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TOEPFER Alfred Gustav Carl Kurt

Négociant, mécène pangermaniste, puis européen, (PI) (★ Altona, Allemagne, à l’époque en Prusse, 13.7.1894 † Hambourg, Allemagne, 8.10.1993). Fils de Cari Julius Toepfer, capitaine dans la marine marchande, puis chef d’exploitation de l’établissement hambourgeois du facteur de pianos Steinway, et d’Engel Maria Volkmer. ∞ 22.4.1922 Emma Johanna Klima (★ 1896 † 1984) ; 6 enfants. Il adhéra en 1912 à Hambourg au mouvement de jeunesse des Waridervögel, avec qui il visita l’Alsace à pied en mai 1914. Le 3 août 1914, il s’engagea dans l’armée et fut plusieurs fois blessé. Acceptant mal la défaite, le jeune sous-lieutenant, commandant de compagnie, s’engagea en 1919 dans le corps franc contre-révolutionnaire du général Maercker. En janvier 1920, il créa à Hambourg une entreprise de négoce de fourrage et de céréales, qui prit rapidement une dimension mondiale. Ayant fait fortune, il fonda le 5 décembre 1931 à Hambourg la fondation FVS (abréviation de Freiherr von Stein, et non de Friedrich von Schiller, selon une autre source : « Freiheit, Vaterland, ? ») et le 18 décembre 1931 à Vaduz, Liechtenstein, la fondation JWG (Johann Wolfgang von Goethe), destinées, entre autres, à aider à la promotion du Volkstum allemand en Europe et à l’entretien du sentiment de solidarité de tous les Européens, qui se reconnaissent dans la langue et la culture allemande. Il créa aussi une autre fondation JWG à Fribourg-en-Brisgau présidée, à partir de 1938, par le professeur Friedrich Metz, promoteur de l’unité de l’espace alémanique. En janvier 1932, il aurait profité du centenaire de la mort de Goethe © pour proposer l’équivalent de cent mille francs français pour la construction d’une auberge de jeunesse à Sessenheim, mais le maire de cette commune n’aurait pas réagi à cette offre. Il s’adressa alors à Robert Ernst © qui lui proposa d’aider Fritz Spieser © à acquérir la ruine de la Hunebourg et à y construire une auberge de jeunesse qui deviendrait un « fanal » du Deutschtum en Alsace. Les fonds provenant de la maison de son frère Ernst Toepfer de New York furent transmis par l’avocat suisse Eugen Wildi, habituel intermédiaire d’Ernst pour ses opérations en Alsace (ainsi qu’une somme de 1600 francs suisses en avril 1937 pour financer les Strassburger Monatshefte). En 1936, Toepfer créa huit prix, dont le prix Erwin von Steinbach pour le monde alémanique décerné à R Schmitthenner © (1939), O. Woehrle et P. Leschhorn © (1940), J. Simon (1941) et P.C. Ettighoffer © (1941). J. Lefftz © reçut, en 1937- 1939, un important soutien financier pour ses recherches sur la chanson populaire en Alsace et pour la revue Elsassland. Le peintre H. Solveen © et l’écrivain B. Isemann © bénéficièrent également de ses subsides, de même que l’Elsa?-Lothringische Wissenschaftliche Gesellschaft zu Stra?burg. Le leader de la Jungmannschaft alsacienne, Hermann Bickler ©, l’un de ses avocats d’affaires, fit partie du conseil de la Fondation JWG de Fribourg de 1936 à 1938. Il fut remplacé par Spieser. En dépit de son engagement pangermaniste, Toepfer avait refusé d’adhérer au parti nazi, dont il désapprouvait le dirigisme économique et l’antisémitisme. Le 14 juin 1937, il fut arrêté à Hambourg, à la demande du service des Douanes, pour des infractions à la législation sur les devises étrangères commises par son entreprise. Au cours de sa longue détention préventive, il fut interrogé par la Gestapo sur ses relations avec Ernst Niekisch, théoricien du « national-bolchevisme » et de la « résistance » au traité de Versailles, non rallié au nazisme. Libéré en mai 1938 à condition de céder formellement ses droits de fondateur sur la FVS à la Volksdeutsche Mittelstelle dépendant des