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TIERSTEIN, comtes de

Les comtes de Tierstein sont une branche de ceux de Homberg (Fricktal, canton d’Argovie, Suisse), qui à la fin du XIIe s. héritent des biens de ceux de Saugern/Soyhières dans la vallée de la Birse. Dans la première moitié du XIIIe s., le mariage de Rudolf von Tierstein avec Elisa, sœur du chanoine et futur évêque Heinrich von Geroldseck am Wasichen ©, l’entraîne dans son opposition à l’évêque Walter (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, I n° 505) et ouvre les portes du Grand Chapitre de Strasbourg à ses fils Hermann et Ludwig. Le premier y devient chanoine au plus tôt en 1260 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, IV/1 p. 137 n. 4) ; il est trésorier depuis 1265 (Regesten der Bischöfe von Strassburg, Il 1790), également camérier en 1284, et chanoine de Bâle en 1264 (Trouillat, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, II 138 n° 98), † au plus tard en 1299 (Regesten der Bischöfe von Strassburg, Il 2479). Il a « acheté et bâti » (lisons transformé) un château à Souffelweyersheim avant 1286 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, IV/1 163 n° 269). Son frère Ludwig est curé de Rhinau en 1265 (Regesten der Bischöfe von Strassburg, Il 1790), chanoine au plus tard en 1279 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, III 42 n° 124), écolâtre au plus tard en 1291 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, IV III 85 n° 267), mort avant 1308. Leur neveu Hermann, déjà chanoine en 1295 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, III 104 n° 331), succède comme camérier à son oncle Hermann (Regesten der Bischöfe von Strassburg, Il 2479) ; il est curé de Mulhouse en 1297 (Regesten der Bischöfe von Strassburg, Il 2423) et vit encore en 1325 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, III 325 n° 1081). En 1306, il a été l’un des quatre candidats malheureux à l’évêché de Strasbourg (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, Il 207 n° 253). Hermann von Tierstein, simple chanoine en 1316 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, III n° 836, Il 353 n. 3), est sans doute un homonyme. Ludwig von Tierstein, également chanoine en 1296 (Levresse 19 n° 43) est camérier depuis 1343 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, V 122 n° 117) et meurt en 1364 ; il était aussi chantre de la cathédrale de Bâle (Trouillat, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, III 390 n° 235, IV 186 n° 74 : 1329-61). Otto von Tierstein obtient en 1318 l’expectative d’un canonicat (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, IV Il 321), mais y renonce en 1328 pour se marier (Schulte n° 204). Rudolf est chanoine en 1321 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, IV/1 n° 312), ancien chanoine en 1350 (ZGO 6, 1855, p. 434) ; Johann, chanoine en 1364 (Levresse 24 n° 20), † avant 1390 (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, VII 728 n° 2519), est le dernier Tierstein au Grand Chapitre de Strasbourg.

Dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, les Tierstein se sont divisés en deux branches, dites de Farnsburg (Alt-Tierstein, Fricktal) et de Pfeffingen (Neu-Tierstein, Birstal). La première n’a guère de relations avec l’Alsace, sinon qu’une fille d’Otto, le dernier des Tierstein-Farnsburg († 1418) épouse successivement Hans Wilhelm von Girsberg († 1422) © et un Haus ©. Bernhard von Tierstein-Pfeffingen hérite de sa mère le gage de Florimont à la fin du XIVe siècle et meurt fin 1437. Son fils Friedrich, qui aurait été Landvogt autrichien en Alsace en 1442-1443 (Christ, sans source), disparaît peu après. Hans, frère de Bernhard, est mêlé dans la première moitié du XVe siècle, tantôt comme belligérant, tantôt comme négociateur, à de nombreux conflits, qui affectent aussi le Sundgau. Dans les années 1430, il joue un rôle en vue comme protecteur, par délégation, du concile de Bâle. Lui aussi lié aux Habsburg (il a été leur Landvogt en Alsace à partir de 1427 et leur Hauptmann à Ensisheim de 1445 à 1449), il est entraîné (malgré lui, selon Christ) dans leur conflit avec Bâle, qui culmine dans la guerre de 1445-1446. Il se trouve alors dans une situation difficile, endetté, en net recul dans le Sisgau et sans bases suffisantes en Alsace (Florimont, Hagenthal jusqu’en 1427, Brunstatt depuis 1421). De la crise des Tierstein témoigne aussi le fait que, de tous les mariages qu’ils concluent dans la première moitié du XVe siècle, aucun ne les unit à une autre famille comtale, et plusieurs à des lignages de petite noblesse. De Gertrud, femme de Hans, Christ voudrait faire une von Wineck/Katzenthal, alors que cette famille s’est éteinte vers 1360. La mère du plus flamboyant des Tierstein ne semble en tout cas pas d’une extraction bien illustre.

