Skip to main content

SIEGFRIED Jules

Homme d’affaires, homme politique, philan­thrope, (Pr) (★ Mulhouse 13.2.1837 † Le Havre, Seine-Infe?rieure, 26.9.1922). Fils de Jean Jacques Siegfried, ne?gociant cotonnier, qui avait voyage? en Perse et au Mexique (1825-1833), et de Louise Blech. ∞ 2.2.1869 a? Ale?s, Gard, Henriette Julie Puaux, fille de Franc?ois Antoine Noe? Puaux, pasteur a? Mulhouse (1856-1864) (Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 4055) ; 7 enfants dont le troisie?me, Andre? (★ Le Havre 1875 † Paris 1959), politologue, fut membre de l’Acade?mie franc?aise. Études pri­maires et secondaires a? Mulhouse et a? Lausanne, arre?te?es a? l’a?ge de 14 ans pour entrer dans l’entreprise familiale e?prouve?e par la maladie de son pe?re et la crise e?conomique. En 1862, apre?s un stage a? Liverpool et un voyage aux États-Unis, ou? il fre?quenta le pre?si­dent Lincoln et assista aux de?buts de la guerre de Se?cession et comprit qu’elle allait entrai?ner une pe?nurie de coton en Europe, il s’associa avec son fre?re Jacques © pour fonder au Havre la socie?te? de ne?goce de coton brut « Siegfried fre?res et Cie » commandite?e par Georges Steinbach ©. Il partit aussito?t pour Bombay, ou? il fonda un comptoir de la socie?te?, qui devint biento?t florissante. En 1866, il avait fait fortune et s’e?tablit au Havre avant de se marier. Les Siegfried habite?rent a? partir de 1879 le quartier bourgeois de la co?te d’Ingouville dans la belle maison du Bosphore, qui dominait l’es­tuaire de la Seine et dont la salle a? manger e?tait orne?e de quatre fresques de Jean Benner © repre?sentant des sce?nes alsaciennes. La famille fre?quentait essentiellement une « socie?te? homo­ge?ne, anglo-he?lve?tico-alsacienne, et surtout inte?gralement protestante » qui faisait contraste avec la socie?te? « de souche normande et catholique». En 1880, Siegfried abandonna ses affaires a? son fre?re Ernest (★ 1843) pour se consacrer a? sa carrie?re politique, tout en restant commandi­taire de la « Socie?te? Ernest Siegfried », adminis­trateur de la Banque de France et pre?sident de la Banque franco-russe. En 1885, apre?s son e?lection a? la Chambre, il quitta Le Havre pour Paris, ou? il re?sida dans de somptueuses demeures au Rond-Point des Champs Élyse?es, puis au boulevard Saint-Germain. Il y tenait table ouverte et y recevait les sommite?s du monde politique et les hauts fonctionnaires de l’instruction publique. Siegfried, qui fonda au Havre deux quotidiens, Le Havre (1868) et Le Petit Havre (1878), avait commence? sa carrie?re poli­ tique en aou?t 1870 comme conseiller municipal du Havre. Il devint premier adjoint au maire le 4 septembre 1870 apre?s la proclamation de la Re?publique. En cette qualite?, il travailla en de?cembre 1870 a? la mise en de?fense de la ville qui e?chappa a? l’occupation prussienne. Il opta pour la France en 1872. En 1874, le gouverne­ment re?actionnaire de Broglie, qui lui reprochait d’avoir organise? un enseignement primaire non-confessionnel, le re?voqua de ses fonctions municipales. Apre?s la victoire re?publicaine aux e?lections municipales du 8 janvier1878, il redevint premier adjoint; il fut e?lu maire le 25 octobre 1878.

Candidat malheureux a? Bolbec du parti re?publi­cain aux e?lections le?gislatives de 1876 et de 1877, il fut e?lu de?pute? de la Seine-Infe?rieure le 4 octobre 1885. Il donna alors sa de?mission de la mairie du Havre, car le soin des affaires munici­pales lui paraissait incompatible avec le man­dat de de?pute?. Membre du groupe de l’Union re?publicaine, il appuya la politique des gouver­nements opportunistes et combattit le boulan­gisme. En 1889 et 1894, il fut re?e?lu de?pute? du Havre (1e?re circonscription). Il avait e?te? ministre du Commerce et de l’Industrie dans le premier ministe?re Ribot (de?cembre I892 – janvier 1893) et ministre du Commerce, de l’Industrie et des Colonies dans le second (janvier-avril 1893). Pendant cette bre?ve pe?riode, il ne re?ussit pas a? de?velopper, comme il le souhaitait, l’enseigne­ment commercial, mais parvint a? faire voter des lois sur la marine marchande et sur l’arbitrage de certains conflits sociaux. Il devint se?nateur de Seine-Infe?rieure le 8 août 1897 a? l’occasion d’une e?lection partielle, mais fut battu en janvier 1900 en raison de sa participation a? la cam­pagne en faveur de la re?vision du proce?s Dreyfus ©. Il revint a? la Chambre en 1902 et fut constamment re?e?lu au Havre jusqu’a? son de?ce?s. Il avait adhe?re? en 1901 a? l’Alliance re?pu­blicaine de?mocratique.