SS, il fut mobilisé en 1939 dans I’Abwehr, c’est-à-dire les services de renseignements de la Wehrmacht. Au printemps de 1940, dans un essai publié sous le sceau de l’anonymat, Westschau, il fit connaître ses vues sur la configuration de la « Nouvelle Europe » en faisant l’éloge de l’œuvre de Hitler et du parti nazi et en prévoyant notamment la réunion au Reich des « frères de sang » d’Alsace-Lorraine, qu’il avait déjà préconisée à la suite d’un voyage en Alsace en 1936. Affecté à l’Abwehrleitstelle de Paris le 1er juillet 1940, le lieutenant Toepfer favorisa le retour en Alsace des évacués et recruta d’anciens militants de la Jungmannschaft de Bickler pour l’action subversive en France non-occupée et en Afrique du Nord. Il prétendait aussi être intervenu pour faire libérer Robert Schuman ©, emprisonné à Metz. Le 24 avril 1942, ses pouvoirs de fondateur de la FVS lui furent restitués. La même année, il contesta les droits de propriété de Spieser sur le domaine de la Hunebourg. Selon lui, le châtelain « n’avait été qu’un fondé de pouvoir au service du Volkstum allemand », il n’avait pu rentrer dans sa province natale que grâce à Adolf Hitler : son château devait être considéré comme un bien inaliénable du Reich. À la fin de l’année, le capitaine Toepfer fut muté aux services économiques du commandement militaire en France et ouvrit à Paris un bureau d’achats de produits stratégiques (Firma Stahlberg & Co). Interné par les Britanniques en 1945-1947, classé le 7 octobre 1947 comme « non fautif » par les instances de dénazification, il reprit en 1948 la direction de son entreprise et reconstitua ses fondations qui reprirent l’attribution de nombreux prix annuels à des personnalités ou à des collectivités dans toute l’Europe, mais surtout dans les régions limitrophes de l’Allemagne, en particulier en Alsace. Bien que Toepfer ait continué à soutenir ou à employer d’anciens militants du nazisme et de la politique du Volkstum, comme F. Metz, sa générosité s’étendit désormais à des milieux bien plus variés, notamment aux artisans de la construction européenne et de la réconciliation franco-allemande, ainsi qu’aux défenseurs de la nature ou des traditions populaires. Pierre Pflimlin © et Louise Weiss © ont reçu le Prix Robert Schuman. Parmi les personnalités alsaciennes récipiendaires du Prix Mozart décerné comme avant 1945 par l’Université d’Innsbruck, on peut citer Joseph Lefftz en 1964, Médard Barth © en 1968, Willy Guggenbühl © et Paul Stintzi © en 1972, Paul Adam © en 1975, André Burg © en 1978, Pierre Schmitt © en 1981, Joseph Rey © en 1984, Pierre Bockel © en 1985, Georges Klein © en 1987. L’Erwin von Steinbach-Preis fut remplacé par l’Oberrheinische Kulturpreis, dont les premiers titulaires furent en 1966 Nathan Katz © et Émile Storck ©. Ce prix fut refusé en 1986 par Freddy Raphaël ©. Au cours des années cinquante, il noua des relations durables avec les entreprises françaises spécialisées dans le commerce des céréales et recruta à cette fin des personnalités françaises, comme l’ancien préfet R. Holveck © et ultérieurement le général Stehlin © : il s’implanta en Alsace en prenant une participation majoritaire dans la Société Gustave Muller de Neuf-Brisach (1967-1990). En avril 1963, en accord avec le recteur de Strasbourg, J. Angelloz © créa le Prix Strasbourg décerné chaque année avec le concours de l’Université de Strasbourg. En 1973, Toepfer acheta, pour le compte de la fondation Goethe de Bâle, le château de Kientzheim qu’il désirait transformer en « centre de rencontre pour jeunes ». Une polémique éclata alors dans la presse alsacienne et le mécène jugea plus prudent de rétrocéder son acquisition à la Confrérie Saint-Étienne. Un peu plus tard, il acquit le château de Klingenthal (Bas-Rhin) qu’il fit restaurer. Il