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WIEGAND Wilhelm

Archiviste et historien, (P) (★ Ellrich/Harz 5.11.1851 † Strasbourg 8.3.1915). Fils de Karl Heinrich Wiegand et de Johanna Marie Becker. ∞ avant 1890 Elisabeth Pauli (★ Landau 23.2.1861 † en Allemagne après 1918). Le Silésien Wiegand a raconté lui-même comment, jeune infirmier volontaire, il avait découvert Strasbourg à l’issue du siège de 1870. Bien qu’il eut entrepris des études d’histoire à Leipzig et à Berlin, il se laissa aisément convaincre par un parent en garnison à Colmar de s’inscrire à la nouvelle Université impériale qui s’ouvrait à Strasbourg au printemps 1872. Il fut ainsi l’élève, en particulier, de Hermann Baumgarten © qui dirigea sa thèse de doctorat consacrée à l’Histoire de mon temps de Frédéric II (1874). Après son service militaire dans un régiment de dragons à Colmar, il se disposait à prendre un poste d’enseignant lorsque le professeur Julius Weizsäcker © lui proposa de prendre en charge la recherche des sources et l’édition d’un cartulaire (Urkundenbuch) de la ville de Strasbourg, dont une commission avait arrêté le programme, approuvé par le président supérieur von Moeller ©, qui l’avait doté de crédits importants. Weizsäcker ayant quitté Strasbourg avant la parution du premier tome, Wiegand travailla en liaison avec Baumgarten et Paul Scheffer-Boichorst. Il assura la publication du tome I (1879) et rassembla les matériaux du second tome qui parut en 1886. Dès 1878, Wiegand utilisa les matériaux réunis pour l’Urkundenbuch dans sa thèse d’habilitation consacrée à la chronique relatant la guerre strasbourgeoise de 1262 (Bellum walterianum). Il prit la succession de Spach © à la tête des Archives du district de Basse-Alsace (Archives départementales), sa succession à l’Urkundenbuch der Stadt Strassburg ayant été assurée par Schulte (t. III, 1884) avec qui il établit le tome IV de registres (1898), cependant que Wolfram © et Hans Witte © éditaient le tome V (1896), Johann Fritz, le tome VI (1899) et Hans Witte le tome VII (1900). Pourvus d’un nouveau statut en 1889, les personnels des Archives départementales furent désormais rémunérés par l’État, les Archives de Strasbourg devenant également Archives du Land. Wiegand organisa le transfert des Archives des magasins Luckner vers le nouveau bâtiment de la rue Fischart, financé par le Bezirk de Basse-Alsace et par le Land (1894-1896). Selon une pratique alors en vogue en Allemagne, les Archives de Basse Alsace acquirent par échange ou par achat plusieurs fonds provenant de la préfecture de Haguenau, des seigneuries de Ribeaupierre et de Hanau-Lichtenberg, de la cour impériale de Rottweil, de l’ordre teutonique, entre autres. Depuis le semestre d’hiver 1878-1879, Wiegand comme chargé de cours (Privatdozent), puis comme professeur extraordinaire, assura les exercices de paléographie au Séminaire d’histoire du Moyen Âge. Avec Martin, Euting, Barack, Wiegand prit une part active à la fondation de la Section littéraire et historique du Club Vosgien (1880) et de son bulletin, qui « comprend de petits articles de recherche historique et de publications de sources historiques ainsi qu’une recension des publications parues dans l’année écoulée », (1884). Sous la direction du professeur Martin et de ses collaborateurs, le Bulletin de la Section historique s’occupa principalement d’études linguistiques et ethnographiques. Wiegand resta membre de son comité jusqu’à sa mort. Alors qu’en 1884, la Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, reprise par la Badische Historische Kommission aux Archives grand-ducales, avait déclaré vouloir se cantonner dans ses recensions aux publications de la rive gauche qui se rapportaient à l’histoire badoise, un accord entre le gouvernement alsacien-lorrain et celui du Bade passé en 1890 sous l’impulsion de Wiegand fit de la Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins une revue bado-alsacienne, avec un directeur de rédaction badois (son ancien collaborateur de l’Urkundenbuch de Strasbourg Aloïs Schulte) et un directeur de rédaction alsacien : Wiegand. Ce dernier entra également à la Badische Historische Kommission : c’est la contrepartie exigée par le Statthalter d’Alsace-Lorraine qui finançait la partie alsacienne de la revue d’une subvention de 1500 marks prise sur ses fonds extraordinaires, alors encore secrets. La Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins reprit alors la publication de la Bibliographie alsacienne parue jusqu’alors dans le Bulletin littéraire et historique du Club Vosgien, due à Marckwald ©, à Kaiser © de 1901 à 1906, à Teichmann © à partir de 1907. Wiegand resta rédacteur en chef de la partie alsacienne jusqu’en 1910 et y fut remplacé par Hans Kaiser, qui fut aussi son successeur à la tête des Archives départementales. Wiegand fit de la partie alsacienne de la Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, la revue de référence en histoire d’Alsace, à un niveau où seuls les bulletins alsatiques, puis la bibliographie alsacienne des Annales de l’Est de Pfister ©, Th. Schoell, J. Joachim © et Rodolphe Reuss © peuvent se situer. La Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins et les Annales entretinrent jusque vers 1910 un colloque scientifique d’une grande fécondité. Wiegand était entré au comité de la Société pour la conservation des monuments historiques en 1881 et fut