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SCHROEDER Christian Philippe

Pasteur agronome (★ Hatten 15.6.1748 † Schillersdorf 31.10.1807). fils de Jean Christian Schroeder, pasteur à Hatten (1745-1752), puis à Schillersdorf de 1752 à 1772. ? Sophie Pfersdorff. Élevé à Schillersdorf, il accomplit sa scolarité au collège de Bouxwiller dont il ne garda pas seulement de bons souvenirs (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2068). Après des études aux universités de Giessen et de Tübingen et un bref séjour à Pirmasens, il succéda en 1772 à son père à Schillersdorf dont il fut le pasteur jusqu’à la fin de sa vie. Au cours de ses dernières années il fut en outre à la tête du Consistoire d’Ingwiller. D’une manière détaillée, la vie de Schillersdorf à cette époque est évoquée par les propres notes de Schroeder, source incomparable, heureusement conservée. C’est une véritable «statistique»: géologie, pédologie, parcellement, outillage, cultures, mauvaises herbes, habitat, état d’esprit… (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/23). Reste à savoir dans quelle mesure le pasteur peut être crédité des progrès des paysans de sa paroisse. Certes, sa vie de Chartreux («mein Karthäuserleben ») (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/23) fut riche en initiatives, mais ces dernières ne cessèrent de se heurter à de solides obstacles. Peu après son installation, il esquissa un programme, en mettant l’accent sur la vulgarisation des découvertes faites en d’autres pays, en faisant état de quelques expériences qui lui valurent, dit-il, des émules, à propos d’un pré: irrigation, utilisation du purin, plantation de pruniers pour des raisons micro-chimiques… (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2069). C’est un voyage au Hunsruck qui permit à son père de faire connaître le trèfle et la luzerne à Schillersdorf. Seul le trèfle s’imposa, à partir de 1775, en envahissant la saison de jachère. Au regret du fils, la luzerne, à laquelle il consacra une expérience concluante, ne fut pas adoptée par les villageois, dont les propres expériences, mal conduites, ne le furent pas. Il reste que Schroeder chercha à créer une petite exploitation-modèle, non sans difficultés. Dès 1770, c’est au nom de son père qu’il chercha à arracher quelques arpents, parmi les meilleurs, aux fermiers du Wittumgut, non sans brandir des menaces (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2067). Outre les expériences consacrées aux près, à la luzerne, il rechercha, par tâtonnements, la meilleure formule pour la culture de la garance. Dès 1777, s’intéressa à l’élevage des porcs, avec la fructueuse vente de porcelets, à celle des jeunes volailles, avec des rations d’œufs cuits, de fromage blanc, etc. (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/23). Sans doute d’étroites limitations foncières ne furent-elles pas étrangères à l’acquisition du Haagholtz, bois d’une cinquantaine d’arpents, aux confins de Rothbach, malgré l’opposition de cette dernière communauté, attachée à ses droits de pâturage, et les visées de ses propres paroissiens, avides de terres. Il en devint emphytéote, par échange avec un bien apporté par son épouse. Il entreprit de défricher le Haagholtz, en envisageant d’y construire des bâtiments en pierre, en demandant l’exemption de corvée pour les hommes et les bêtes. D’une manière significative, il déclara en 1789, au cour des négociations avec la Régence de Bouxwiller, ne pouvoir entretenir son bétail à Schillersdorf en raison du coût des fourrages (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2068). En attendant, il fit au Haagholtz de nouvelles expériences : marnage, épandage de gypse et de fanes de pommes de terre sur les prés (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/23). Cette acquisition fut cependant source de problèmes, pour lui-même et ses héritiers, en raison à la fois de l’hostilité des villageois de Rothbach et du paiement du cens que réclamait par exemple le banquier Tieberghem en 1809 (Archives départementales du Bas-Rhin, 4 K 83, Notariat moderne Ingwiller II/18, 20, Bouxwiller II/22, etc.). La curiosité de Schroeder couvrait, répétons-le, un champ très large. C’est ainsi qu’il manifesta un grand intérêt pour la connaissance de la Terre, surtout la minéralogie. Il se consacra, en particulier, à des recherches de charbon, en proposant même une coupe géologique (Archives départementales du Bas-Rhin, E 1535). Il attira l’attention sur le minerai de plomb d’Erlenbach (Palatinat), pour des raisons patriotiques : «… da wir im Blutkampf um unsere Freiheit stehen… » (Archives départementales du Bas-Rhin, 1 L 1513), avec, même, un écho parisien. Il s’intéressa à un « éléphant » fossile trouvé près de Schillersdorf (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/23). L’an X, il fit part du passage d’une «espèce de corneille… oiseau du Nord et de la Sibérie » qui annonça une fois de plus « un froid vif », ce qui imposa de prendre des précautions (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/29). Longuement, il traita d’aspects sociaux, en déplorant par exemple la préférence des paysans de Schillersdorf pour les chevaux de trait, aux dépens des bœufs. Avec vigueur, il s’en prit à la culture de la garance, coûteuse, hasardeuse, épuisant les sols. Le prestige du pasteur éclairé n’empêcha par ses ouailles de consulter des « mireurs » (Archives départementales du Bas-Rhin, J 63/23). Ses relations avec les villageois ne furent pas toujours harmonieuses. En témoignent non seulement les affaires du Wittumgut (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2067) et du Haagholtz (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2068), mais aussi ses démêlés tardifs avec les fermiers du bien paroissial de la filiale de Mulhausen, auxquels il imposa, par de subtiles manœuvres, un quadruplement du fermage (Archives départementales du Bas-Rhin, 2 V 295). Il ne dédaigna pas les affaires qui ne lui réussirent pas toujours; il fut sous-fermier de la dîme à Schillersdorf et dans son voisinage, de Moyses de Bouxwiller (Notariat ancien Bouxwiller 221) et de Moch de Haguenau (Archives départementales du Bas-Rhin, 17 J 50, 52). Il fut d’ailleurs procédurier, ce qui indisposait à l’occasion la Régence de Bouxwiller. La Révolution lui permit de déployer ses talents de manœuvrier. Il fut en effet dénoncé au sujet de sa participation à la rédaction du cahier de doléances de Schillersdorf, jugé attentatoire au souverain. Il s’expliqua au sujet de plusieurs articles (fiscalité, forêts, justice…) en soulignant qu’il s’était borné à mettre en forme les doléances de ses ouailles, tout en prétendant avoir écarté plusieurs articles dans l’intérêt bien compris du souverain (Archives départementales du Bas-Rhin, E 2979).

