Officier municipal, (C) (★ Strasbourg 4.9.1740 † Strasbourg 20.4.1799). Fils de Jean Adam Sultzer, serrurier, et de Catherine Jacob. ∞ 9.5.1769 à Sainte-Marie-aux-Mines Marie Madeleine Drouël. Serrurier comme son père, il adhéra, dès 1789, aux idées nouvelles, fut élu représentant du Tiers État de la ville en mars, échevin en août et membre du comité de l’artisanat de l’Assemblée générale des 300 échevins en décembre. Reçu membre de la société des Jacobins de Strasbourg le 24 mai 1792, il fut présenté par eux aux élections municipales de décembre (aucun Jacobin ne fut d’ailleurs élu). Lorsque le 18 janvier 1793 les commissaires envoyés par la Convention nationale, Ruhl ©, Couturier et Dentzel © suspendirent la municipalité élue, ils nommèrent Sultzer membre du conseil général de la commune, fonction qu’il occupa jusqu’à l’épuration du 21 nivôse II (10 janvier 1794) par les représentants en mission Baudot, J.-B. Lacoste et Lémane, qui le promurent alors officier municipal. C’est là que se place l’épisode qui fit entrer Sultzer dans la légende lui attribuant le sauvetage de la tour de la cathédrale menacée de destruction. Le 4 frimaire II (24 novembre 1793), jour où Saint-Just © et Lebas © ordonnèrent la démolition des statues extérieures de la cathédrale, au club des Jacobins de Strasbourg, Antoine Téterel ©, officier municipal, aurait proposé, sans succès, de faire abattre la tour élevée par la superstition du peuple. Il aurait refait la même proposition au Conseil général de la commune en avril 1794, avec le soutien de quelques officiers municipaux. Sultzer serait alors intervenu pour démontrer l’importance stratégique d’une tour d’observation si haute et aurait convaincu le conseil d’en coiffer la pointe d’un immense bonnet phrygien pour faire connaître aux peuples esclaves d’outre-Rhin le triomphe de la liberté. Le bonnet rouge y fut effectivement hissé en mai 1794. Que Téterel ait proposé aux Jacobins de raser la tour, est possible : deux semaines plus tôt, Hébert avait fait voter au conseil de la commune de Paris d’abattre tous les clochers de la capitale. Mais aucun document ne confirme la proposition de Téterel au conseil municipal. Par contre, à trois reprises, en mars et avril 1794, l’agent national du district de Strasbourg, Joseph Antoine Mainoni ©, avait sommé la
municipalité de faire disparaître la croix qui surmontait la flèche. La municipalité tergiversa d’abord, et finit par décider de la faire recouvrir d’un bonnet de la liberté. L’idée vint-elle de Sultzer ? Rien ne l’atteste, et même si cette hypothèse ne peut pas être totalement rejetée, l’idée n’était pas très originale. Elle figurait dans la première lettre d’injonction de Mainoni à la municipalité, et avait déjà été mise en pratique ailleurs (p. ex. à Landau). Aujourd’hui encore, la maison qui fut celle de Sultzer (24, place de la Cathédrale) est ornée de son buste en bronze, surplombant une enseigne représentant la cathédrale coiffée de son bonnet jacobin, un regard protecteur tourné vers la tour. Après Thermidor, Sultzer fut maintenu dans ses fonctions par le représentant Foussedoire, mais destitué par le représentant Bailly le 28 nivôse III (17 janvier 1795). Le 19 messidor III (7 juillet 1795) il fut mis en arrestation, et le 16 thermidor (3 août 1795) le jury du tribunal du district déclara qu’il y avait lieu d’accusation contre lui (ainsi que deux autres anciens officiers municipaux) comme prévenu de complicité avec l’ex-maire Monet © de dégradation de la cathédrale. La disparition des archives judiciaires du Bas-Rhin ne permet plus de savoir s’il fut condamné par le tribunal criminel. Mais aurait-il été poursuivi s’il avait réellement été le sauveur de la cathédrale ?
Archives municipales de Strasbourg, AA-1999, 19-20 ; registres 270 et 271 ; Conseil municipal, 91/874, 879 et 881 ; Police 243/813 ; Div. II-473/2726 ; Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, M 5.941, 123 et M 6.809, 11 ; Le Moniteur (réimpression), t. 18, p. 409 ; R. Reuss, La cathédrale de Strasbourg pendant la Révolution, Paris, 1888 ; E. Barth, « Notices biographiques sur les hommes de la Révolution… », Revue d’Alsace, 1882, p. 535 ; D. Schönpflug, « Das Munster unter dem « bonnet rouge » », Francia n° 25/2, 1998, p. 105-129.
Buste sur la façade du n° 24 de la place de la cathédrale.
Claude Betzinger (2000)