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TERRACHER Louis Adolphe

Universitaire, recteur, (C) (★ Vindelle, Charente, 16.2.1881 † Vichy, Allier, 2.4.1955). Fils de Pierre Terracher, cultivateur, et de Marie Gaucher, ∞ 3.7.1914 à Caen Denise Henriette Jeanne Moniez, fille du recteur de l’Académie de Caen. Élève de l’École normale supérieure (1900-1903). Il fut reçu premier à l’agrégation de grammaire en 1903. Pensionnaire de la fondation Thiers (1904-1907), il enseigna le français et le provençal aux universités d’Upsal, Suède, de 1907 à 1910, John Hopkins à Baltimore, États-Unis, de 1910 à 1913, et de Liverpool, Grande-Bretagne, de 1913 à 1919. Nommé en 1919 professeur à la faculté des Lettres de Strasbourg, il occupa la chaire d’histoire de la langue française. Avec l’aide de son épouse, il fonda les Cours populaires de langue française pour les Alsaciens, dont il prit la présidence après le décès de Pierre Bucher ©. Membre du Comité alsacien d’études et d’informations, il présida de 1922 à 1924 la commission chargée par le ministère de la Guerre d’organiser l’enseignement du français pour les recrues alsaciennes et mosellanes. Il fonda la Société de linguistique romane de Strasbourg, qu’il présida. Il dirigea le French Quarterly, publié à Manchester de 1919 à 1932, ainsi que la Revue de linguistique romane à partir de 1925. Recteur de l’académie de Dijon (1925-1932), puis de Bordeaux, il fut nommé à Strasbourg à dater du 1er octobre 1938 pour succéder à Joseph Dresch ©. Il présida, en septembre 1939, à l’évacuation de l’Université vers Clermont-Ferrand et à celle du rectorat et de la direction de l’Instruction publique à Périgueux, où il résida jusqu’en septembre 1940. En août et septembre 1940, il s’opposa aux démarches de deux universitaires strasbourgeois qui proposaient l’un (Kohler) la dissolution de l’Université repliée, l’autre (Capitant) son transfert à Rabat. Il fut accusé, dès le 30 septembre 1940, par la commission allemande d’armistice de Wiesbaden, d’encourager les normaliennes de Strasbourg repliées à Périgueux à rester en France jusqu’au traité de paix. Le nouveau secrétaire général à l’Instruction publique du gouvernement de Vichy, Jacques Chevalier, son ancien condisciple à l’École normale supérieure, fit appel à lui en qualité de directeur de l’enseignement secondaire. Il recommanda le 28 octobre 1940 aux proviseurs et principaux de la Seine de donner la préférence, lors des inscriptions dans les lycées et collèges, aux élèves français non israélites sur les étrangers et les israélites. Il appliqua aussi avec zèle la législation excluant de la fonction publique les enfants d’étrangers, les dignitaires de la franc-maçonnerie et les juifs, tout en rendant à certaines victimes des mesures discriminatoires quelques services individuels. Le 19 décembre 1940, il succéda à Chevalier, ministre secrétaire d’État à l’Instruction publique, aux fonctions de secrétaire général à l’Instruction publique. Dès lors, il avait rang de conseiller d’État. Il accepta ces postes successifs à condition de n’être que délégué dans ces fonctions tout en conservant le titre et la rémunération de recteur de Strasbourg et de directeur de l’Instruction publique d’Alsace et de Lorraine. Tenu en haute estime par Pétain avec qui il déjeunait fréquemment, il garda ses fonctions à Vichy quand Chevalier fut remplacé par Jérôme Carcopino (24 février 1941-18 avril 1942), puis par Abel Bonnard, tout en étant le seul secrétaire général de ministère auquel les Allemands refusèrent l’accès à la zone nord et à Paris. Il continuait cependant à diriger les services strasbourgeois repliés en s’appuyant à Clermont-Ferrand sur André Danjon ©, vice-président du Conseil de l’Université, et sur Albert Rabasse, secrétaire de l’Académie, et à Périgueux sur les inspecteurs généraux Paul Garçon et Schlienger © et le secrétaire de l’Académie, Lagaude. Il s’opposa avec succès aux nombreuses démarches des émissaires allemands, notamment Kraft © et Fegers, qui exigeaient la dissolution de l’Université repliée. Il réussit également à maintenir les écoles normales d’instituteurs et d’institutrices alsaciennes et mosellanes repliées, alors que Vichy supprimait toutes les autres. En revanche, il dut accepter le retour à Strasbourg annexée des bibliothèques et du matériel de l’Université et de ses instituts. Le 10 octobre 1941, Kraft l’accusa d’être « le plus grand adversaire d’une entente avec l’Allemagne ». En août 1941, l’ambassade d’Allemagne s’était opposée à sa nomination au rectorat de Paris. Il présida, avec l’aide de Mme Terracher, la commission des œuvres de guerre de l’Université et le comité qui patronnait les lycéens alsaciens et mosellans évadés. Il donna également son appui aux professeurs et étudiants strasbourgeois qui fouillaient le site archéologique de Gergovie. À la suite de la rafle de « la Gallia » du 25 juin 1943, il engagea immédiatement des démarches auprès de la Gestapo à Clermont et à Vichy, puis constitua un avocat allemand, Carl Bungard, à Paris pour tenter d’obtenir la libération des 38 étudiants arrêtés et déportés. Au moment de la rafle du 25 novembre 1943, il était gravement malade, mais aurait réclamé à Abetz le droit d’être arrêté « comme les autres ». Sous la pression des autorités allemandes, qui, excitées contre lui par le chef de cabinet d’Abel Bonnard, le considéraient comme « le principal responsable de l’agitation des professeurs et des étudiants de l’Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand », le décret du 2 janvier 1944 le plaça en retrait d’emploi. Menacé d’arrestation par la police allemande, Terracher se cacha dans l’Indre avec l’aide de Julien Warter, son médecin, et du Mosellan Théobald, inspecteur d’Académie de l’Indre. Après la libération de Clermont-Ferrand, les doyens des facultés de Strasbourg demandèrent dans une pétition du 30 septembre 1944 son retour au rectorat. Un arrêté du 16 novembre 1944 signé par René Capitant © le réintégra dans ses fonctions de recteur de l’Académie de
Strasbourg et de directeur de l’Instruction publique avec effet rétroactif à la date du
2 janvier 1944. Le même texte prévoyait son remplacement par Marcel Prélot © à dater du 25 octobre . Il fut admis d’office à la retraite le 25 juin 1945 sans avoir été traduit, semble-t-il, ni devant les instances d’épuration de l’administration de l’Éducation nationale, ni devant la Haute Cour de Justice compétente pour les secrétaires généraux. Le 28 juin 1946, il obtint un arrêt du Conseil d’État annulant sa mise à la retraite pour vice de forme. Il exerça donc à nouveau les fonctions de recteur de Strasbourg d’août 1946 au 1er novembre 1946, date d’entrée en fonction de René Hubert ©, ce qui souleva les protestations d’une partie de la presse strasbourgeoise. Il refusa ensuite le rectorat d’Aix-en-Provence, ainsi que plusieurs missions à l’étranger. Placé hors cadre le 9 novembre 1946, sa santé délabrée l’amena à solliciter lui-même son admission à la retraite qui fut prononcée par décret du 13 mai 1948 avec effet du 1er novembre 1946. Nommé recteur honoraire, il se retira à Bordeaux. Inhumé dans le caveau de la famille à Vindelle. Francisque gallique du maréchal Pétain ; chevalier de la Légion d’honneur.

