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SCHULER Jules Théophile

Artiste peintre, dessinateur et lithographe, (Pl) (★ Strasbourg 18.6.1821 † Strasbourg 26.1.1878). Fils de Daniel Th. Schuler ©, pasteur, et de Marguerite Salomé Hoh. ∞ 1872 à Neuchâtel Rose Bachelin, artiste-peintre ; 1 fille: Alsa. Élève du Gymnase protestant, puis de l’Institut Aufschlager ©, où l’un de ses cousins, Charles-Auguste Schuler, était professeur de dessin, il rejoignit en 1837 son cousin Édouard Schuler, graveur installé à Karlsruhe, pour y accomplir son apprentissage de la gravure en taille douce. En 1838 il gagna Paris en vue de le continuer chez des compatriotes alsaciens, Henri-Charles Muller © et Jean Bein ©. Avec les recommandations de Muller, il entra dans l’atelier de Michel-Martin Drolling ©, peintre de genre. Ensuite la fréquentation de l’atelier de Paul Delaroche l’incita à s’orienter vers la peinture d’histoire. Dans la capitale, Schuler habita chez une famille Le Blanc avec son compatriote Alfred Schweighaeuser ©, qui l’engagea à rejoindre les horizons romantiques de l’Alsace, le Rhin, les Vosges, les demeures médiévales. Au Salon de 1845, il exposa La construction de la cathédrale de Strasbourg, grand dessin à la plume et à l’aquarelle que Théophile Gautier remarqua, ainsi que Jocelyn qui attira l’attention de Lamartine. Après les journées de février 1848, Schuler revint à Strasbourg qu’il ne quitta plus avant 1870. Il y ouvrit une école de dessin pour dames. En 1871, après le traité de Francfort, il alla s’établir à Neuchâtel, Suisse, mais revint mourir à Strasbourg.

Parmi les thèmes les plus marquants qui ont inspiré Schuler, il y a lieu de noter tout d’abord les thèmes littéraires et historiques. À Paris, Schuler fut entraîné dans le mouvement d’art et de poésie romantique. Il brossa une imposante scène de la Jérusalem délivrée de Le Tasse, dont Théophile Gautier fit l’éloge. Il évoqua Erwin de Steinbach, Esmeralda en prison, sujet tiré de Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, Les puritains d’Amérique, d’après Cooper, Rodolphe de Habsbourg, d’après le poème de Schiller (Der Graf von Habsburg). Suivirent en 1857, L’arrivée des Zurichois et de leur soupe chaude (Hirsbrey) à Strasbourg le 20 juin 1576 ; en 1875, Les délégués suisses à Strasbourg pendant le bombardement en août 1870 ; Le Dr. Küss, maire de Strasbourg dans les ruines de sa ville. Son inspiration se situe aussi au registre du symbole, des visions étranges, du conte fantastique. Le char de la Mort (1850), aujourd’hui au musée d’Unterlinden de Colmar, est une grande toile allégorique. Cependant, aux alentours de 1860, son romantisme devint en quelque sorte moins expansif, plus intériorisé : les personnages sont en symbiose avec l’environnement forestier : Les soldats défricheurs (1860), Une halte de Polonais, Le Vendredi-Saint dans les Vosges (1865), La chute de l’ébrancheur (1864) est empreinte d’un mouvement pathétique qui l’apparente aux dessins de Gustave Doré ©. Aux peintures allégoriques et historiques s’opposent des œuvres que relatent les scènes paisibles de la vie rurale alsacienne à caractère ethnographique et folklorique. Citons Le premier-né (1859), Le dimanche après-midi à Oberseebach (1863), La promenade du dimanche soir en Alsace (Preuschdorf, 1877). Quant aux apports spécifiquement picturaux, il y a lieu de signaler sa prédilection pour les tonalités sourdes et les grisailles. C’est surtout en qualité de dessinateur et d’illustrateur que Schuler s’est distingué. Dès 1849, il a fourni les illustrations pour le Lundi de Pentecôte, comédie de Jean Daniel Arnold ©. Le même accent large et vigoureux qui les caractérise se retrouve dans les planches de I’Album des schlitteurs et bûcherons des Vosges, paru en 1853. De 1854 à 1865, il collabora au Journal de l’III, et à partir de 1860, au Magasin pittoresque. On peut dire que Schuler se consacra presque exclusivement pendant les dernières années de sa vie à l’illustration de la maison d’édition Hetzel à Paris. De 1865 à 1876, il dessina pour les deux romanciers Erckmann © et Chatrian © les scènes de 13 volumes, parmi lesquels, en 1865, Les confidences d’un joueur de clarinette ; en 1866, La maison forestière ; en 1867, L’ami fritz et Le blocus ; en 1863, L’histoire d’un paysan ; en 1872, L’histoire du plébiscite ; en 1873, Les deux frères. Cette traduction idéalisée d’une pensée, qui est en réalité une création nouvelle en regard de la création littéraire, s’affirme également avec force, dans Le maître Zaccharias, de Jules Verne, dans Les châtiments, de Victor Hugo. Toute une série de revues de jeunesse, Le chalet des sapins, de Prosper Chazel et surtout les réalisations pour son éditeur, P.-J. Hetzel ©, Les contes et récits de la morale familière, L’histoire d’un âne et de deux jeunes filles, Les patins d’argent, Le premier livre des petits enfants, L’alphabet illustré, forment une œuvre qui a recueilli les suffrages du grand public et emporté l’estime des connaisseurs. Il faut y ajouter Les travaux d’Alsa, où Schuler retraça l’enfance de sa fille, l’illustration de Marousia, de Stahl, où il est question d’une jeune fille dans un conte russe. Lamartine, Victor Hugo, Delacroix, Meissonnier, et plus tard Vincent Van Gogh ont salué en Schuler un grand artiste.

Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, IV, n° 11, p. 62 ; Annuaire du Club Vosgien, 1887, III, p. 3-14, en français et en allemand ; A. Laugel, « Théophile Schuler », Revue alsacienne illustrée, vol. III, n° 11, Strasbourg, 1901, p. 57-88, avec une liste des œuvres (p. 1 à 12) ; H. Haug, « Un romantique alsacien, Théophile Schuler », La Vie en Alsace, Strasbourg, 1928, p. 25-48 ; F. Dollinger, « À la mémoire de Théophile Schuler », L’Alsace française du 21.7.1929 ; P. Ahnne, « Les illustrateurs alsaciens d’Erckmann-Chatrian », Saisons d’Alsace, nouv. série, n° 6, 1963 ; R. Metz, « À propos de deux peintures de Théophile Schuler », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, Strasbourg, t. XIV, 1970, p. 169-176 ; idem, Les peintres alsaciens de 1870 à 1914, thèse de doctorat, Strasbourg, 1971 ; Les bûcherons et schlitteurs des Vosges, texte d’A. Michiels et dessins de Th. Schuler, Strasbourg, 1853, reprint J.-P. Gyss, 1978, avec une introduction de R. Weirich ; E. Martin, Biographie de Th. Schuler, suivie d’une première liste complète des œuvres de l’artiste (80 tableaux, 40 portraits, 150 dessins) ; Catalogue d’exposition. Un romantique alsacien, Théophile Schuler 1821-1878, Strasbourg, Château des Rohan, 7 avril-5 juin 1979, avec L’itinéraire artistique de Théophile Schuler, par J.-P. Klein, R. Metz ; François Lotz, Artistes-peintres d’Alsace vivant et œuvrant à la date du 1er janvier 1982, Kaysersberg, 1985 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1985 (1 portrait, 9 dessins).

René Metz (1999)