  1. Oswald,

(★ vers 1435 (?) † juin 1488). Fils de Hans von Tierstein et de Gertrud, est dès sa jeunesse bien en cour auprès des Habsburg, ne tarde pas à se faire une réputation d’excellent chef de guerre et réussit tardivement (fin 1470), à l’arraché, un mariage prestigieux avec Odilia von Nassau. Ses finances sont mystérieuses : on le voit tour à tour, et presque simultanément, mettre en gage les pièces essentielles de sa seigneurie et prêter de fortes sommes à l’archiduc Sigmund et à René II de Lorraine. En fait, il semble qu’il ait su mobiliser son patrimoine pour en tirer le meilleur parti, n’hésitant jamais à engager ou hypothéquer ses terres et châteaux du Jura (de toute façon menacés et probablement peu rentables) pour se procurer de l’argent, qu’il avançait ensuite aux princes pour en obtenir des postes lucratifs et des gages d’un bon rapport. Il a pu ainsi se mettre tour à tour au service de Frédéric III (vers 1455), de la ville d’Augsburg (1462), des ducs de Lorraine (de 1466-1467 à sa mort) et de Bourgogne (1468 ?, 1473), du landgrave de Hesse (1481), du roi de France (1483) et de l’archevêque de Cologne (1485), et surtout de l’archiduc Sigmund — comme Landvogt en Alsace : 1474-1476, 1479-1486, 1487 ; et comme conseiller influent à la cour d’Innsbruck. Il a été l’un des principaux de ces « mauvais conseillers » sur lesquels Sigmund a rejeté, fin 1487, la responsabilité de son projet d’engager ses domaines au duc de Bavière — ce qui a valu à Oswald de finir sa vie au ban de l’Empire, sans toutefois être sérieusement inquiété.

Voyant sa position dans le Sisgau bien compromise, Oswald a su à la fois la stabiliser par un Burgrecht (traité de combourgeoisie) avec Soleure — conclu en 1464 comme alliance tactique contre Bâle, mais qui a finalement survécu à toutes les vicissitudes — et s’échapper du guêpier jurassien en obtenant du duc des seigneuries en Lorraine, et de l’empereur la ruine de Hohkoenigsburg, avec l’autorisation de la reconstruire (1479). Il en a fait une forteresse très moderne, qui a dû lui coûter fort cher. On ignore comment il l’a financée, sinon qu’il en a accordé l’ouverture à Strasbourg et à Soleure en contrepartie de prêts. C’était plutôt une dépense somptuaire qu’un investissement, car il n’est pas arrivé à faire du château le centre d’une seigneurie digne de ce nom.

Oswald. est à bien des égards un noble d’ancien style, arrogant, sans scrupules, violent, incontrôlable. On a pu l’accuser d’avoir tenté de prendre Bâle par surprise en y faisant allumer des incendies par ses sbires, au moment même où une commission siégeait dans la ville pour arbitrer ses litiges avec celle-ci. Comme chef du contingent autrichien lors des guerres de Bourgogne, il n’en a fait qu’à sa tête, refusant de participer au siège d’un château ennemi parce qu’il appartenait à des cousins à lui, envoyant ses troupes piller à son profit personnel, etc. Son frère Wilhelm († 1498), beaucoup plus policé, annonce plus que lui l’homme de cour de la Renaissance. Mais Oswald était aussi un homme entreprenant, plein de ressources, et aux relations étendues, capable, par exemple, d’oublier la haine traditionnelle des nobles pour les Suisses et de se maintenir en assez bons termes avec eux pour pouvoir les utiliser au besoin. Sa vie a finalement été une alternance de succès — son mariage, sa participation aux guerres de Bourgogne et en particulier à Morat, sa « carrière » — et d’échecs — sa capture par le duc de Bavière en 1462, ses conflits avec Bâle, sa disgrâce finale. Au total, il a su retarder, mais non empêcher le déclin de son lignage, qui s’accélère sous son fils Heinrich, le dernier des Tierstein (★ après 1470 † 30.11.1519; ∞ 1491 Marguerite de Neuchâtel/Bourgogne, † 26.6.1534). Seules l’énergie d’Oswald et la conjoncture politique des guerres de Bourgogne avaient un temps pu faire oublier que, dans un monde désormais dominé par de véritables États, il n’y a plus de place pour des comtes indépendants. Heinrich s’est retrouvé entre l’enclume autrichienne et le marteau suisse ; en se mettant au service du roi de France, il s’est aliéné à la fois les Confédérés et les Habsburg. Ces derniers n’ayant jamais payé qu’une petite partie de ce qu’ils devaient à Heinrich (qui leur vend Hohkoenigsburg en 1517, sous réserve d’usufruit), lui et sa veuve finissent leur vie harcelés par leur créanciers.

A. Schulte, « Aus dem Leben des Straßburger Domkapitels 1150- 1332 », Elsass-Lotringisches Jahrbuch, 6, 1927, p. 1-46 ; R.-P. Levresse, « Prosopographie du chapitre cathédral de Strasbourg 1092-1593 », Archives de l’Église d’Alsace, 34, 1970, p. 1-39 ; W. Wiegand, Zur Geschichte der Hohkönigsburg, 1901 ; Carl Roth, Die Auflösung der Tiersteinischen Herrschaft, Diss., Bâle, 1906; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 191, p. 866-868 (sans valeur); Dorothea A. Christ, Zwischen Kooperation und Konkurrenz. Die Grafen von Tierstein, ihre Standesgenossen und die Eidgenossenschaft im Spätmittelalter, Zurich, 1998 (repose plus sur la bibliographie que sur les sources, fait l’impasse sur les données de base de l’histoire familiale, néanmoins indispensable).

Bernhard Metz (2001)