alsace. C’est à cette époque aussi qu’il publia le journal satirique Le Franc-Tireur dans lequel il prit particulièrement les autonomistes pour cible. En octobre 1940, Zislin fut arrêté à Paris par les Allemands, enfermé à la prison de la Santé pendant 2 mois, puis expulsé en zone libre où is’occupa de ses compatriotes réfugiés et expulsés.
Après la Libération, il fut nommé à Paris rédacteur en chef du Wochenkurier, bulletin de liaison et de propagande auprès des prisonniers de guerre allemands en France. Après la suppression de ce journal en 1950, et installé définitivement à Paris, Zislin collabora à divers organes de presse et almanachs, tels que L’Alsace et le Messager boîteux de Strasbourg. Jusqu’à sa mort, la lutte farouche contre la germanisation de l’Alsace restait sa hantise et son obsession. Il assura jusqu’à la fin de sa vie la présidence de l’Association des Alsaciens-Lorrains de Paris et celle de l’Amicale des anciens journalistes du front. La plaque apposée jadis en son souvenir à l’immeuble 6 boulevard Voltaire (XIe) qu’il habita en dernier lieu n’est plus en place. Chevalier de la Légion d’honneur en 1916, puis officier en 1923 (les dates de ces décorations varient selon les sources). La quasi-totalité de ses dessins, de nombreux objets personnels, des photos et cartes postales sont conservées au Musée historique de Mulhouse. Le général Gouraud lui aurait remis la croix de Guerre en 1919.
Publications : Das Elsass als Bundestaat, 15.7.1905, Bâle, 1905 ; Sourires d’Alsace, 1913 (avec une lettre-préface de P. Déroulède) ; L’album Zislin. Dessins de guerre (préf. de Henri Galli), Paris, 1917-1918, en 4 cahiers de 16 pl. ; Dr Franc-Tireur, bimensuel, paru à partir d’octobre 1930 ; Echter elsässischer Heimattreuer Kalender, 1930 ; Die Zukunft, ein Beitrag zur elsässischen Kulturgeschichte (plaquette illustrée, parue en 1926 sous le pseudonyme Fritz Boschmann aux éd. Berger-Levrault) ; Tableaux d’histoire : entre Vosges et Rhin.
Bibliographie : L’Alsacien-Lorrain de Paris des 2.4.1911, 6.2.1916, 29.4.1917, 4.5.1919 ; Les Marches de l’Est 1912-1913, p. 1090-1094 ; Almanach pour les étudiants et la Jeunesse alsacienne-lorraine, 1913, p. 152 ; Journal alsacien du 30.1.1916, Dannemarie, Kriegsberichte ; Revue historique n° 125, 1917, 389; 126, 373 ; 128 (1918), 368; Archives municipales de Strasbourg, Lettre de Henri Zislin à Georges Delahache du 5 février 1924 ; Journal d’Alsace et de Lorraine du 21.4.1926, 28.1.1930 ; Elsass-Lothringer Zeitung du 16.6.1930 ; La Dépêche du 28.12.1930 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 19.1.1930, 30.10.1930, 14.11.1958, 12.5.1959, 8.7.1994 ; Elsässer Kurier du 24.6.1931 ; Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains, t. 3, 1934 ; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, t. IV, p. 617 (index) (avec de nombreuses caricatures et illustrations de H. Zislin) ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, Leipzig, t. 36, 1947, p. 529 ; Magazine Ringier (Alsace et Moselle) du 1.5.1948 (Camille Schneider), 1958, n° 20, p. 3, 1965, n° 24, p. 2 ; J. A. Jaeger, « Hommage à H. Zislin », L’Engagé volontaire, n° 35, 1958, n° 5-6, p. 4 ; Nouveau Rhin Français des 28.3.1955, 7.5.1958 ; Le Nouvel Alsacien des 3.4.1953, 8.5.1958 ; Bonjour, n° 48 du 28.11.1964 ; G. Baur, « L’hommage de Paris à la mémoire de H. Zislin », Magazine Ringier, 1966, p. 46, p. 1-2 ; H. Muller, « Le destin mouvementé et fécond de H. Zislin (1875-1958) », Saisons d’Alsace, n° 19, 1966, p. 355-382 (avec bibliographie) ; R. Perreau, « Quand Zislin publiait Dur’s Elsass », Almanach du Combattant UNC, 1969, p. 41-47 ; F. Holterbach, « Pour une satire graphique alsacienne », Budderflade, n° 14, 1978, p. 28-29 ; G. Hanin, « Hansi et Zislin : même combat », La Vie en Alsace, n.s., n° 5,1979, p. 4-6 ; Christian Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939. Du Reichsland à la République jacobine, Paris-Strasbourg, 1982, p. 131, 269 ; A. Longueval, « Henri Zislin, illustrateur alsacien de cartes postales », Diligence d’Alsace, n° 27, 1982, p. 35-36 ; G. Schurr, « Les Petits Maîtres de la peinture 1820-1920 », Valeur de demain, t. 2, Paris, 1982 ; François Lotz (en collabor. avec J. Fuchs, L. Kieffer, R. Metz), Artistes-peintres alsaciens de jadis et de naguère 1880-1982, Kaysersberg, Éditions Printek, 1987, p. 365-366 ; P. Steinmann, R. Candir, Henri Zislin, 1994, 130 p. ; Bénézit, Dictionnaire critique… des peintres, sculpteurs, dessinateurs…, Paris, t. 14, 1999, p. 914 ; Cl. Lorentz, La presse alsacienne du XXe siècle. Répertoire des journaux parus depuis 1918, Strasbourg, 1997, p. 96-97 ; T. Ungerer, Les Saisons d’Alsace, n° 17, hiver 2002-2003, p. 57.
† François-Joseph Fuchs (2003)