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TACHARD François Albert

Député du Haut-Rhin, (Pr) (★ Mulhouse 30.7.1826 † Paris 23.2.1919). Fils de Pierre Tachard, pasteur réformé de langue française à Mulhouse, originaire de Montauban (Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 5199), et de Marie Koechlin, fille de Jean-Jacques Koechlin et d’Anne-Catherine Dollfus. ∞ 7.10.1858 à Francfort-sur-le-Main Wilhelmine Grunelius (★ Francfort 15.6.1836), fille d’un banquier; 5 enfants. Par sa mère, sœur d’André Koechlin © et belle-sœur de Jean Dollfus ©, Tachard était apparenté à la grande bourgeoisie industrielle mulhousienne. Études de droit à Paris. De 1846 à 1851, il fut secrétaire d’Édouard Martin, dit « de Strasbourg » ©, avocat à la Cour de Paris et député « bleu » du Bas-Rhin. Avocat stagiaire à Colmar en 1848, il démissionna rapidement de ce barreau pour s’inscrire à celui de Paris. Grâce à A. Koechlin, il devint chef du contentieux de la liquidation Gouin et Cie (ex Jacques Laffite), puis directeur pour la France d’une société anglaise d’assurances sur la vie « The Gresham LAS », dont la dissolution lui procura un profit de 800 000 francs-or. Il arrondit sa fortune grâce à la dot de son épouse, qui se montait à 1 600 000 francs. Il put acheter ainsi à la famille Struch © une grande propriété à Niedermorschwiller (aujourd’hui Morschwiller- le-Bas), où il aménagea une ferme modèle d’une superficie de 118 hectares, consacrée à la fois à l’agriculture, à l’élevage, à l’aviculture et à la pisciculture. Cette grande fortune lui permit de participer en 1861 à la constitution du capital du quotidien Le Temps, fondé à Paris par son ami colmarien, A. Nefftzer © qu’il retrouvait tous les ans à la station climatique des Trois-Épis. Candidat de l’Union libérale à l’élection législative du 31 mai 1863 dans la deuxième circonscription du Haut-Rhin et largement majoritaire à Mulhouse, où l’opinion était hostile au traité de libre-échange avec l’Angleterre, il fut battu de justesse par le candidat officiel, Aimé Gros ©, grâce aux électeurs ruraux. Il accusa le sénateur Georges de Heeckeren ©, maire de Soultz, de fraude électorale, ce qui lui valut un procès en diffamation. Le célèbre avocat Berryer le défendit devant le tribunal de Colmar qui l’acquitta, puis devant la Cour d’appel qui le condamna à une légère amende. Au second tour des élections au Conseil général de 1865, il fut battu dans le canton de Mulhouse-Nord par Henri Plaeffely ©. En 1865, il adhéra au programme de décentralisation de la France, dit programme de Nancy. Lors des élections législatives de 1869, malgré le nouveau découpage de la circonscription, il affronta à Mulhouse son oncle, le maire Jean Dollfus, avec le soutien de son cousin, Alfred Koechlin ©. Bon orateur, le « démocrate millionnaire » triompha par 15307 voix contre 6428 au candidat officiel qui parlait mal en public. Il bénéficia à la fois du soutien de l’électorat radical de Mulhouse et de l’hostilité des cantons ruraux aux projets de défrichement de la Harth soutenu par Dollfus. Une grande partie des industriels se rallia également à sa candidature en raison des tendances libre-échangistes de celui-ci. Il fit partie du groupe des 25 députés d’extrême-gauche, celui des républicains inconciliables, avec Gambetta, Grévy et Ferry. Absent du Corps législatif d’avril à août 1870 pour raison de santé (méningite et érysipèle), il ne put pas participer à la campagne des opposants au plébiscite du 8 mai 1870, mais recommanda le vote « non » dans une lettre adressée à ses commettants. Il séjourna ensuite pour une longue convalescence aux environs de Vevey en Suisse. Il revint à Paris après la déclaration de guerre et participa aux travaux du Corps législatif jusqu’à la proclamation de la République le 4 septembre 1870.

Le 14 septembre, le gouvernement de Défense nationale, où son ami Jules Favre était ministre des Affaires étrangères, le nomma ministre plénipotentiaire à Bruxelles. Pendant le siège de Metz, il rencontra le général Boyer, envoyé du maréchal Bazaine auprès de Bismarck et de l’impératrice Eugénie. Il put ainsi renseigner Gambetta et la délégation de Tours sur les circonstances de la capitulation de la place forte lorraine. Il figura sur la liste « radicale et protestataire » présentée aux électeurs du Haut-Rhin le 8 février 1871 et fut élu député du Haut-Rhin à l’Assemblée nationale. Il fut l’un des signataires des protestations de Bordeaux du 16 février et du 1er mars 1871 et démissionna comme les autres représentants de l’Alsace-Lorraine. Lors de cette dernière séance, il avait lui-même pris la parole pour s’élever, au nom des députés d’Alsace-Lorraine contre l’intervention de Victor Hugo qui, évoquant le jour de la future Revanche, annonçait qu’alors la France annexerait la rive gauche du Rhin et libérerait l’Allemagne de son régime impérial. Il participa ensuite à certaines des démarches de la « commission de défense des intérêts alsaciens » (en fait, il s’agissait des intérêts des industriels de Mulhouse) auprès de Thiers et du gouvernement de Versailles. Il n’opta pas et prétendit vouloir rester en Alsace « pour y maintenir les traditions françaises jusqu’à la revanche », ce qui lui valut d’être attaqué par les circulaires de la Ligue d’Alsace, qu’avait lancée Alfred Koechlin et qui avait été reprise après sa mort par Lalance ©. Ces attaques contribuèrent à ébranler encore l’équilibre mental d’un homme déjà fortement éprouvé par la maladie. En 1873, Tachard fut l’un des signataires de l’adresse des députés alsaciens de 1871 à leurs anciens collègues de l’Assemblée nationale contre le projet de restauration monarchique en faveur du comte de Chambord. Le 25 novembre 1873, il témoigna, à Versailles, à la demande de l’accusation, au procès Bazaine, mais sa déposition fut incohérente; il confia plus tard s’être cru devant le « tribunal de la Ligue d’Alsace ». En 1877, il parvint à se faire recevoir au château de Varzin, Poméranie, par le prince de Bismarck, qu’il entretint de son projet de « neutralisation » de l’Alsace-Lorraine. Ce fut « le grand rêve de la fin de sa vie ». Ses intempérances de langage ne lui permirent plus de participer à la vie publique. Il partagea dès lors l’année entre son domicile parisien, l’Italie où il passait souvent l’hiver et Niedermorschwiller, mais il vendit son château à des Allemands en 1899. Il fut cependant inhumé dans cette dernière localité.