avait acheté en 1965 une maison dans la Petite France à Strasbourg. En 1974, la ville de Colmar reçut l’Europa-Goldmedaille für Denkmalpflege. En mai 1979, le passé de Toepfer défraya de nouveau la chronique. Le Prix européen de l’homme d’État (Europa Preis für Staatskunst) fut remis à Strasbourg à Raymond Barre, premier ministre français, et à Helmut Schmidt, chancelier fédéral allemand. Mgr. Pierre Bockel, membre du jury du Prix Albert Schweitzer, et Pierre Pflimlin prirent la défense de leur ami hambourgeois. À la suite de cette polémique, Barre fit don des 400 000 francs qu’il avait reçus à des organisations charitables. En 1981, Toepfer aurait réussi à convaincre le chancelier Schmidt de signer l’accord franco-allemand sur l’indemnisation des incorporés de force d’Alsace et de Moselle. En 1986, furent fondés le prix Marie-Odile Pflimlin destinés à des personnes et des associations agissant en faveur de l’enfance et les bourses Frédérique Brion © décernées dans l’église protestante de Sessenheim à deux étudiants, l’un français, l’autre allemand. En février 1993, Toepfer reçut à Strasbourg le Prix de Gaulle-Adenauer « pour ses services exceptionnels en faveur de la coopération franco-allemande » et André Bord © reçut la médaille d’or du Prix Strasbourg décernée avant lui à Joseph Rey (1979), Alfred Kastler © (1983), Daniel Hoeffel © (1987), Pierre Deyon © (1989). En 1992, Pierre Pfimlin présida le jury du Prix Joseph Rey décerné au germaniste Joseph Rovan. La même année, le Prix Duvagne-Andrieux fut décerné à la Ligue d’Alsace pour la protection des oiseaux et au docteur Pierre Schmitt d’Erstein. Après le décès du mécène, en juin-octobre 1995, la revue Saisons d’Alsace et un groupe d’historiens et d’autres intellectuels remirent en cause les liens des fondations toepfériennes avec l’Université des Sciences humaines de Strasbourg. Le 14 octobre 1995, C. Trautmann ©, maire de Strasbourg, décida que la municipalité ne participerait plus à la remise du Prix Strasbourg et demanda que la Ville ne fût plus associée, même par le nom, à cette initiative. Le 6 décembre 1996, le Conseil d’administration de l’Université des Sciences humaines mit fin à sa participation au Prix Strasbourg, dont la Fondation Alfred Toepfer FVS décida le 21 avril 1997 de suspendre l’attribution jusqu’à la publication (intervenue fin 2000) du rapport d’une commission « indépendante » d’historiens mandatée par ladite Fondation. Cette instance a
conclu que Toepfer n’a jamais eu de sympathie pour le national-socialisme, et en particulier pour son racisme et son antisémitisme, mais qu’il n’a jamais non plus combattu la dictature nazie ni soutenu ses victimes. Elle a également estimé
qu’il n’y avait aucune continuité entre l’activité annexionniste de Toepfer dans l’Alsace d’avant 1945 et ses interventions plus récentes. Selon Germain Muller ©, « on ne dira jamais assez tout ce que Toepfer a fait pour l’Alsace ». Pour d’autres
auteurs, Toepfer est toujours resté fidèle à sa conception initiale d’une Europe ethnique dominée par l’Allemagne. Toepfer a reçu une centaine de médailles et de décorations allemandes et étrangères ; il n’a cependant jamais été décoré de la Légion d’honneur.

Westschau 1940, publication anonyme, Berlin, 1940 (imprimé comme manuscrit) ; Erinnerungen aus meinem Leben, 1884 bis 1991, Hambourg, 1991 (publication hors commerce).

