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VOGELSPERGER Bastian (Sébastian)

Colonel (Obrist) de lansquenets (★ probablement Altzheim, village aujourd’hui disparu près de Herxheim, Palatinat, vers 1505 † décapité à Augsbourg 7.2.1548). Malgré une abondante production écrite remontant en partie au vivant de Vogelsperger, on sait mal comment ce personnage d’extraction modeste acquit la maîtrise des langues italienne et française, et comment il serait passé de l’enseignement desdites langues à l’état militaire. Le 12 mai 1529, Vogelsperger, qui avait donc environ 24 ans, proposa aux XIII de Strasbourg, si la ville lui attribuait un traitement, d’enseigner « welsch, italienisch und frantzösisch ». Les XIII étaient disposés à donner une réponse favorable, mais voulurent savoir « ce qu’il était comme homme et s’il était capable d’enseigner à autrui ». On ignore la suite de l’entretien. En avril 1534 au plus tard, Vogelsperger fut associé au célèbre chef de guerre, comte Wilhelm von Fürstenberg © au moment où celui-ci, à l’instigation du landgrave Philippe de Hesse, rassemblait des troupes pour reprendre le Wurtemberg aux Habsbourg et le restituer au duc Ulrich. Deux ans plus tard Fürstenberg se trouvait au service du roi de France et Vogelsperger à ses côtés avec le titre de « profos » (juge militaire) Vogelsperger semble surtout s’être imposé par ses qualités d’administrateur au point que le roi François Ier, en février 1538, chargea directement Vogelsperger et Hans von Fleckenstein de lever 6000 lansquenets pour la campagne qu’il préparait contre l’empereur. Il concéda à Vogelsperger le château de Tremblevif (Loir-et-Cher). Fürstenberg, s’estimant trahi, entama contre son ancien subordonné une campagne de libelles diffamatoires à laquelle l’intéressé répondit à sa façon. L’affaire s’étira en longueur, en dépit d’un satisfecit accordé à Vogelsperger par François Ier le 23 octobre 1539 et d’un jugement favorable porté — le 26 janvier 1543, après de longues tergiversations — par la Cour impériale (Reichskammergericht) de Spire que ne semblait pas trop émouvoir ce conflit entre professionnels de la guerre tous deux au service d’une puissance étrangère et même ennemie. Dans l’intervalle Vogelsperger s’installa à Wissembourg où il fit fructifier le produit de ses campagnes; en 1539 le secrétaire de cette ville enregistra un prêt de 26 000 florins consenti par Vogelsperger à l’archevêque de Mayence; l’année suivante Vogelsperger fit construire une maison ornée de son portrait et de ses armes parlantes (un oiseau), qui existe toujours. Il acquit en 1542 la bourgeoisie de cette ville. Étant passé au service de l’électeur palatin, il acquit aussi des fiefs en Palatinat et fut amené en 1545 au nom du palatin Frédéric à prendre possession du couvent de Walbourg à la suite du décès du prévôt en titre.

La malchance de Vogelsperger fut d’exercer ses talents au mauvais moment. Après ses victoires sur la ligue de Smalkalde (automne 1546-avril 1547), l’empereur Charles Quint chercha à asseoir son autorité et, entre autres choses, à interdire par des exemples rigoureux le service militaire à l’étranger, interdit de longue date, mais largement toléré jusque-là. Il semble que l’empereur ait été également irrité par l’attitude provocante du nouveau roi de France Henri II qui l’avait convoqué à son couronnement comme un simple vassal au titre du duché de Flandres. Or Vogelsperger, qui n’avait pas directement participé à la guerre, accepta au printemps 1547 de lever à nouveau des troupes pour la France. Ces troupes étaient plutôt destinées à un éventuel conflit avec l’Angleterre et furent de toute façon licenciées sans être employées. Vogelsperger regagna sa résidence de Wissembourg à l’automne 1547, ignorant ou ne prenant pas au sérieux, le fait que l’empereur promulguait à son endroit un ordre d’arrestation (31 octobre). Cependant, le
14 janvier 1548, d’Augsbourg où il présidait la Diète d’empire, Charles Quint donnait mission à l’écuyer tranchant Lazarus von Schwendi © d’arrêter Vogelsperger ainsi que les capitaines Jacob Mantel et Thomas Wolf. Schwendi s’acquitta de sa mission efficacement. Bientôt rejoint par Wolf et Mantel, Vogelsperger fut conduit à Augsbourg, mis à la question, sommairement jugé et exécuté sur la place publique après avoir protesté de son innocence. Sa mort suscita des remous en France et dans l’Empire au point que Schwendi, en juin suivant, diffusa un justificatif de son action conforme aux ordres reçus, lui-même n’ayant pas connu Vogelsperger avant de devoir l’arrêter.