élu secrétaire en 1883. En 1894, il défendit la proposition de transformer la Société en une Société d’histoire qui, « laissant la conservation des monuments historiques à l’État et aux collectivités publiques », se consacrerait d’abord à la recherche et à la publication de travaux historiques, fédérant des groupes locaux. La majorité « alsacienne », avec le chanoine Dacheux et Rodolphe Reuss, combattit très durement ce projet, derrière lequel ils voyaient se profiler le nouveau professeur de Moyen Âge, Harry Bresslau ©, directeur des Monumenta Germaniae Historica : il fut rejeté. Wiegand se retira définitivement de la Société. Il participa de près à l’élaboration du projet d’une Historische Kommission für Elsass-Lothringen avec Bresslau et Wolfram ©. Toutes les parties prenantes: historiens de l’Université, Archives, sociétés et revues d’histoire d’Alsace-Lorraine, y compris la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace et la Revue catholique d’Alsace parurent y adhérer de grand cœur le 21 septembre 1897. Libéralement dotée, la Historische Kommission devait élaborer et diriger de nouveaux programmes de recherches pour prendre la suite des grandes publications : Urkundenbuch der Stadt Strassburg et PK ainsi que le Cartulaire des Ribeaupierre, proches de leur achèvement. Présenté au Landesausschuss le 1er mars 1898, le projet fut rejeté à l’unanimité: les universitaires allemands y virent un coup de fourberie de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace et des députés alsaciens et lorrains qui refusaient la tutelle des universitaires allemands sur la recherche historique alsacienne, alors qu’aucun cours public d’histoire d’Alsace n’était donné à l’Université de Strasbourg. À Nancy, Pfister avait commencé un cours sur l’histoire d’Alsace dès le semestre d’hiver 1889-1890, mais Wiegand s’y refusa toujours, laissant au brillant Hermann Bloch ©, le soin de faire le premier cours d’histoire d’Alsace à l’Université de Strasbourg, à partir de l’hiver 1898-1899jusqu’à 1905, cours repris par Fritz Kiener © à partir de 1907. Wiegand se replia sur la Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins et sur la Section littéraire et historique du Club Vosgien, qu’il représenta volontiers lors des congrès allemands des Sociétés d’histoire et d’archéologie. Certes, avec Wiegand, ce n’est pas à un brillant moderniste que l’on donna la succession du fort ambitieux Meinecke, professeur d’histoire moderne, parti à Fribourg en 1906, mais pas non plus à un homme sans renom dans le monde universitaire allemand. Aux Archives, c’est Hans Kaiser qui lui succèda en 1906, tout comme il lui succèda en 1910 à la tête de la Section alsacienne de la Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, puis à la Badische Historische Kommission, enfin à la chaire d’histoire moderne de Strasbourg (1914). Sur le plan associatif, Wolfram venu de Lorraine, et désormais directeur de la bibliothèque de l’Université et du Land, réussit avec la Fédération des sociétés d’histoire de 1912, ce dont Wiegand et ses amis avaient rêvé de faire avec le Club Vosgien, puis avec la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace: assurer une place influente aux universitaires allemands dans la recherche historique alsacienne. Mais il est vrai que cette Fédération, qui témoignait de l’habileté tactique de Wolfram, procédait aussi d’une concession majeure que Wiegand n’avait jamais voulu faire: tout comme l’Alsace (Lorraine), l’histoire d’Alsace (Lorraine) existait et n’était pas simplement la déclinaison locale et fragmentaire d’une histoire plus vaste du Rhin supérieur et de l’Allemagne du Sud- Ouest ou de son voisin occidental (compte rendu du De Scriptoribus de Reuss par Wiegand, Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 1898). Cette position de nationaliste allemand (dont on rencontre bien entendu le décalque chez les nationalistes français), conduisit logiquement Wiegand à condamner publiquement les thèses de Wittich sur la double-culture alsacienne, dont il contesta l’existence, tout comme celle de la Révolution française comme matrice du patriotisme français de l’Alsace soutenue par Kiener (et tant d’autres démocrates-libéraux et socialistes alsaciens de l’époque). Pour Wiegand, l’attachement à la France des Alsaciens procède de la poigne forte et assimilatrice de la monarchie française et de l’Empire napoléonien: modèles remarquables que devait imiter la politique allemande en Alsace. Il croyait donc erronée la politique particulariste et la marche vers l’autonomie constitutionnelle de 1911, au nom de l’unité de la nation allemande qui avait retrouvé le sens de l’État fort dans laquelle devait se fondre l’Alsace. Il comprenait, assurait-t-il, la politique défendue par Kiener, « Sammeln und Sichabschliessen » mais ce n’était pas la sienne (compte rendu de Wittich Kultur und Nationalbewusstsein im Elsass et Kiener, Die Elsassische Bourgeoisie, Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 1910). Ce n’est pas un hasard si l’Assemblée plénière des professeurs de l’Université désigna Wiegand pour la représenter à la Chambre haute du Landtag en 1911. Wiegand renonça à sa chaire pour raison de santé (26 mai 1914). Il eut encore le temps de coucher par écrit quelques souvenirs auxquels leur inachèvement même confère une valeur de témoignage spontané sur les débuts de «  l’époque allemande ».

