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THEODEWIN (DIETWIN, THEODUINUS, TETUINUS, THEDOUIN)

Moine bénédictin, prieur de l’abbaye de Marmoutier, abbé de Gorze, cardinal et légat pontifical († 7.3 ou 18.11.1151). D’origine « souabe », sa date de naissance et son ascendance sont inconnues. La tradition locale de Marmoutier fait de Theodewin un profès de l’abbaye alsacienne. La Vie de l’évêque Théoger de Metz atteste qu’en 1117, Theodewin fut prieur de l’abbaye de Marmoutier. Son abbé Adelo (1117-1126) venait de l’abbaye lorraine de Gorze. En échange, la chapitre de Gorze postula, vers 1123-1125, Theodewin pour son propre abbé. En 1123, l’évêque Étienne de Metz consacra l’église de Saint-Quirin, dépendance de Marmoutier. À cette occasion, le légat Cuno de Préneste remarqua les qualités exceptionnelles du prieur de Marmoutier ou de l’abbé de Gorze. Cette rencontre ouvrit à Theodewin une carrière ecclésiastique de haut niveau. À la fin de 1130, Theodewin fit partie d’une légation impériale qui porta au nouveau pape Innocent II la reconnaissance de l’empereur. Frappé par ses compétences, le pape éleva Theodewin à la dignité de cardinal au titre de Sainte-Ruffine (vers 1133-1135). Puis, le pontife lui confia l’évêché suburbicaire de Porto (1137). Désormais, Theodewin devint l’artisan de la politique pontificale dans l’Empire. À la suite du concordat de Worms (1122), les légats pontificaux ne jouaient plus seulement un rôle politique, mais ils intervenaient aussi plus directement dans les affaires réservées auparavant aux évêques, comme la bénédiction d’églises, la confirmation de biens monastiques, le règlement de conflits, parfois mineurs. En 1137, Theodewin imposa aux grands de l’Empire le choix de Conrad III. Il sacra le nouvel élu comme empereur à Aix-la-Chapelle en 1138. Ensuite, l’activité de Theodewin alterna entre des séjours en Italie (1139-1140) et des missions diplomatiques en Allemagne (1141-1143). Durant ses voyages de légat pontifical, Theodewin rendit plusieurs fois visite à son ancienne patrie et à son monastère de profession. En 1137, il consacra l’église des moniales de Sindelsberg, filiale de Marmoutier. En 1138, il intervint pour que le duc Frédéric de Souabe confirme les diplômes de l’abbaye de Walbourg. En 1141, Theodewin accompagna l’empereur Conrad III à Strasbourg. Il profita de ce passage pour faire un bref séjour à son ancienne abbaye. Il dédia, sous le patronage de saint Colomban, l’église paroissiale de Garrebourg, dans la Marche de Marmoutier. Il fit rendre à l’abbaye de Marmoutier la forêt de Hultenhouse que le comte Reginbold von Lützelburg © détenait indûment. Theodewin était de nouveau de passage à Marmoutier de la fin d’août à la mi-septembre 1142. Le 29 août, il bénit la chapelle de Saint-Laurent à proximité de l’église abbatiale et consacra le cimetière restauré. Le 14 septembre, il institua la fête de l’Exaltation de la Croix en l’honneur de la relique de la Sainte-Croix que l’évêque Geberhardus de Strasbourg (1131-1141) avait offerte aux moines. En 1143, le cardinal Theodewin soumit au jugement de l’évêque de Strasbourg le cas de l’église Saint-Léger de Dillersmunster que le pléban de l’église supérieure de Marmoutier revendiquait comme l’une de ses dépendances. De façon semblable, l’ancien abbé de Gorze intervint dans le diocèse de Metz. En 1147, le pape Eugène III choisit le cardinal Theodewin, avec son confrère Guido, pour accompagner comme légat pontifical la deuxième croisade (1147-1148), commandée par l’empereur de Germanie Conrad III et le roi de France Louis VII. Après l’échec de l’expédition, Theodewin, de retour d’Orient en juin 1148, se montra partisan d’une nouvelle croisade. Il s’entretint par lettres avec Bernard de Clairvaux à ce sujet. Ses hautes et lointaines responsabilités avaient coupé ses liens avec sa terre natale et son monastère de profession durant les dernières années de sa vie.

Sources sur les appartenances alsaciennes et les relations de Theodewin avec l’Alsace : charte du cardinal Theodewin de 1142, éd. Schoepflin, Alsatia diplomatica, t. I, n° 270, p. 222-223. Cf. A. Brackmann, Germania pontifica, t. 3/3, Berlin, 1935, p. 60, n° 5 et 6 ; Regesten der Bischöfe von Strassburg, t. I, n° 473, p. 324. Charte de l’abbé Meinhard de Marmoutier de 1143, éd. H. Buttner, « Abt Meinhard und die Pfarrei Maursmünster », Studien und Mitteilungen für die Geschichte des Benediktinerordens, 53, 1935, p. 213-228. Annales de Pöhlde (fin XIIe s.) n° 14 : Monumenta Germaniae Historica Scriptores 16, p. 85, ad 1151 : natif « des régions de Germanie », Theodewin suivit les voies de la prudence, puis vint à Gorze. Ces Annales, lacunaires, insinuent que Theodewin reçut une formation monastique antérieure à son arrivée à Gorze. Sachsische Weltchronik n° 288 : Monumenta Germaniae Historica Deutsche Chronicken 2, p. 215 : De cardinal Didwin… was geboren in Swaven. Vie de Théoger, évêque de Metz, dans Monumenta Germaniae Historica Scriptores 12, p. 468 : tunc prior Mauri-monasterii, dein vero Gorziensis abbas, postremo Sanctae Rufinae episcopus cardinalis. P. Schweighaeuser, Catalogus abbatum Monasterii Sancti Martini in Maursmunster, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, Ms 592 (1745), f° 92, 96-104 : Theodewin était profès capitulaire de l’abbaye de Marmoutier, avant d’en devenir le prieur. W. Bernhardi, Konrad III, Leipzig, 1883, p. 5, n. 8 et index « Dietwin », p. 949. A. Brackmann, Germania pontifica, t. 3/3, Berlin, 1935, p. 57-61.

Bibliographie : F. Sigrist, L’abbaye de Marmoutier. Histoire des institutions de l’ordre de Saint-Benoît au diocèse de Strasbourg, chap. 11 : « Le cardinal Théodewin à Marmoutier », Revue catholique d’Alsace, 2, 1883-1884, p. 577-584, 2e éd. en volume, Strasbourg, 1899, I, p. 140-151, 3e éd. Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, n° 190a, 2000, t. 1, p. 53-56 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 191, p. 864-865 ; J. M. Brixius, Die Mitglieder des Kardinalkollegiums von 1130-1181, Berlin, 1912, p. 47, 95, 135 ; J. Bachmann, Die päpstlichen Legaten in Deutschiand und Skandinavien (1125-1159), Berlin, 1913, p. 40-45, 59-67 ; M. Parisse, Le nécrologe de Gorze, Nancy, 1971, p. 38, 90 ; Lexikon des Mittelalters t. 3, 1985, 1039, art. Dietwin (Theoduinus) ; E. Manson, « Un abbé de Gorze, cardinal et légat du Saint-Siège », Gorze au fil des siècles, Metz, 1993, p. 89-104.

† René Bornert (2001)