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UHRY Ghislain

Artiste-peintre, décorateur de théâtre et de cinéma (★ Lwow, Pologne 26.4.1932, d’un père strasbourgeois et d’une mère autrichienne). Il passa sa petite enfance à Paris, fit ses études secondaires à Strasbourg et à Avignon. Il étudia deux ans à l’École des Arts décoratifs de Strasbourg, vécut un temps entre Strasbourg et Paris, avant de s’installer à Paris où il est toujours établi. Ghislain Uhry a exposé dès le milieu des années 50: ainsi chez Landwerlin à Strasbourg en 1956 et à la Galerie de Seine à Paris en 1958. À partir de 1964, on le trouve en contrat chez Krugier à Genève (dès novembre 1964, Uhry a créé la lithographie de couverture du beau catalogue d’exposition de jeunes peintres comprenant notamment Horst Antes, David Hockney, Luginbuhl, Rancillac et Télémaque). Ghislain Uhry n’a jamais oublié l’Alsace, ni ses ascendants alsaciens. Au début des années 50, il a fréquenté la galerie de la Maison d’art alsacienne (de l’AIDA – Artistes indépendants d’Alsace) alors tenue par Landwerlin, rue Brûlée; il resta encore en contact avec Landwerlin, lorsque celui-ci s’est installé, en indépendant, rue des Frères. Au cours des années 50, Uhry a fait preuve d’un incontestable activisme, s’efforçant avec de rares autres de faire bouger les milieux de l’art en Alsace. On lui doit diverses réalisations novatrices (intervention marquantes dans des décors d’églises autour de Strasbourg ou dans un foyer d’école d’ingénieurs à Strasbourg).
Connaissant bien, par sa famille, le directeur des Musées strasbourgeois, Ans Haut, il fut de ces jeunes gens (avec Jacques Fischer notamment) qui, avec l’aval de Haut, tentèrent d’apporter du sang neuf à une ville engourdie et transie. Fort d’un réseau de relations parisiennes qu’il s’était rapidement constitué (Kahnweiller-galerie Louise Leiris, Mme Cuttoli ou Claire Goll), Ghislain Uhry fut un acteur très actif des premières expositions d’art moderne et contemporain à Strasbourg. À travers une section spécifique des Amis des arts et surtout en s’engageant personnellement, il a ainsi participé activement à la réalisation de l’exposition de 1958 et de celle, fort novatrice alors en Europe, de 1963 (« La grande aventure de l’art du XXe s. »). Il contribua beaucoup au retour de Hans Arp à Strasbourg. Il fit venir également un ensemble important (tableaux, dessins, manuscrits originaux, correspondance — dont des lettres de Rilke, etc.) que Claire Goll, épouse d’Yvan Goll, mit à la disposition des musées de Strasbourg pour une exposition : à la déception d’Uhry et de quelques autres, les musées ne manifestèrent pas d’intérêt au-delà de l’exposition et ce fonds fut finalement donné à Saint-Dié et au Schiller-Nationalmuseum de Marbach. Ghislain Uhry a poursuivi parallèlement son activité de peintre à Paris. Il a exposé dans de nombreuses galeries, principalement à la galerie parisienne de Claude Aubry, chez Cooper à Londres ou encore Pauli à Lausanne.

