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VLÉS Fred Manuel Raoul

Scientifique, universitaire (★ au Havre 22.1.1885 † 2.7.1944). Fils d’Arthur Hermann Vlés et de Manuela Maria Orteno. ∞ 11.8.1914 à Romainville, Seine-Saint-Denis, Élise Berthe Louise Peyrega (★ Agen 22.3.1889), licenciée es sciences naturelles ; 1 fils. Sa carrière débuta en zoologie comme préparateur et élève d’Yves Delage au laboratoire de Roscoff (1905). En 1911 à Paris, un thèse remarquable sur les propriétés optiques du muscle lui valut le doctorat ès sciences naturelles. Pendant la guerre de 1914-1918, il servit au 4e Zouaves et obtint la croix de Guerre avec deux citations. En 1919, il vint à Strasbourg où se déroula la partie la plus longue et la plus brillante de sa carrière, d’abord à la faculté des Sciences, puis à la faculté de Médecine. C’est là qu’il fit école, constituant des équipes très vivantes de chercheurs à tendances et aspirations diverses : chimistes, physiciens, biologistes, médecins. Il fut chargé du cours de physique biologique à la faculté des Sciences (28 septembre 1919), puis devint professeur sans chaire (1er avril 1922) à cette faculté ainsi que professeur de physico-chimie à l’Institut du pétrole (1922), puis à l’École nationale supérieure du pétrole et des combustibles liquides. En 1923, il fut chargé du cours de physique biologique à la faculté de Médecine, nommé par le doyen Georges Weiss. Il introduisit la physicochimie à la faculté de Médecine, « estimant que le médecin devait être tenu au courant non seulement des disciplines physiques spécialisées en vue d’une utilisation immédiate comme la radiologie ou l’ophtalmologie, mais encore des fondements physiques de la vie ». En 1930, il succéda au doyen Weiss comme professeur de cette discipline. Pour réunir tous les travaux de physique biologique parus dans les périodiques de biologie, de physiologie ou de physique et en particulier ceux de son laboratoire et de ses élèves, il créa en 1921 Les archives de physique biologique. En 1931, il fonda la Société de physique biologique de Strasbourg devenue en 1937 la Société de physique biologique de France. Parallèlement il entreprit des études de médecine et soutint en 1925 sa thèse de doctorat Introduction à une physico-chimie pathologique, rassemblant les premières données sur les tumeurs cancéreuses. Progressivement, il créa un centre de recherches, fréquenté par des chercheurs venus d’Europe, des États-Unis, du Japon. Son haut niveau scientifique lui conféra une réputation nationale et internationale. Parmi ses collaborateurs locaux le plus remarquable fut P. Reiss © avec G. Achard et Gex, A. Dognon, D. Coulon. Pendant la Seconde Guerre mondiale il fut mobilisé à la Poudrerie militaire du Bouchet et, en mai 1940, il rejoignit l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, reconstituant son laboratoire dans des conditions difficiles. À la suite de la dénonciation du directeur de l’Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand, il fut recherché par la Gestapo. Il se livra le 10 mars 1944 pour éviter des représailles sur ses collègues et son personnel. Conduit à la prison militaire du 92e, il y séjourna trois mois. Transféré à Compiègne, il partit pour Dachau dans le funeste « convoi de la mort » du 2 juillet 1944. Il décéda dans le wagon où périrent dans des conditions atroces 76 des 100 occupants. Ses dernières paroles furent pour ses recherches et son laboratoire. Sa disparition fut une immense perte pour la biophysique toute entière. Son fils, Jean-Claude (★ Paris 15.11.1915), fut tué comme lieutenant d’aviation le 4 novembre 1944 lors d’une mission de bombardement.

L’œuvre de Vlès est considérable en étendue et en diversité, fruit d’une activité inlassable et d’une intense imagination. Ses recherches de laboratoire ont fait l’objet de plus de 500 notes et communications. Citons entre autres, les études sur l’effet du pH et du rH sur la stabilité moléculaire ou l’influence du champ atmosphérique sur la croissance et celles sur le terrain physico-chimique de l’organisme favorisant le développement du cancer. Il s’est également intéressé à la physique fondamentale avec l’analyse spectroscopique en lumière infra-rouge et ultra-violette de corps organiques et minéraux. Il a mis au point de nombreux appareils techniques qui ont été utilisés dans l’industrie. Pour les étudiants en médecine, il a conçu un précis de physico-chimie très didactique. Précis de chimie-physique (préface de G. Weiss), Paris, 1929 ; Titres et travaux, Paris, 1931.

D. G. Achard, « Fred Vlès », Strasbourg méd. 105, 1943, p. 43-48 ; A. Chevalier, « Fred Vlès », ibidem, 107, 1947, p. 179-182 et par F. Rohmer, p. 186-187 ; Cl. Fourrer, Fred Vlès – Paul Reiss. Héros de la Faculté de Médecine de Strasbourg, thèse de doctorat de Médecine, 1988-1989, n° 9 ; De l’Université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeois, 4e éd., 1996, notamment p. 19, 57-66 ; J. Chambron, « « La physique médicale est de nouveau une discipline à part entière, J. Héran, Histoire de la médecine à Strasbourg, p. 501-502.

Francis Rohmer (2002)