Pasteur, (PI) (★ Strasbourg 23.4.1722 † Strasbourg 31.1.1797). Fils de Jean-Louis Stuber, passementier, et d’Agnès Geiger. ∞ I 9.6.1751 à Strasbourg, Saint-Thomas, Marguerite Salomé Reuchlin (★ 6.8.1734 † 9.8.1754), fille de Frédéric Jacques Reuchlin, professeur de théologie, et d’Anne Christine Schneider, ∞ II 30.9.1755 à Strasbourg, Saint-Thomas, Anne-Marie Lorenz (★ 15.12.1735 † 19.3.1805), fille de Jean-Michel Lorenz, professeur de théologie, et d’Anne-Marie Hempel, et sœur de Jean-Michel Lorenz, professeur d’histoire, et de Frédéric Sigismond Lorenz, pasteur et professeur de théologie ; 6 enfants du deuxième lit. Enfant chétif, Stuber resta maladif toute sa vie. Ayant terminé ses classes au Gymnase, il fit un séjour à Montbéliard pour apprendre le français. À Strasbourg il étudia la théologie et suivit des cours de grec chez Lederlin © et Reuchlin ©. Il prononça son premier sermon en allemand en 1744, en français en 1745. En 1746 il soutint devant Reuchlin sa thèse latine Cogitationes in loca quaedam Novi Testamenti. Ses connaissances en français et en musique — il jouait de l’orgue et du violon — lui valurent d’être désigné pour réviser les psaumes de Clément Marot et de Théodore de Bèze. De 1750 à 1754 son ministère au Ban-de-la-Roche, de langue française, permit une première action de renouveau de la paroisse de Waldersbach. Le décès de sa jeune femme et des problèmes de santé l’incitèrent à accepter le poste de diacre à Barr, proche du Ban-de-la-Roche (1754-1759). Il s’intégra mal à cette paroisse et resta en contact avec Waldersbach où il retourna pour un deuxième séjour de 1760 à 1767. Après une période d’activité intense pendant laquelle, au dire de son successeur, il a « déposé le fondement du bâtiment élevé par lui », il quitta Waldersbach pour Strasbourg, après s’être assuré d’avoir trouvé en Oberlin © celui qui allait continuer son œuvre. Il garda d’ailleurs des contacts étroits avec lui pendant plus de 20 ans, s’efforçant de réunir des fonds pour le Ban-de-la-Roche. De 1767 à 1797, Stuber allait rester diacre à Saint-Thomas, en butte à de nombreuses difficultés, mais ouvert aux idées nouvelles. En 1785 parut son opuscule Urkunde einer Christen-Republik. Comme d’autres pasteurs, il se rallia à la Révolution en 1789 par idéalisme, séduit par les idées de liberté, de justice, des droits de l’homme, d’amour du prochain. Il fut membre du conseil général de la commune de Strasbourg en 1790. Son sermon patriotique, le 31 octobre 1790, fit grande impression. Sur demande il organisa un culte de quinzaine pour la Garde nationale. Les excès de la Révolution allaient le décourager. Sous la Terreur, son gendre Herrenschneider et son beau-frère Jean-Michel Lorenz furent enfermés au Grand Séminaire. Les Jacobins exigèrent de Stuber une déclaration de civisme. Son premier mouvement fut de refuser et de se constituer prisonnier au Séminaire. Il céda à l’insistance des siens et signa un texte où il se déclarait ennemi du fanatisme et de la superstition et partisan de la liberté. Le 2 septembre 1794 à la Convention nationale, l’abbé Grégoire cita en exemple l’œuvre pédagogique de Stuber et d’Oberlin et la Convention leur vota une motion honorable. Mais malade, épuisé, Stuber vécut ses dernières années retiré de la vie publique.
Sa voix faible n’empêchait pas ses sermons d’attirer les foules. De grande culture, doué pour les langues (il parlait l’allemand, le français, le latin, le grec, l’italien et un peu l’arabe), musicien passionné, amoureux de la nature, il était doté d’une vive sensibilité toujours contrôlée par la raison et doué d’un grand sens pratique. Stuber est connu surtout comme précurseur d’Oberlin, mais son travail se prolongea dans ses autres paroisses. Il fit œuvre de pédagogue au Ban-de-la-Roche en recrutant et en formant des maîtres d’école, les « régents », comme Scheidecker et Bohy, en rédigeant un « alphabet méthodique » où les difficultés sont classées suivant une progression, en créant des cours d’adultes rassemblant jusqu’à 150 à 200 personnes et une bibliothèque de prêt, et en encourageant les femmes à filer et à tricoter. Il utilisait la musique comme moyen pédagogique, l’enseignant aux régents et leur apprenant le violon, formant une chorale d’enfants et une chorale d’adultes, adaptant pour le Ban-de-la-Roche les cantiques en usage dans les églises de langue française, éditant divers recueils de musique. Il termina la reconstruction de l’église de Waldersbach (1751), construisit l’église de Neuwiller (1752) et agrandit l’église de Belmont (1755-1762). Il construisit aussi à Waldersbach un cadran solaire pour améliorer la mesure du temps dans ce village qui n’avait pas d’horloge. L’esprit pratique du pasteur le conduisit à traduire en français le petit catéchisme de Luther pour les paroisses du Ban-de-la-Roche, à remplacer à Barr les sermons par des études bibliques, à fixer par écrit l’histoire et le fonctionnement de la paroisse de Barr, à organiser à Strasbourg des études bibliques et à diffuser partout la Bible. Stuber est caractérisé par une foi vivante exprimée en un langage simple et compréhensible, toujours très proche de ses paroissiens. Esprit très ouvert, il eut de nombreux amis, entre autres Lavater qu’il reçut chez lui. Il fut aussi attiré par les tendances moraves, mais y renonça, rebuté par leur sentimentalité. Il travailla à la propagation de la foi par la prédication, et par des essais de traduction, en allemand et en français, des Écritures (Matthieu, Épître aux Romains, Épître aux Hébreux), mais se heurta à l’orthodoxie du clergé strasbourgeois. Accusé d’être un novateur hétérodoxe, il dut se justifier devant la faculté et le convent.
J. W. Baum, Johann Georg Stuber der Vorgänger Oberlins im Steinthal und Vorkampfer einer neuen Zeit in Strassburg, Strasbourg, 1846 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 845 ; A. Salomon, Jean-George Stuber. Ses ancêtres et ses descendants, s.l.n.d. (1914) ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 539 ; R. Peter, « Et plus bas et plus haut », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 61, 1981 ; M. A. Hickel, « Le ministère du pasteur Stuber à Barr (1754-1760) », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach, Barr, Obernai, 21, 1987, p. 81-90 ; L. Chalmel, « Jean-Georges Stuber et le développement de la langue française au Ban-de-la-Roche », Lo tambourier, n° 3, juin 1994, p. 4-10 ; E. Stussi, « Jean-Georges Stuber, restaurateur des églises du Ban-de-la-Roche », ibidem, n° 9, décembre 1997, p. 4-7.
Portraits au musée de Waldersbach.
Marie-Anne Hickel (2000)