Institut für Zeitgeschichte, Munich, Archiv Fb 92 ; Alfred Toepfer Stiftung FVS, Hambourg, Alfred Toepfer Archiv ; (F. Spieser-Hünenburg), Tausend Brücken, Stuttgart, 1952, p. 273 (Toepfer y est cité sous le nom d’Alfred Krüger) ; K. Götz, Fünfzig Jahre Jugendwandern und Jugendherbergen 1909-1959, Detmold, 1959, p. 110 ; M. Clauser, 1940-1945. Le Haut-Rhin en images, n° 1, s.d., p. 8 ; R. Heitz, Souvenirs de jadis et de naguère, Woerth, 1963 ; La Nouvelle Voix d’Alsace-Lorraine des 15.10.1972, 15.3 et 1.11.1973 ; L. Kettenacker, Nationalsozialistische Volkstumspolitik im Elsass, Stuttgart, 1973, p. 99, 307-308 (trad. fr. Saisons d’Alsace n° 65, 1978, p. 12, 94, 10l) ; K.-H. Rothenberger, Die elsass-lothringische Heimat und Autonomiebewegung zwischen den beiden Weltkriegen, Bern-Francfort/M., 1975, p. 221 ; P. C. F. Bankwitz, Alsatian Autonomist Leaders 1919-1947, Lawrence, 1978, p. 59-60 (trad. fr. Saisons d’Alsace n° 71, 1980) ; Le Nouvel Alsacien du 22.12.1978 ; P. Bockel, Plaidoyer pour l’honneur d’un homme, Le Nouvel Alsacien du 15.12.1979 ; M. Dan, Les géants du grain, Paris, 1979 ; Stiftung FVS Hamburg-Johann Wolfgang von Goethe Stiftung Basel 1931-1981, Hambourg, 1981 ; P. Hopp, « Alfred Toepfer, A. P. Weber und Schmidt-Wodder in den Jahren 1930 bis 1938 », Zeitschrift der Gesellschaft für Schleswig-Holsteinische Geschichte, 109, 1984 ; Dernières Nouvelles d’Alsace du 30.9 et du 4.10.1987 ; Die Zeit, Hambourg, du 14.8.1989 ; K.-H. Roth, « Generalplan Ost- « Gesamtplan Ost ». Forschungsstand. Quellenprobleme, neue Ergebnisse », in M. Rössler, S. Schleiermacher (dir.), Der « Generalplan Ost ». Hauptlinien der nationalsozialistischen Pianungs- und Vernichtungspolitik, Berlin, 1993, p. 12-117 (p. 53 et s.) ; E. Boeglin, « A. Toepfer : un mécène au passé controversé », L’Alsace du 12.10.1993 ; H. Schmidt, « Zum Tode A. C. Toepfers. Ein Europäer der Tat », Die Zeit du 15.10.1993 ; A. Finck, « « In Memoriam A. Toepfer, Objectif Alsace, décembre 1993 ; W. von Goldenbach, H.-R. Minow, Deutschland erwache : aus dem Innenleben des staatlichen Pangermanismus, Berlin, 1994 ; L. Boissou, « Alfred Toepfer, un ami de l’Alsace », Saisons d’Alsace n° 128, 1995, p. 99-108 ; E. Dambacher, Literatur- und Kulturpreise 1859-1949, Marbach, 1996 ; G. Bischoff, P. Breton, L. Boissou, P. Ayçoberry, A. Wahl, L. Strauss, H.-R. Minow, Ombres et lumières sur les Fondations Toepfer, Strasbourg, 1996 ; L’Alsace des 2.10, 5.10 et 7.10.1996 ; Lettre de l’ancien préfet R. Paira ©, 4.10.1996 ; Lettre de la fondation FVS au président de l’USHS, 26.11.1996 ; Procès-verbal du Conseil d’administration de l’USHS du 6 décembre 1996 ; K.-H. Roth, « Warum bricht Strasburger-Uni mit der Toepfer Stiftung ? » Junge Welt du 7.1.1997 ; idem, « Ökonomie und politische Macht : die « Firma Hamburg » 1930-1945 », in : A. Ebbinghaus, K. Linné (dir.), Kein abgeschlossenes Kapitel : Hamburg im Dritten Reich, Hambourg, 1997 ; H. Hitzer, « Leben und Werk Alfred Toepfers objektiv darstellen » Frankfurter Rundschau du 21.1.1997 ; H. Mommsen, Zur Beurteilung der Persönlichkeit Alfred Toepfers, Oxford, communiqué de presse, 6.4.1997 ; Alfred Toepfer Stiftung FVS, Mitteilung, Hambourg, 21.4.1997 ; L. Strauss, « Fritz Spieser, le reconstructeur de la Burg », Hunebourg, un rocher chargé d’histoire du Moyen Age à l’époque contemporaine, Strasbourg, 1997, p. 121-165 (p. 131, 151-153) ; L. Boissou, Alfred C. Toepfer, entrepreneur et mécène. Quelques éléments biographiques, mémoire de maîtrise, Metz, 1998 ; M. Fallbusch, Wissenschaft im Dienst der nationalsozialistischen Politik ? Die « Volksdeutschen Forschungsgemeinschaften » von 1931-1945, Baden-Baden, 1999, p. 117, 125, 461 ; A. Finck, Sessenheim nirgendwo und andere Geschichten, Edenkoben, 1999 ; A. Machatscheck, Die Geschichte des Europa-Preises für Denkmalpflege, Hamburg, 2000 ; G. Kreis, G. Krumeich, H. Ménudier, H. Mommsen, A. Sywotteck, Alfred Toepfer, Stifter und Kaufmann. Bausteine einer Biographie. Kritische Bestandsaufnahme, Hambourg, 2000 (en particulier G. Kreis, « Alfred Toepfer und das Eisa? », p. 85-185) ; J. Zimmermann, Die Kulturpreise der Stiftung FVS, Hambourg, 2000.

Léon Strauss (2001)