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WYLER William (Guillaume)

Réalisateur de cinéma (★ Mulhouse 1.7.1902 † Beverly Hills près de Hollywood 27.7.1981). Né d’un père suisse et d’une mère allemande, « Willy » semble promu a une carrière de commerçant: son père tenait un magasin à Mulhouse. ∞ I 1934 Margaret Sullivan. ∞ II 1938 Margaret Tallichet. 4 enfants. Salué comme un des maîtres du cinéma américain, parfois discuté par les critiques, Wyler fut un réalisateur immensément populaire. Scolarité en Alsace, puis à Lausanne et à Paris. La grande chance de sa vie fut d’être de la famille de Cari Laemmle, le fondateur des Studios Universal à Hollywood. En effet tous les ans, les cousins Laemmle revenaient en Europe et on leur recommandait volontiers les jeunes gens désireux de faire fortune dans le Nouveau Monde. Cédant aux instances de son petit-fils, la grand-mère de Wyler alla voir sa cousine Laemmle. Et le jeune homme réalisa son rêve : partir pour les États-Unis. À 18 ans, il débuta comme attaché de presse à New-York puis gagna Hollywood. Il fut d’abord assistant-monteur puis assistant-réalisateur, et enfin metteur en scène de petits westerns (films courts de première partie de séance). Le premier long métrage de Wyler fut Crook Buster (1925). Il réalisera ensuite des dizaines de films, dans tous les genres possibles, du drame psychologique à la comédie musicale en passant par le policier, le peplum ou le film de propagande. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, il était connu dans le monde entier. Il se rendit célèbre par le nombre de prises dont il accablait acteurs et techniciens – mais aucun acteur ne refusa de travailler avec lui, et ses films donnèrent l’oscar à trois douzaines d’entre eux. Efficace, il fut attentif au travail de chacun et coordonna l’ensemble avec autorité : je ne suis pas le compositeur, je suis le chef d’orchestre disait ce « petit homme aux yeux pétillants et au grand sens de l’humour », comme le décrivait son ami Charlton Heston. Est-ce la raison de son succès? Il devint célèbre aux États-Unis avec en particulier Dead End (rue sans issue), un film sur la misère, source de délinquance (avec Humphrey Bogart), Jézébel (L’insoumise) tourné en 1938 avec Henri Fonda et Bette Davis, et Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent), avec Laurence Olivier et David Niven, sorti en 1939. Il sut refléter les valeurs américaines, que d’ailleurs il partagea. Naturalisé en 1928, Wyler fut un grand défenseur de la démocratie, et n’hésita pas à tourner des films de propagande pour convaincre l’opinion publique américaine de faire la guerre au totalitarisme aux côtés de l’Angleterre. Engagé dans l’aviation, il tourna Memphis Belle (1943) et Thunderbolt (1945) à la gloire de l’armée américaine. En 1946, il exprima le désarroi des jeunes démobilisés dans Les plus belles années de notre vie. Mais sa célébrité dépasse le cadre des États-Unis et il sera un des réalisateurs les plus populaires de tous les temps, ne serait-ce qu’à cause de son Ben-Hur tourné en 1959 avec Charlton Heston. Ses autres films mondialement célèbres sont principalement Vacances romaines et Funny Girl. Cette audience comblait ses vœux: il désirait avant tout que chacun de ses films fût porteur d’un message. Il avait pour objectif de toucher le plus vaste public possible. Pour que ce message soit reçu, Wyler avait choisi d’être classique dans son style. Son ambition fut pleinement réalisée. Son succès lui assura un pouvoir énorme à Hollywood « Embaumé de sa gloire passée, il était devenu une institution », dit de lui l’historien du cinéma Georges Sadoul. Wyler fut le plus « oscarisé » des réalisateurs : Ben Hur à lui seul reçut 11 oscars (meilleur film, meilleure mise en scène, meilleur acteur pour Charlton
Heston…) et deux autres de ses films recevront l’oscar de la meilleure réalisation : Mrs Miniver (1942), The Best Years of our Lives (1946). Il tourna avec les plus grands acteurs, Humphrey Bogart, Bette Davis, Henri Fonda, Grégory Peck, Barbara Streisand, en révéla certains, en particulier Audrey Hepburn (avec Vacances romaines).
Sa vie privée elle-même fut mêlée au cinéma : il épousa successivement deux actrices, et son frère Robert fut, lui aussi, réalisateur à Hollywood. Son succès agaçait les esthètes, qui lui reprochaient un certain académisme. Mais lui-même s’en amusait « Quoi de moins artistique que d’avoir à son actif le film ayant réalisé la plus grosse recette de l’histoire du cinéma ? ». Wyler fut-il un Alsacien ? les Alsaciens le considéraient comme l’un des leurs, non sans quelques raisons. « Il s’exprime parfaitement en français avec un petit accent américain teinté d’alsacien » remarquait un journaliste (Arts, 7 septembre 1966). Wyler avait d’ailleurs gardé des attaches familiales dans sa province d’origine. En quoi l’œuvre de Wyler est-elle d’un Alsacien? Cet homme né aux confins des trois frontières fut toujours hostile à toute forme d’intolérance. À propos de On n’achète pas le silence, film contre le racisme qu’il tourna en 1970, et qui fut le dernier d’une œuvre prolifique, Wyler déclarait lui-même: « Le racisme est partout, y compris en France. Moi-même je suis un peu alsacien, un peu un peu allemand, un peu suisse, un peu américain. Il y aura toujours un anti-alsacien, un anti-allemand, un anti-suisse ou un anti-américain à qui je déplairai. Et pourtant, je suis toujours le même homme ».

A. Bazin, « William Wyler ou le jansénisme dans la mise en scène », Qu’est-ce que le cinéma? t. 1, p. 149-173 ; R. Boussinot, Encyclopédie du Cinéma, 1980; G. Drion, O. Gozillon-Fronsacq, Kinnes, Les Débuts du cinéma en Alsace, documentaire coproduit par France 3 Alsace et Balthazar Films, 1996 ; W. Jacobsen, H. Belach, N. Grob, W. Wyler, Argon, 1996; R. Leenhardt, « À bas Ford! Vive Wyler! », L’Écran français, 13.4.1948; A. Madsen, William Wyler, New York, 1973; N. Laybourn, L’émigration des Alsaciens et des Lorrains du XVIIIe au XXe siècle, t. Il, Strasbourg, 1986.

Odile Gozillon-Fronsacq (2002)