Mémoire au Corps Législatif à l’appui de la protestation déposée par M. Tachard contre l’élection de la IIème circonscription du Haut-Rhin, Paris, 1863 ; Les institutions de l’Alsace au point de vue de la bienfaisance et de l’économie sociale. Conférence du 22 mars 1875, Rome, 1875, 53 p.; Bemerkungen über die Einrichtung des Hasenrains als Bügerspital, Mulhouse, 1892, 7 p.

Bundesarchiv Berlin – Nachlass Schneegans – correspondance avec A. Schneegans ; Archives nationales, BB18, 1787 ; Courrier du Bas-Rhin du 3 au 19.4 et du 1.5.1870 ; Affaire de la capitulation de Metz- Procès Bazaine. Seul compte-rendu sténographique…., Paris, 1873, p. 622-627 ; La Grande Encyclopédie, 5, p. 966 ; Robert, dir., Dictionnaire des Parlementaires français comprenant tous les membres des Assemblées françaises et tous les ministres français 1789-1889, p. 351 ; A. Scheurer-Kestner, Les représentants de l’Alsace et de la Lorraine à l’Assemblée nationale de Bordeaux, Paris, 1887 ; Tableaux généalogiques de la famille Koechlin, Mulhouse, 1892 ; A. Dollfus, Souvenirs anecdotiques personnels  des années 1870, 1871 et 1872, Mulhouse, 1895 ; Jouve, Les Alsaciens-Lorrains, Dictionnaire, annuaire et album, II, 1898; J.-B. Fleurent, « Berryer à Colmar », Revue d’Alsace, 1901, p. 161-181 ; A. Schneegans, Memoiren, Berlin, 1904, p. 104, 105, 123, 132, 143, 232 ; P. Muller, La révolution de 1848 en Alsace, Paris-Mulhouse, 1912 ; L’Éclair du 14.2.1919 ; F.-J. Heitz, Le barreau de Colmar 1712-1870, Colmar, 1932, p. 180-186, 336-337 ; J. Schneider, Die elsässische Autonomistenpartei 1871-1881, Frankfurt a. M., 1933, p. 11 ; P. Hugonnot, Le Second Empire dans le Haut-Rhin, Paris, 1935 ; R. Martin, Le vrai visage de l’Alsace. La vie d’un grand journaliste, Auguste Nefftzer, t. II, Besançon, 1953, p. 153- 154, 163, 206, 214, 336, 337, 338, 347, 350-352, 353, 373-381 ; F. L’Huillier, » Une bataille économique au sein de la bourgeoisie industrielle de Mulhouse. L’industrie mulhousienne et le libre-échange », La bourgeoisie alsacienne, Strasbourg, 1957, p. 423-434 ; A. Brandt, P. Leuilliot, « Les élections à Mulhouse en 1869 », Revue d’Alsace, 1960, p. 104-128 ; P. Leuilliot, « Politique et religion. Les élections alsaciennes de 1869 », ibidem, 1961, p. 67-101 ; Idem, « II y a cent ans, Mulhouse en 1864 », Bulletin du Musée historique de Mulhouse, 1964, p. 147-168 ; Idem, « Il y a cent ans. Mulhouse en 1865 », ibidem, 1965, p. 85-102 ; Idem, « Il y a cent ans, Mulhouse en 1869 », ibidem, 1969, p. 149-182 ; Idem, « Il y a cent ans, Mulhouse en 1870 », ibidem, 1970, p. 131-164 ; L. Strauss, « Opinion publique et forces politiques en Alsace à la fin du Second Empire. Le plébiscite du 8 mai 1870 dans le Haut-Rhin », F. L’Huillier, (dir.), L’Alsace en 1870-1871, Gap, 1971 ; p. 112, 117, 138-139, 150, 170, 176, 177, 179 ; R. Wagner, La vie politique à Mulhouse, Mulhouse, 1976, p. 47, 52 ; G. Livet, R. Oberlé, Histoire de Mulhouse des origines à nos jours, Strasbourg, 1977 (index) ; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981, p. 14, 20, 297 ; R. Oberlé, L. Sittler (dir.), Le Haut-Rhin. Dictionnaire des communes, Colmar, 1981, p. 923 ; D. Lerch, « Le paysan haut-rhinois au XIXe siècle »,  Histoire de l’Alsace rurale, Strasbourg, 1983, p. 341 ; Encyclopédie de l’Alsace, XII, 1986, p. 7222-7223 ; François Igersheim, Politique et administration dans le Bas-Rhin (1848-1870), Strasbourg, 1993 (index).

François Igersheim et Léon Strauss (2000)