Une première rétrospective de son œuvre eut lieu au Passage de Retz à Paris, en 1995. Il s’est engagé à partir de 1964 dans la mise en scène. Invité par Gian Carlo Menotti à mettre en scène Le Chevalier à la rose de Strauss au Festival de Spolète, Louis Malle a souhaité s’associer avec Ghislain Uhry qui créa les décors et les costumes. Avec Louis Malle, aux côtés duquel il a été « art director », cette coopération se poursuivit durant sept films. On relèvera notamment Viva Maria en 1965 (où les costumes qu’il créa pour Jeanne Moreau et Brigitte Bardot — robes longues — firent sensation et constituèrent, en raison d’une importante diffusion internationale, très relayée aux États-Unis dès le tournage, une des sources de l’habillement hippie…) ou encore Le voleur en 1966 (costumes); son apport fut précieux pour Lacombe Lucien (où il a participé à la mise en scène et fut chef décorateur) ; enfin, il a été, aux côtés de Joyce Bunuel et Louis Malle, co-scénariste pour Black Moon dont il a réalisé également les décors. La grande ambition de Ghislain Uhry a été d’associer davantage la peinture aux arts du spectacle: il s’est ainsi employé à introduire un regard de peintre dans l’image cinématographique ou, pareillement, par les décors et les costumes, sur la scène du théâtre ou celle de l’opéra. Sa vision de peintre, il a eu l’occasion effectivement de la faire pénétrer dans le théâtre : en effet, à partir de 1975, il a pris en quelque sorte la relève d’André Masson dans la Compagnie Renaud-Barrault. Il a dessiné des décors et costumes pour des mises en scène de Jean-Louis Barrault : ainsi pour Les nuits de Paris de Restif de La Bretonne, pour Angelo tyran de Padoue de Victor Hugo ; ou encore, en 1986, pour la dernière mise en scène de Jean-Louis Barrault, Le Théâtre de foire d’après Lesage. Il a rencontré André Pierre de Mandiargues avec lequel il a collaboré pour trois pièces et Lawrence Durell pour son unique pièce Un Faust irlandais. Entre 1975 et 1978, il a travaillé longuement avec Jean Genet à l’élaboration d’un scénario de film Le Bleu de l’œil qui devint ultérieurement La Nuit venue ; il a effectué avec cet auteur un voyage de repérage (Algésiras, Grenade, Tolède), mais le film ne vit pas le jour. Il a dessiné également les décors et costumes de nombreux opéras pour l’Opéra de Marseille, notamment pour Electra, Wozzeck, Lohengrin, La Flûte enchantée, Pelléas et Mélisande, etc., spectacles qui ont ultérieurement tourné dans d’autres villes en France. À partir de 1958, il a fréquenté intimement André Masson. Il a séjourné longuement chez le peintre à Aix-en-Provence entre 1977 et 1987. Bénéficiant d’une connaissance exceptionnelle de l’œuvre de cet artiste, il lui a consacré de nombreuses études (ouvrages, contributions à des catalogues) ; il a préparé un nouvel ouvrage sur ce grand peintre. Par ailleurs, il est depuis plusieurs années, le président du Comité André Masson. Sa profonde connaissance du milieu artistique (peintres, lettres, arts du spectacle) fait de Ghislain Uhry un témoin de tout premier ordre : il a déjà porté témoignage et continue de le faire.

Illustrations pour deux ouvrages de Dominique Fouroade, Épreuves du pouvoir, collection « Amande », José Corti, 1961 (gouaches pour les exemplaires de tête) ; Nous du service des cygnes, collection « L’Arbre de plein vent », Claude Aubry, 1970 (dessins originaux pour les exemplaires de tête).

Publications, articles: voir au sujet d’André Masson : André Masson et le Théâtre, présentation et notes de Ghislain Uhry, Textes de Michel Leiris, André Masson, Jean-Louis Barrault, Charles Dullin, Georges Duthuit, Federico Fellini, éd. Frédéric Birr, 1983 ; André Masson-Théâtre, texte de Ghislain Uhry, éd. Carole Brimaud, Paris, 2000 ; La forme de l’origine, La représentation des poissons dans l’œuvre d’André Masson, éd. André Dimanche ; En collaboration avec Jean Genet : Le Bleu de l’œil, Nouvelle édition du film, Paris, 1976 ; Au sujet de Jean Genet : Une Saison fragile. Autour d’un projet, dans Catalogue Genet, Musée des Beaux-Arts, Tours, édition Farrago, 2006, p. 209-214 (importante illustration inédite).

François Pétry (2007)