Les sources sont assez nombreuses, mais dispersées et de valeur inégale: on trouve tout d’abord les textes polémiques publiés par l’intéressé et par Fürstenberg, puis par Schwendi (juin 1548), mais la sentence de la Chambre impériale de 1543 qui aurait pu éclairer le différend entre les chefs de guerre, semble aujourd’hui inaccessible ; les affaires de Vogelsperger sont souvent évoquées dans des correspondances conservées par exemple dans les archives de Hesse, de Strasbourg ou de la Cour d’Angleterre. L’exploitation la plus systématique reste l’article de F. Solleder, à compléter néanmoins par les études plus récentes.

J. Rheinwald, L’abbaye et la ville de Wissembourg…, Wissembourg, 1863, p. 242-243 ; Politische Correspondenz der Stadt Strassburg im Zeitalter der Reformation, l-lll, Strasbourg, 1888-1898, IV-VI, Heidelberg, 1928-1932, passim. ; J. Ficker, O. Winckelmann, Handschriftenproben des XVI Jh., vol. I, n° 31 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 924-925 ; C. Oberreiner, « Notes tirées des State Papers : L. de Schwendi et S. Vogelsperger », Revue d’Alsace, 62, 1911, p. 255-262; Allgemeine deutsche Biographie, XI, p. 158 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, p. 7629-7630 ; Schottenloher, Bibliographie zur deutschen Geschichte im Zeitalter der Glaubensspaltung 1517-1585, n° 6764, 18889 et 21930 à 21935 ; F. Solleder, « Obrist Bastian Vogelsperger, ein Opfer der Politik Kaiser Karl V. », Festschrift für Georg Leidinger…, Munich, 1930, p. 253-276 ; J. E. Gerock, « Un condottiere allemand au service de la France. Le colonel Sébastien Vogelsberger à Wissembourg », Revue d’Alsace, 80, 1933, p. 241-261 ; H. Renner, « « Sébastian Vogelsperger (um 1505-1548), Pfälzer Lebensbilder 2, 1970, p. 81-96 ; J. V. Wagner, Graf Wilhelm von Fürstenberg, 1491-1549, und die Potitisch-geistigen Mächte seiner Zeit, Stuttgart, 1966 ; R. Peter, « Les lansquenets dans les armées du roi : le capitaine général Guillaume de Fürstenberg », Charles Quint, le Rhin et la France, Actes des journées d’études, Strasbourg, 1973, p. 95-110 ; J.-D. Pariset, Les relations entre la France et l’Allemagne au milieu du XVI’ siècle, Strasbourg, 1981,p. 96 ; L. Baillet, « Schwendi lecteur de Machiavel », Revue d’Alsace, 112, 1986, notamment p. 125-129 ; Le patrimoine des communes du Bas-Rhin, Charenton-le-Pont, t. ll, 1999, p. 1608 ; B. Parent, Wissembourg (Images du patrimoine), Strasbourg, 2001, p. 43.

Jean-Yves Mariotte (2002)