Éditeur de La Chevalerie Vivien, chanson de geste, Paris, 1909 (réédition, Paris, 1923) ; Étude de géographie linguistique. Les aires morphologiques dans les parlers populaires du nord-ouest de l’Angoumois (1800-1900), thèse, Paris, 1913-1914 ; La traduction manuscrite de « La Chevalerie Vivien », thèse complémentaire, Paris, 1912 (réédition Paris, 1923) ; « La crise du français », The French Quarterly, VI, 3, 1924 ; « Géographie linguistique. Histoire et philologie », Bulletin de la Société de linguistique de Paris, 24, 1924, p. 259-350 ; L’histoire des langues et la géographie linguistique, Oxford, 1929.

Archives nationales, F17 25295 ; Archives nationales, 72 AJ, archives du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, carton non numéroté, Adolphe Terracher ; Archives départementales du Bas-Rhin, Réponse d’Albert Rabasse à une enquête du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, 1963 ; Archives départementales du Bas-Rhin, 154 AL 14 ; Journal de l’Est du 9.11.1925 ; Dernières Nouvelles de Strasbourg du 5.2.1931 et du 30.7.1938 ; A. Irjud, « Sur l’air de « Maréchal, nous voilà », la fable de l’épuration », Le Nouvel Alsacien du 31.7.1946 et « Une mesure innocente », 2.8.1946 ; A. Ley, « Maréchal, me voilà », Honneur et Patrie, Strasbourg, du 3.8.1946 ; « Le Vichyssois Terracher », L’Effort français, Strasbourg, du 4.8.1946 ; G. Maugain, « La vie de la Faculté des Lettres de Strasbourg de 1939 à 1945 », Mémorial des années 1939-1945, Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, 103, Paris, 1947 ; A. Vincent, « L’Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand », La Revue des Deux Mondes du 1.11.1948 ; J. Carcopino, Souvenirs de sept ans, 1937-1944, Paris, 1953 ; Dernières Nouvelles d’Alsace du 5.4.1955 (portrait) ; A. Dauzat, « Adolphe-Louis Terracher », Le Français moderne, 1955, p. 212 ; L. Cernay, Le maréchal Pétain, L’Alsace et la Lorraine. Faits et documents, Paris, 1955, p. 142-143 ; Institut Hoover, La vie en France sous l’occupation (1940-1944), t. 2, Paris, 1957, p. 873 ; J. Babin, Bulletin international de documentation linguistique, 1955 ; J. Lassus, Souvenirs d’un cobaye, Colmar, 1973 ; S. Riais, « L’administration de l’enseignement de 1936 à 1944 », L‘administration de l’enseignement en France, 1789-1981, Genève, 1983 ; Strasbourg-Clermont-Ferrand-Strasbourg (Se souvenir), Strasbourg, 1988 ; W. D. Halls, Les jeunes et la politique de Vichy, Paris, 1988 ; J. Barthélémy, Mémoires. Vichy 1941-1943, Paris, 1989 ; R. Thalmann, La mise au pas. Idéologie et stratégie sécuritaire dans la France occupée, Paris, 1991, p. 107 ; C. Singer, Vichy, l’Université et les Juifs, Paris, 1992, p. 80, 93 ; L. Strauss, « L’Université de Strasbourg repliée, Vichy et les Allemands », A. Gueslin (dir.), Les Facs sous Vichy, Clermont-Ferrand, 1994, p. 87-112 ; J.-F. Sirinelli, Génération intellectuelle. Khâgneux et Normaliens dans l’entre deux-guerres, Paris, 1994, p. 59 ; C. Singer, L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947), Paris, 1997, p. 13, 329, 330.

Portrait (1942) à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, salle du patrimoine (A 400).

Paul Frank et Léon Strauss (2001)