Le contexte : J. N. Schwerz, Beschreibung der Landwirtschaft im Nieder-Elsass, Berlin, 1816, avec reproduction d’un fragment sous le titre : « Schillersdorf en 1810 : un témoignage du pasteur Schroeder », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1986 ; J. Vogt, « Les cultures à Schillersdorf au XVIIIe siècle », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1973 ; J.-M. Boehler, « Fortunes paysannes au XVIIIe siècle : le témoignage des inventaires après décès de Schillersdorf », ibidem, 1983.

Le personnage : Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959; G. J. Schaller, Standrede vor dem Sarge Herrn Christian Philipp Schroeders…, 1807 ; J. N. Schwerz, ouvr. cité, 1816 ; Fr. von Oppenau, Christian Philipp Schröder… eine biographische Skizze als Beitrag zur Entwicklungsgeschichte der niederelsässischen Landwirtschaft, Strasbourg, 1888 ; J. Vogt, « Quelques activités et problèmes du pasteur Schroeder à Schillersdorf », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1983 ; idem, Centres d’intérêt géologiques et miniers du pasteur Schroeder de Schillersdorf à la fin du XVIIIe siècle, ibidem, 1983 ; idem, « Quelques activités du pasteur Schroeder à Schillersdorf », ibidem, 135-136, 1986, p. 27-30. « Au sujet de la participation du pasteur à la rédaction du Cahier de doléances de Schillersdorf », texte de l’auteur à paraître dans Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs ; J.-M. Boehler, Une société rurale en milieu rhénan : la paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789), Presses universitaires de Strasbourg, 1994, 3 t. (index).

Jean Vogt (1999)