Philosophe utopiste, (PI) (★ Strasbourg 8.12.1753 † Rothau 21.8.1806, suicide). Fils de Daniel Gottlieb Ziegenhagen, chirurgien, originaire de Steinwehr en Poméranie (1706-1771), et de Marie Marguerite Schwartz (★ Ittenheim 10.5.1734 † Strasbourg 30.3.1807), fille du pasteur Jean-Philippe Schwartz. Daniel Gottlieb Ziegenhagen avait acquis en 1732 le droit de bourgeoisie de Strasbourg et avait épousé en secondes noces (17 février 1751) la toute jeune Marie Marguerite. De cette union est également issue Marie Salomé Ziegenhagen, la mère du poète Daniel Ehrenfried Stœber ©. Franz Heinrich Ziegenhagen a épousé le 27 février 1781Anna Magdalena Christina Meyer (★ 1748 † Hambourg 1802). Bien qu’il eût comme précepteur le jeune Jean-Frédéric Oberlin ©, Franz Heinrich se tourna de bonne heure vers le négoce et l’industrie. En 1775, il était à Ratisbonne où il fut reçu franc-maçon dans l’importante loge Wachsende zu den dreien Schlüsseln (Croissante aux Trois Clefs). En 1777, il séjourna à Sedan où il aurait dirigé une manufacture de draps. Aucune trace de cette activité n’ayant été trouvée dans la cité ardennaise, il faut admettre avec le principal biographe de Ziegenhagen, Gerhard Steiner, qu’il s’agissait de simples relations commerciales. Léopold Mozart, dans une lettre adressée la même année à son fils, signale la présence du négociant à Sedan, sans que l’on apprenne la raison précise de ce renseignement (relations utilitaires ou franc-maçonnerie ?). En 1788, Franz Heinrich Ziegenhagen avait élu domicile à Hambourg et voulut créer une communauté éducative expérimentale inspirée de ses principes philosophiques. C’est en 1792 qu’il publia à Hambourg son ouvrage fondamental Lehre vom richtigen Verhältniss zu den Schöpfungswerken (Théorie du juste rapport aux œuvres de la création). En annexe de cette publication figurait un poème antérieur que Mozart avait mis en musique en juillet 1791, quelques mois avant sa mort prématurée. Sous le titre Eine kleine deutsche Kantate, cette œuvre porte le numéro 619 du catalogue Kœchel. En 1795, Franz Heinrich Ziegenhagen, arguant de ses origines strasbourgeoises, eut l’outrecuidance d’adresser à la Convention son projet d’éducation et d’accession au bonheur. Sa démarche, à la fois naïve et émouvante, resta bien entendu sans réponse. En attendant, il réitéra dans la préface de ses différentes éditions son intention d’établir dans les environs de Strasbourg ou de Hambourg une communauté de jeunes garçons de huit à neuf ans et de fillettes de six à sept ans. Une gravure de D. Chodowiecki (édition de 1799, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg) montre une cité pavillonnaire strictement ordonnée, entrecoupée de jardins et de potagers, avec des enclos réservés aux chevaux, aux moutons et aux vaches. Ces enclos se développent le long d’un cours d’eau où les animaux peuvent s’abreuver à volonté. Au premier plan, règne une vive activité: escalade, équitation, canotage, lutte gréco-romaine. La nudité n’est nullement proscrite, elle fait partie des principes essentiels de ce programme qui est en avance sur son temps. Les idées de Franz Heinrich Ziegenhagen dérivent à la fois du rationalisme luthérien et du rationalisme matérialiste français. La trinité de son système s’intitule: « Nature, Cœur et Raison ». Novateur, Ziegenhagen prône notamment l’égalité de la femme et de l’homme. Certaines de ses idées sont reprises dans la « Flûte enchantée » de Mozart dont le librettiste n’est autre qu’Em. Schikaneder, membre de la loge de Ratisbonne. Mais la réalité rattrapa Ziegenhagen dont les affaires périclitèrent. Il quitta Hambourg à la cloche de bois (1802), se réfugia dans la vallée de la Bruche et, selon le témoignage d’Oberlin, « se brûla la cervelle ». Officiellement, il est mort poitrinaire.
Autre ouvrage de Franz Heinrich Ziegenhagen : Jede Kirche, jede Schule müsste ein Hörsaal der Wissenschaften und Handwerke sein, Hambourg, 1793, (Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg).
Archives municipales de Strasbourg, Dossier de Généalogie n° 751 (lettre de F.J. Fuchs) ; J.-Y. Mariotte, Catalogue des manuscrits Oberlin, 1993, p. 155 ; Gefühle beym Tode unserer unvergesslichen Grossmutter Maria Margaretha Ziegenhagen, geborene Schwartz, von ihren Enkeln’, Strasbourg, 1807 (Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg) ; C. Leenhardt, La vie de J. F. Oberlin, Paris, 1911, p. 14 ; G. Steiner, Franz Heinrich Ziegenhagen und seine Verhältnislehre. Ein Beitrag zur Geschichte des utopischen Sozialismus in Deutschland, Berlin, 1962 (Quellen und Texte zur Geschichte der Philosophie) ; J. Guter, Pädagogik in Utopia, 1968 ; Z.-Ét. Harsany, La vie à Strasbourg sous la Révolution, Strasbourg, 1975, p. 210 ; Ph. Autexier, « Ziegenhagen, l’Utopiste », Saisons d’Alsace, n° 113, 1991, p. 113-116; J. Ritter, Historisches Wörterbuch der Philosophie, Band 11, Bâle, 2001.
† Théodore Rieger (2003)