Pharmaco-chimiste, (Pr) (★ Mulhouse 21.1.1933). Fils de Camille Wermuth, maître boucher-charcutier à Mulhouse, ∞ Renée Reich, fille de Robert Reich., traiteur à Mulhouse. Pharmacien (Université de Strasbourg, 1956), licencié, puis docteur ès sciences (Université de Strasbourg, 1963 et 1964), Camille Wermuth s’est intéressé à la pharmacochimie (conception et synthèse de nouveaux médicaments) grâce à ses deux années de service militaire au Centre d’études physiobiologiques appliquées à la Marine à Toulon. À cette époque, ce centre de recherche était dirigé par le chirurgien et biologiste Henri Laborit, inventeur de techniques nouvelles d’anesthésie et découvreur du plus important médicament de la psychiatrie moderne: la chlorpromazine. Camille Wermuth est professeur de chimie organique et de pharmacie de l’Université Louis Pasteur à Strasbourg depuis 1969. Il a créé, dès cette année-là, le premier enseignement approfondi de pharmacochimie et a été ensuite l’un des pionniers dans la conception assistée par ordinateur de nouvelles molécules thérapeutiques. Il a aussi fondé et dirigé l’unité de recherche du CNRS correspondante, actuellement dénommée Laboratoire de pharmacochimie de la communication cellulaire. Cette unité concentre sa recherche essentiellement sur les pathologies neuropsychiatriques; cela a conduit à la synthèse et au développement de beaucoup d’outils de recherche pour les neurosciences et de trois médicaments. Le premier d’entre eux a été un antidépresseur, la minaprine (Cantor® Sanofi), commercialisé en Europe dès 1979, les deux autres sont l’acide acétylaminosuccique (Cogitum® SmithKIine Beecham) et l’oxacéprol (Jonctum® Merrell). Ses principaux thèmes de recherche portent sur la chimie et la pharmacologie de dérivés de la pyridazine. Le pharmacophore «3-aminopyridazine» tout particulièrement lui a permis d’accéder à une variété impressionnante d’activités biologiques. Parmi elles, on peut citer: des molécules antidépressives et anticonvulsantes ; des inhibiteurs d’enzymes telles que les mono-amine-oxydases, les phosphodiestérases et l’acétylcholinestérase ; des ligands pour les neurorécepteurs : antagonistes des récepteurs GABAa récepteur, antagonistes des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine, agonistes dopaminergiques et muscariniques. Très récemment, en collaboration avec des chercheurs de la firme Sanofi, il a développé des antagonistes puissants du neuropeptide CRH (« Corticotropin Releasing Hormone ») qui contient 41 amino-acides et qui règle la libération de l’hormone ACTH et, par là, la synthèse des corticoïdes dans les glandes surrénales. Des antagonistes du CRH pourraient montrer d’intéressantes propriétés antistress et antidépressives. Un autre intérêt réside pour lui, en liaison avec Jean-Charles Schwartz et Pierre Sokoloff (INSERM, Paris), dans le développement de ligands sélectifs des récepteurs D3 de la dopamine récemment découverts. Après trois années de phase exploratoire, cette recherche a effectivement conduit à des agonistes partiels, actifs à des doses nanomolaires, qui pourraient se montrer utiles dans la lutte contre la dépendance aux drogues.
À côté d’environ 250 articles scientifiques et environ 55 brevets, il est co-auteur ou rédacteur de plusieurs ouvrages (Pharmacologie moléculaire, Paris ; Médicaments organiques de synthèse, Paris; Medicinal Chemistry for the 21st Century, Oxford ; Trends in QSAR and Molecular Modeiing, Leyden, etc.). Son dernier livre intitulé The Practice of Medicinal Chemistry, Londres, 1996, a fait l’objet de deux réimpressions (en 1999 et en 2001). Cet ouvrage prend son origine dans l’observation que la majorité des pharmacochimistes recrutés par l’industrie pharmaceutique, en tant que purs chimistes de synthèse, n’étaient pratiquement pas formés à la pharmacochimie. Celle-ci était acquise sur le tas au fil des années. L’objectif de l’ouvrage était donc de leur fournir un « livre de chevet » pour le début de leur carrière. Il est effectivement appelé depuis quelque temps « La Bible » par beaucoup de pharmacochimistes. Étant donné son succès, il a été traduit en japonais et en italien ; une traduction chinoise est en cours. En octobre 1999, Camille Wermuth a réalisé un vieux rêve qui est de créer une entreprise. L’objet de cette entreprise, Prestwick Chemical Inc., située à Strasbourg et à Washington, est de constituer, gérer et vendre des banques originales et hautement diversifiées de molécules bioactives (des chimiothèques) dans un format compatible avec les robots de criblage biologique utilisés par la recherche pharmaceutique. Par son expansion dans des nouveaux locaux disponibles en octobre 2001 au Parc d’innovation d’Illkirch, Prestwick Chemical entreprend des activités de recherche sous contrat et de synthèse à façon. Camille Wermuth a été honoré par l’attribution en 1984 du Prix Charles Mentzer de la Société française de chimie thérapeutique, le Prix Léon Velluz de l’Académie française des sciences en 1995, le Prix de l’ordre des Pharmaciens en 1998 par l’Académie française de pharmacie et le Prix Carl Mannich de la Deutsche Pharmazeutische Gesellschaft. Il est membre correspondant de cette dernière. Il a été président de la section « Medicinal Chemistry » de l’Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC) de 1988 à 1992 et président de la division « Chemistry and Human Health » de l’IUPAC de 1958 à 2000. Commandeur des Palmes académiques (1995).
M. Gissy, « Camille Wermuth : de la Marine au BP 897 », Dernières Nouvelles d’Alsace du 31.7.1999 (avec photo).
Pierre Bachoffner (2002)
† 22.9.2015.
« In memoriam Camille Wermuth », Chemistry International, 38, 1er janvier 2016.
Philippe Legin (juin 2022)