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SCHUMAN Robert

Homme d’État, (C) (★ Luxembourg 29.6.1886 † Scy-Chazelles, Moselle, 4.9.1963). Fils de Jean-Pierre Schuman, propriétaire terrien à Evrange, Moselle, et d’Eugénie Duren, fille d’un employé des douanes luxembourgeoises qui fut muté à Kruth en 1872 après la suppression de la frontière douanière entre la partie lorraine du Reichsland et le Luxembourg, membre du Zollverein allemand. De son enfance à sa mort, Schuman garda, au-delà des relations politiques, des liens personnels très étroits avec l’Alsace, par sa parenté et ses amis d’études. Enfant, il passa fréquemment ses vacances chez une amie de sa mère, Marie Immer, à Oderen, à qui il rendit visite jusqu’à la fin des années 1950, lorsque l’occasion se présentait, par exemple en janvier 1948, lors d’un voyage officiel en tant que président du Conseil des ministres, dans la contrée ravagée par des inondations catastrophiques, ou en mai 1953, après avoir pris part à Strasbourg à une session du Centre européen de la culture et au jubilé parlementaire du député Henri Meck ©. Le 30 janvier 1948, le conseil municipal d’Oderen le nomma citoyen d’honneur. En 1910, Schuman acheva ses études de droit, commencées à Berlin, à l’Université de Strasbourg où il présenta sa thèse de doctorat, suivie d’un stage à Colmar. Strasbourg marqua une étape essentielle dans le cours de son existence, comme il le dira plus tard : «Ce sont mes amis alsaciens, au sein de l’association des étudiants catholiques Unitas, francophile, qui m’ont révélé le vrai visage de la France, que je n’ai jamais cessé de porter dans mon cœur et la profonde signification du patriotisme». Il s’en souvint lorsqu’en juillet 1948, lors de la célébration en Alsace du tricentenaire des traités de Westphalie, il cita la ville de Strasbourg à l’ordre de l’Armée avec l’attribution de la croix de Guerre 1939-1945 avec palmes. En octobre 1987, l’Université des Sciences juridiques, politiques, sociales et de technologie décida de s’appeler Université Robert Schuman. Élu député de la Moselle en 1919, département qu’il représenta au Parlement jusqu’en 1962, Schuman fut, au lendemain de la Première Guerre mondiale, membre du Conseil consultatif siégeant à Strasbourg, auprès du commissaire général de la République, puis président de la commission d’Alsace-Lorraine à la Chambre des députés. Durant l’annexion de fait, l’évasion de Schuman fut préparée par ses amis et des passeurs et résistants alsaciens. En résidence surveillée à Neustadt dans le Palatinat après 7 mois d’incarcération à Metz, à partir de septembre 1940, Schuman put rester en contact avec son ami du temps de ses études à Strasbourg, Henri Eschbach ©, autour duquel s’échafaudèrent les plans. Au printemps 1942, après l’évasion du général Giraud, entraînant une surveillance renforcée et des arrestations, une première tentative fut suspendue et plusieurs pistes durent être abandonnées. À la fin de juillet, Eschbach prévint Schuman que l’évasion était prévue pour le 1er août. Le banquier René Schlagdenhaufen, qui fut arrêté et déporté huit jours plus tard, prit Schuman en charge à Landau et l’amena par Colmar à Mulhouse d’où Raymond Anselme l’accompagna à Dolleren pour passer de l’autre côté des Vosges. À Poitiers, un autre Alsacien, le préfet Robert Holweck © le fit passer à travers la ligne de démarcation dans la zone non occupée. Au lendemain de la Deuxième Guerre, Schuman prit une part décisive à l’installation des institutions européennes à Strasbourg. Lors de la signature du traité de Londres, le 9 mai 1949, créant le Conseil de l’Europe, il appuya la proposition de son collègue britannique Ernest Bevin d’en établir le siège à Strasbourg ; une semaine plus tard, à l’invitation du FEC (foyer de l’étudiant catholique), il commenta dans un Palais des fêtes archicomble le choix de Strasbourg et les- perspectives européennes, ajoutant avec quelque malice : «Le fait qu’un Lorrain ait eu principalement à intervenir pour soutenir Strasbourg montre qu’il existe déjà un esprit européen ». Lors de l’entrée en vigueur du traité créant la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), suite au Plan Schuman annoncé le 9 mai 1950, il imposa en juillet 1952 Strasbourg comme lieu de réunion de l’Assemblée, prémices du choix, en 1958, de la ville pour l’Assemblée des Communautés européennes (CEE et Euratom) dont il fut le premier président, devenue Parlement européen. Il était grand collectionneur d’alsatiques.

Archives mairie d’Oderen ; Journal d’Alsace-Lorraine du 29.4.1949 ; Dernières Nouvelles d’Alsace et Le Nouvel Alsacien du 17.5.1949 ; R. Rochefort, Robert Schuman, 1968 ; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919-1936, Strasbourg, 1969 ; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, 1982, p. 414-415, 569, 719-724 ; Chr. Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939, Strasbourg, 1982 (index).

Alphonse Irjud et Paul Collowald (1999)