Franc-mac?on et pre?sident du groupe havrais de la Ligue de l’enseignement, il re?unit en 1885 le premier congre?s international d’instituteurs et d’institutrices. Il de?veloppa particulie?rement l’enseignement technique et professionnel, mais il fut aussi l’un des fondateurs de l’Ecole libre des sciences politiques de Paris et cre?a au Havre le premier lyce?e de jeunes filles de France. Il avait e?te?, avec Jacques ©, a? l’ori­gine de l’École supe?rieure de commerce de Mulhouse en 1867 a? qui les deux fre?res firent don d’un capital de 100 000 francs; il cre?a sur ce mode?le l’Ecole supe?rieure de commerce du Havre (1871). Il s’inte?ressait a? la question sociale, mais e?tait persuade? au de?part que l’ini­tiative prive?e suffisait a? re?soudre les maux de la socie?te?. Il e?volua par la suite vers une accepta­tion d’une certaine intervention de l’État dans le domaine social. Il offrit en 1868 a? la Socie?te? industrielle de Mulhouse une somme de 100 000 francs pour la cre?ation d’un Cercle d’ouvriers sur le mode?le des Workings men’s clubs anglais. Au Havre, il fonda sur le me?me mode?le le Cercle Franklin. La Socie?te? d’habita­tions a? bon marche? du Havre (1871) et la Socie?te? franc?aise des habitations a? bon marche? (1889), dont il fut un pre?sident d’honneur fort actif, furent e?galement inspire?es des Cite?s ouvrie?res mulhousiennes. Il ouvrit en 1879 le premier Bureau municipal d’hygie?ne en France et fonda la socie?te? des Bains et Lavoirs publics (1880). Il fit voter la « loi Siegfried » du 30 novembre 1894, premier statut des Habitations a? bon marche?. Pre?sident du comite? de la section d’e?conomie sociale de l’Exposition universelle de 1889, il figura aussi parmi les fondateurs du Muse?e social de Paris (1894), dont il resta pre?­sident du comite? de direction jusqu’a? sa mort. Il seconda aussi son e?pouse, pre?sidente du Conseil national des femmes franc?aises, un des premiers mouvements fe?ministes. Parmi les re?alisations du couple figurent l’Amicale des vil­le?giatures du travail fe?minin, l’Asile temporaire pour les enfants dont la me?re est a? l’ho?pital, le Home des amis des jeunes filles, le Foyer fe?mi­nin, l’Œuvre des cantines maternelles, les Maisons familiales de repos et le Foyer de l’e?tu­diant. Son attachement a? l’Alsace se manifesta a? de nombreuses reprises. Il pre?sida le conseil d’administration de « l’École alsacienne » de Paris (1903-1922). En 1917, il devint pre?sident de l’Union des pre?sidents des socie?te?s alsa­ciennes de France. Le 8 janvier 1918, en sa qualite? de pre?sident d’a?ge, il prononc?a au Palais Bourbon un vibrant rappel de la protestation des de?pute?s alsaciens et lorrains a? Bordeaux en 1871. Le 8 décembre 1919, il eut la grande joie de pre?sider la se?ance ou? les de?pute?s d’Alsace et de Lorraine reprenaient place dans une assem­ble?e franc?aise, apre?s une interruption de 48 ans. Le?gion d’honneur (chevalier, remise par Thiers 1872; officier, 1889).