Œuvres : Wiegand est l’éditeur de Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. I et II (chartes et pièces politiques), 1879 et 1886, t. IV, I (supplément), 1898 ; Friedrich der Grosse, Bielefeld, 1902, 2e éd., 1909 ; « Die Schlacht zwischen Caesar und Ariovist », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, 16, 1893 ; Zur Geschichte der Hochkönigsburg, eine historische Denkschrift, 1901 ; Die internationalen Konferenzen vom Rothen Kreuze, ein geschichtlicher Rundblick, Berlin, 1902 ; « Bezirks- und Gemeindearchive im Elsass », Jahrbuch des Vogesenclubs, 14, 1898, p. 161-191 ; « Die wissenschaftliche Vorbildung des Archivars », Korrespondenzblatt 47, 1899; « Elsässische Lebenserrinerungen », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, NF 39, 1926, p. 84-117 (publication posthume, traduite en français et annotée par J.-Y. Mariotte, voir ci-après). Nombreuses autres publications de Wiegand consacrées à des sujets d’histoire médiévale ou moderne ou aux sciences auxiliaires, ou à l’évocation de collègues disparus. La liste complète est donnée par H. Kaiser, voir ci-après.

Archives départementales du Bas-Rhin, AL 103, p. 796-797 – Dossiers personnels. AL 103 1449 – Comptes de l’Urk. der Stadt Strassburg ; Archives municipales de Strasbourg, XIV AM 337/1869a – publications historiques ; Archives départementales du Bas-Rhin, AL 27-640, projet d’une Historische Kommission. Landesausschuss, procès-verbaux, 15 juillet 1876; Exposé des motifs de la publication d’un Els. Urkundenbuch et 19 février 1886 ; Memorandum sur la publication d’un Els. Urkundenbuch – procès-verbaux 1er mars 1898 ; Memorandum sur la constitution d’une Historische Kommission für Elsass-Lothringen, rapport de Commission, vote de plénière et retrait du projet par le secrétaire d’État de Puttkamer.

Bulletin de la Section littéraire et historique (Zweigverein) du Club Vosgien ; Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace; G. Wolfram, « Die Wissenschaftliche Vereine in Elsass-Lothringen von 1871-1918 », Wissenschaft, Kunst und Litteratur in Elsass-Lothringen 1871-1918, Francfort, 1934; H. Kaiser, « Wilhelm Wiegand », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, NF 30, 1915, p. 467-482 ; A. Vidier, Notice historique sur les Archives du Bas-Rhin, Strasbourg, 1925, p. XIV-XVI ; F.-J. Himly, Inventaire sommaire de la série J des ABR, 1958, p. 39-170; J.-Y. Mariotte, « Souvenirs alsaciens d’un archiviste allemand, Wilhelm Wiegand », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, XVII; 1987, p. 53-76; W. Leesch, « Die deutschen Archivare », Biographisches Lexikon, Munich-Paris, t. 2, p. 664 (avec d’autres références).

Jean-Yves Mariotte et François Igersheim (2002)