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ULLMANN (UHLMANN) Jean-Jacques, père et fils

Propriétaire terrien, (PI). Issu d’une famille d’artisans, auxquels s’ajoutent tel pasteur et tel juriste, conseiller de Nassau-Usingen, Jean-Jacques Ullmann père, époux d’une Oelinger, fille de notaire strasbourgeois, était orfèvre, le fils marchand. C’est à
son propos qu’un voyageur évoque « ein junger Kaufmann… der weite Reisen nach Russland getan hatte ». L’un et l’autre ne sont guère connus que pour leur œuvre agricole, aux portes de Strasbourg, objet d’éloges stéréotypés à la suite de la visite de leur domaine à la Hohwarth (et non pas de la Gansau) par des voyageurs, auteurs de souvenirs d’accès facile, cités plus d’une fois. Le bien des Ullmann dérivait d’une propriété formée par les Franck, par regroupement de terres. Ainsi le père acheta, en 1772, 35 arpents « vis-à-vis de la Hohwarth » (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 26/I/183), « de l’autre côté de la route » (de Colmar) (Archives départementales du Bas-Rhin, 1 M 73), et à nouveau une dizaine en 1775 (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/160). Il est parfois question du Hohwartshof, source de confusion avec la Howarth. La première acquisition fut suivie, aussitôt, de la construction de « bâtiments et d’une grange », sans autorisation « parce qu’il ignorait qu’il fallait en demander la permission » (Archives départementales du Bas-Rhin, C 607). Notre orfèvre s’y installa ; il y était encore en 1808. Par la suite, le bien fut quelque peu arrondi. Fut acquis un communal d’un hectare, source de litiges lors de la Révolution et par la suite. Lors du partage des communaux, l’orfèvre échappa au tirage au sort et obtint un lot « si près de sa ferme et si loin du village » (Archives départementales du Bas-Rhin, 1 M 73). S’ajoutèrent aux propriétés une trentaine d’arpents loués des Wurmser, ce qui fait un total d’une centaine d’arpents en 1790 (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/220). En 1780, le père fit don du domaine à son fils (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/180). Un drame éclata en 1782, en raison de l’endettement de l’un et de l’autre. Le fils prit la fuite. En 1808 encore, il était absent. Le père reprit le domaine, das ihm abgetretene Gut wieder zu übernehmen, zu bauen und den besten Nutzen daraus zu ziehen (reprendre le bien cédé, de construire et d’en tirer le meilleur usage), de manière à faciliter un arrangement avec les créanciers (Archives municipales de Strasbourg, Chambre des Contrats, 1782). L’affaire traîna jusqu’en 1808 (Archives départementales du Bas-Rhin, 7 E 57/XII/22).

Aurait d’abord été pratiquée l’exploitation directe. En particulier le fils avait un anabaptiste à son service. En 1790, le père passa bail avec un anabaptiste de Niederentzen (6 E 41/220). En 1803, le bien fut exploité par Hummel, l’un des gendres. Les récits des voyageurs mettent l’accent sur deux points. D’une part, voici une Melkerei, avec stabulation, grâce aux fourrages artificiels. En 1782, l’esparcette occupait dix arpents. Étaient aussi utilisés les résidus de brasserie. La vente du lait procurait d’importantes recettes. À noter un Milchkarren (charrette à lait — Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 26 I/253). En 1790, les fourrages artificiels, trèfle certes, mais surtout esparcette, s’étendaient sur une quinzaine d’arpents (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/220). D’autre part, le domaine était un haut lieu de la garance. Sans doute apparaît-elle tôt. Certes sans date, une plainte de la communauté d’Illkirch évoque, à propos « du bien par lui acquis » sa « plantation de garance » qui conduit à l’interdiction de « tout passage » (Archives municipales de Strasbourg, VII/26). Ullmann fils est dit Röthfabricant (fabricant de garance). En 1782, la garance occupait une vingtaine d’arpents, à récolter cette année pour moitié, l’année suivante pour l’autre (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 26/I/253). Le bail de 1790 stipule pour l’essentiel un métayage, mais privilégie la garance, à laquelle furent consacrés deux arpents par an, bien fumés, et dont la récolte fut réservée au bailleur. Nous voilà bien loin des emblaves précédentes ! En outre l’anabaptiste mit à sa disposition, gratuitement, pendant deux semaines, les chevaux nécessaires au travail de la garance (zur Fabrication gemelter Reed — Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/220). Et en effet, il est question d’une Röthmühl (moulin à garance) en 1782 (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/1523). Nous échappe cependant pour l’essentiel les relations d’affaires. Si le fils était débiteur de Burggraff für Röth zu mahlen, il acheta de la garance à un planteur de Mühlburg près de Karlsruhe (Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41/1253). L’œuvre des Ullmann aura-t-elle été mise en relief d’une manière excessive sur la foi de voyageurs éblouis ? Le fils aurait-il échoué dans son entreprise sans préjuger, certes, d’autres causes de faillite?

Bemerkungen auf einer Reise durch Elsass…, Göckings Journal von und für Deutschland, 1784 (C’est pendant un an et demi, en tout cas l’été 1778, que l’auteur séjourna en Alsace) ; Reise eines Engländers durch einen Theil vom Elsass…, Amsterdam et Stockholm, 1793. Malencontreusement l’époque du séjour de l’auteur en Alsace nous échappe.

Jean Vogt (2001)