« Me?moire au sujet de la fondation d’une Ecole de commerce, (avec Jacques Siegfried ©) », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1865; Des Cercles d’ouvriers a? propos des Working men’s Clubs d’Angleterre, Mulhouse, 1868 ; Situation financie?re de la France, 1871 ; Les cite?s ouvrie?res du Havre, 1871 ; L’impo?t sur le revenu et les droits de douane, 1871 ; L’initiative individuelle, 1872 ; Rapport sur les e?coles primaires et les salles d’asile du Havre, 1872; Les cercles d’ouvriers, 1874; Quelques mots sur la question des chemins de fer en France, 1875; Le cercle Franklin du Havre, 1877; Quelques mots sur la mise?re, son histoire, ses causes, ses reme?des, Le Havre, 1877 (couronne? par l’Acade?mie des sciences morales et politiques) ; La mise?re, son histoire, ses causes, ses reme?des, Le Havre, 1879; pre?face a? P. Teale, Dangers au point de vue sanitaire des maisons mal construites, traduction, 1882; Rapport sur le budget du Commerce et de l’Industrie, Paris, 1890 ; Rapport sur la Marine marchande, Paris, 1892 ; Les habitations a? bon marche?, 1904 ; « Discours prononce? a? l’ouverture de la Chambre des de?pute?s », dans R. Reuss, « La question de l’Alsace-Lorraine », Voix d’Alsace et de Lorraine, III, Paris, 1918.

P. Larousse, Grand dictionnaire encyclope?dique universel du XIXe sie?cle, supple?ment 4, p. 1844 ; La Grande Encyclope?die, 29, Paris, s.d.; Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, I, n° 35, p. 192 (portrait); brochure anonyme, Jules Siegfried, s.l., 1883 (portrait); Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, 1893, p. 1438; Robert, dir., Dictionnaire des Parlementaires français comprenant tous les membres des Assemblées françaises et tous les ministres français 1789-1889, V, p. 316; L. Henrique, Nos contemporains, t. II, Paris, 1897 (portrait); Th. Valle?e, Quarante ans de vie re?publi­caine, Le Havre, 1910; P. Favre, « Jules Siegfried », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1922, p. 601-602; R. Merlin, « Jules Siegfried, sa vie, son œuvre », Le Muse?e social, juin-juillet 1923; G. Barthelme?, « Jules Siegfried », Foi et vie, fe?vrier 1937; A. Siegfried, Jules Siegfried, 1837-1922, s.l., 1942 (portraits); A. Siegfried, Mes souvenirs de la Troisie?me Re?publique. Mon pe?re et son temps, Paris, 1952 ; Cl. Fohlen, L’industrie textile sous le Second Empire, Paris, 1956; A. Siegfried, Mes souvenirs d’enfance, Bourges, 1957 ; R.-H. Guerrand, Les origines du logement social en France, Paris, 1967; M. Collos, Le commerce du coton au Havre de 1860 a? 1914, mai?trise d’histoire, Rouen, 1971 ; J.- M. Mayeur, Les de?buts de la IIIe Re?publique, Paris, 1973, p. 87, 93, 194; Jolly, dir., Dictionnaire des Parlementaires français 1889-1940, VIII, 1977, p. 3009-3010; P. Manneville, « Grands ne?gociants et industriels protestants de Normandie », in : Les protestants dans les de?buts de la IIIe Re?publique (1871-1885), Paris, 1979, p. 335-353; J. Legoy, Le peuple du Havre et son histoire : du ne?goce a? l ‘industrie, Le Havre, 1982 ; A. Gueslin, L’invention de l’e?conomie sociale. Le XIXe sie?cle franc?ais, Paris, 1987, p. 180, 268, 310; J. Barzman, Labor and Politics in France: Le Havre 1913-1923, Ph. D. Dissertation, UCLA, Los Angeles, 1987 ; J.-P. Flamand, Loger le peuple, essai sur l ‘his­toire du logement social en France, Paris, 1989 (index) ; D. Barjot (dir.), Les patrons du Second Empire, 1, Anjou, Normandie, Maine, Paris-Le Mans, 1991, p. 76-77 ; B. Yvert, Dictionnaire des ministres (1789-1989), Paris, 1990; P. Ardaillou, « L’affaire Dreyfus au Havre », Cahiers havrais de recherche historique, 1995, n° 54, p. 123-142; J. Barzman, « Entre l’e?meute, la manifestation et la concertation : la «crise de la vie che?re» de l’e?te? 1919 au Havre », Le Mouvement social, 1995, n° 170, p. 61-84 (en particulier, p. 67, 82) ; P. Manneville, « Jules Siegfried et la cre?ation du lyce?e de jeunes filles du Havre », Études normandes, 1996, n° 3, p. 55- 63; C. Chambelland, Le Muse?e social en son temps, Paris, 1998; E. Sabatier, Mme Jules Siegfried, 1848-1922, Privas, s.d.

† Raymond Oberle? et Le?on Strauss (2000)