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STIEVE (STIEWE) Richard

Juriste et fondateur du Club Vosgien, (C) (★ Recklinghausen, Westphalie, 19.2.1838 † Saverne 21.6.1919). Fils de Friedrich Anton Stieve et de Philippine Hammer. ∞ 25.10.1870 à Berlin Mélanie Rohne, fille d’officier († 1901) ; la « Fontaine Mélanie » près de Saverne perpétue son souvenir ; 5 enfants dont un fils Aloyse (1876-1915), Regierungsrat dans l’administration du Reichsland Alsace-Lorraine. Études secondaires au Gymnasium catholique Saint-Mathias de Breslau, puis études de droit aux universités de Munich (1856), de Heidelberg (1857-1858) et enfin à Breslau où il obtint le diplôme lui permettant une carrière juridique. Nommé assesseur à Trêves, puis à Berlin à divers tribunaux, il s’y spécialisa dans l’étude du Code civil français qu’il était question, alors, d’étendre à toute la Prusse. En 1869, il choisit Küstrin (Prusse) comme premier poste de juge titulaire avant d’être nommé — à sa demande — à Saverne où il arriva le 19 septembre 1871. Dans cette ville, il acquit en 1877 un immeuble avec une petite exploitattion agricole où il vécut pendant 15 ans, d’abord comme « juge-paysan » puis en tant que « avocat-paysan ». D’un caractère entier et passionné, Stieve ne s’entendit guère avec ses collègues immigrés, en majorité protestants; mais venu en Alsace avec le ferme propos de germaniser ce Reichsland, il ne fut pas non plus accepté vraiment par les autochtones. Il démissionna en 1881 de la magistrature et s’installa comme avocat à Saverne, après une brève et décevante expérience strasbourgeoise. Ayant pris en charge le procès dit du « bois bourgeois » que les habitants de Dabo et d’Abreschwiller menaient contre l’administration, ses interventions intempestives lui valurent d’abord une certaine réputation et un début d’aisance financière. Mais, dès 1892, sa situation matérielle déclina rapidement. Les traits de sa personnalité effervescente se retrouvent dans la plupart des publications pseudo-historiques de Stieve trop souvent prétexte à des digressions politiques, antisémites ou pangermanistes. Sur le terrain politique, ce catholique ultramontain s’engagea dans les conflits du Kulturkampf contre Bismarck. Il se fit le héraut d’un duché alsacien héréditaire dont le siège aurait été — selon Stieve — au centre de l’Alsace et de l’Europe. Il fit acte de candidature lors de chaque échéance électorale, tant locale que régionale ou nationale, en récoltant entre 1 et 5 % des voix. En 1896, il intervint, avec vivacité, dans la polémique déclenchée par la parution d’une nouvelle édition d’un catéchisme critiqué par les protestants, avec, notamment, un pamphlet intitulé Der gekreuzigte Knabe von Albertschweiler von Anti-Gustav-Adolf (Le garçon crucifié d’Abreschwiller). En 1902, lors du Congrès des catholiques allemands à Mannheim, puis d’une assemblée générale à Strasbourg, il s’opposa fortement à l’adhésion des élus alsaciens-lorrains au parti catholique allemand (Zentrum).

Dans « l’affaire de Saverne » (1913), Stieve s’adressa au colonel von Reuter © pour critiquer l’attitude des « Altdeutschen » (Allemands d’outre-Rhin) en Alsace « qui manquaient trop souvent de compréhension envers la population d’ici », entretien et jugement qu’il confirma dans une lettre au Statthalter Karl von Wedel © ; il tenta d’organiser à Saverne un « Wackeskongress » que les autorités réussirent à empêcher en faisant pression sur les propriétaires de salles. Pendant la guerre 1914-1918, Stieve mit son ardeur au service du combat pour la paix, se rendit en Suisse pour y publier un écrit pacifiste intitulé Quousque tandem et soumettre à la conférence internationale d’études sur la paix, qui devait siéger à Berne en décembre 1915, des propositions d’une future constitution chrétienne, garante de la paix universelle. Ces efforts restèrent vains et sur un ordre de Berlin, toute activité en faveur de la paix et tout déplacement hors du territoire du Reich lui furent interdits. De tous les engagements de Stieve, la création du Club Vosgien a eu le plus de succès. Marcheur invétéré depuis sa jeunesse, il avait parcouru à pied une bonne partie de l’Europe, et assidûment les Vosges depuis son arrivée en Alsace. Dès octobre 1872, il appela dans la presse à la création d’un Club Vosgien, accompagné d’un projet de statuts (Statuten des deutschen Vogesenclubs). Initialement l’opération était pour le moins ambigüe et Stieve, de son propre aveu, ne pouvait pas mentionner ouvertement son souci de « germaniser » l’Alsace qui, dans son esprit, devait en être l’objectif essentiel, le tourisme ne devant en être que le moyen (« die Turisterei war das Aushängeschild… !… dass ich es nicht wagen durfte meine Germanisierungsabsichten zu offenbaren »). Le succès fut, en tout cas, foudroyant, puisque le 15 décembre de la même année une assemblée constitutive réunissait déjà les délégués d’une douzaine de sections. Une assemblée générale, l’année suivante à Strasbourg, le porta à la pré- sidence. Le Club bénéficia de l’adhésion de la Société Alsato-vosgienne fondée en 1868 à Colmar par le médecin archéologue Charles Frédéric Faudel © sur le modèle du Schwarzwaldverein d’outre-Rhin et sur la lancée des initiatives du botaniste Frédéric Kirschleger ©. Stieve fut et resta l’un des plus dynamiques dirigeants de cette association. Parmi les réalisations portant sa signature, figure le Guide des Vosges (Vogesenführer) dont la première partie consacrée au Bas-Rhin parut en avril 1873,suivie en juin par la partie haut-rhinoise. Ses mérites furent reconnus en 1880, lors d’une assemblée générale à Saverne où Stieve fut nommé président d’honneur du Comité central et, en 1897, à l’occasion du 25e anniversaire de la fondation où il fut proclamé Vogesenvater, une distinction insigne qui a contribué à garder vivace sa mémoire. Il est vrai qu’en 1909 sa nature irascible le fit exclure de la section de Saverne qu’il avait fondée.

