Mystificateur (★ Le Ban-Saint-Martin, Moselle, 1877 † après 1922). De père allemand. En 1896, engagé volontaire au 8e régiment d’Artillerie à pied, il obtint le grade d’aspirant sergent-major, mais en 1908, détourna 3000 marks de la caisse de la cantine du régiment. Passé en justice militaire, mais reconnu aliéné mental inguérissable, il fut rayé des cadres; il obtint toutefois une pension militaire. Le 5 février 1913, le Mercredi des Cendres, il composa un faux télégramme qu’il remit personnellement, affublé d’une pèlerine et d’une casquette de télégraphiste, à 10 heures du matin, au poste de garde central de la garnison situé à l’Aubette. Le faux télégramme mentionnait qu’il était envoyé de Wissembourg à 9 h 45 et adressé au gouverneur militaire de Strasbourg, et s’intitulait: « Ordre est donné au corps de garde principal, de donner immédiatement l’alarme à toute la garnison. Arriverai en automobile à midi au Champ de manœuvre du Polygone. Guillaume Imperator Rex ». Comme il y avait déjà eu des visites inopinées de l’empereur à Strasbourg, l’officier de garde fit immédiatement porter le télégramme au gouverneur, le général von Egloffstein. Comme personne ne se doutait du faux, tous les régiments de la garnison furent mis en état d’alerte, et à partir de 11 heures tous les corps de troupe se dirigeaient au pas de course vers le Polygone, avec sac au dos et en équipement de guerre. Comme on était le lendemain du mardi-gras et qu’à certains endroits les festivités avaient duré jusqu’à l’aube, il y eut des scènes humoristiques et cocasses : adjudant de compagnie cherchant son officier dans différents débits de boissons, musiciens des cliques militaires cherchant leurs grosses caisses laissées dans les restaurants où ils avaient joué toute la nuit, fourgons régimentaires bourrés de paille et recouverts de bâches pour remplacer les approvisionnements non disponibles. Tous les bâtiments officiels, ainsi que la cathédrale pavoisés, un zeppelin vola au-dessus de la ville et du Polygone, une foule de badauds se massait devant le palais impérial pour pouvoir applaudir l’empereur. À midi les 16 000 hommes de la garnison et les autorités civiles et militaires furent au Polygone en formation de revue. Comme l’empereur n’arrivait pas, ce n’est que vers 13 heures que le prince Joachim, fils de l’empereur, qui résidait à Strasbourg, télégraphia à Berlin pour savoir où était l’auguste visiteur. Il lui fut répondu que « Sa Majesté était à la chasse à Koenigsberg ». La mystification fut découverte et les autorités militaires ridiculisées. Le gouverneur militaire fut mis à la retraite et le général commandant le XVe corps d’armée, muté. Wolter fut arrêté le soir même, tranquillement assis dans son restaurant habituel « Au Tigre », rue du Faubourg National, se glorifiant devant ses amis de la parfaite réussite de sa mystification. Il fut déclaré malade mental et interné à Stephansfeld. Libéré en 1918, par le Conseil des travailleurs et des soldats (Arbeiter und Soldatenrat), il fut peu après, de nouveau interné à Hoerdt. Vers 1922, il fut expulsé de France, étant de nationalité allemande. On ignore sa destinée ultérieure. La revue du Mercredi des Cendres (Aschermittwochparade) fit naturellement la une dans la presse mondiale avec des commentaires ironiques. Une série de cartes postales humoristiques à ce sujet fut éditée. Les autorités militaires tout d’abord humiliées, se glorifièrent peu de temps après, qu’aucune armée au monde eut été capable de rassembler en deux heures, un corps d’armée aussi complet et impeccable.
Strassburger Neueste Nachrichten du 6.2.1913; Magazine Ringier du 5.3.60 ; Dernières Nouvelles d’Alsace des 3.2.63, 10.10.64 et 7.3.73 ; H.-O. Meissner, Strassburg O Stra?burg, Esslingen-Munich, 1986.
Louis Ludes (2002)