Aufruf zur Bildung eines Vogesenclubs, 1872 ; Vogesenführer durch Elsass-Lothringen, 1873 ; Zum künftigen deutschen Strafprozess : Schöffen in Elsass-Lothringen, 1876 ; Der Dagsburger Schlossfelsen – Eine historische Skizze mit lllustrationen, Saverne, 1891 ; Wilhelmina. Entwurf eines bürgerlichen Gesetzbuches für das deutsche Reich, Strasbourg, 1896 ; Vogesen Club Lied, 1897 ; Die Zaberner Steige, topographisch-historisch dargestellt, Strasbourg, 1897 ; Über die Entstehung der Gebirgsvereine insbesondere des Vogesenclubs, Strasbourg, 1897 ; Der gekreuzigte « Knabe » von Alberschweiler. Eine segensreiche Geschichte aus den deutschen Vogesen von Anti-Gustav-Adolf, Metz, 1898 ; Die Rede des Rechtsanwalts Stieve im Alberschweiler Prozess, Leipzig, 1898 ; Zabern im Elsass, oder Elsass-Zabern. Geschichte der Stadt seit Julius Cäsar bis zu Bismarcks Tod, Saverne, 1900 ; Die Hohkönigsburg (Eine historische Skizze), 1901; Dagsburg-Germanistische Studien im Elsass, I, II, Metz, 1903 ; Zur Lösung der sozialen Frage im deutschen Reich, Rixheim, 1905 ; Vita Sancti Leonis IX papae, confessores pontificis, 1048-1054 (sic.) patroni Dagsburgensis, Rixheim, 1905 ; Gehört die Förderung der Heimatkunde zu den Aufgaben der deutschen Gebirgsvereine, insbesondere des Vogesenklubs, Kreuznach, 1905 ; Imperator Augustus redde regem Alsatiae – Dem Reichsland den Herzog !, Sarrebourg, 1906 ; Protokollbuch der städtischen Angelegenheiten der Stadt Zabern, aktenmässig geführt und veröffentlicht von Stieve, Saverne, 1906 ; Geschichte der Vogesengrafschaft Salm, der Stadt Schirmeck und der Herrschaft zum Stein (Ban de la Roche), Schirmeck, 1908.

Archives départementales du Bas-Rhin 121 AL 955 ; « Der Kirchenstaat und Stiewe, sein Prophet », Leipziger Neueste Nachrichten, 1905, n° 234, 1 p. ; L. Bachmeyer, « Richard Stieve », 1838-1919, Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1, 1938, p. 19-32, portrait ; R. Heimlich, « À la mémoire de Richard Stieve », Les Vosges, 41, 1962, n° 3, p 5 ; J. Heyl, « Zu Zeiten des Vogesenvaters », Les Vosges, 41, 1962, p. 11-12, portrait ; A. Wollbrett, « Les 25 premières années du Club Vosgien, vues de Saverne », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 77, 1972, p. 31-39 ; Encyclopédie de l’Alsace, III, p. 1788-1789 (Club Vosgien) ; Haegy, Das Elsass von 1870 1932, t. I, p. 166, II, 152, III 356 ; Christian Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939. Du Reichsland à la République jacobine, Paris-Strasbourg, 1982, p. 83, 85.

Alphonse Irjud et † Marcel Thomann (2000)