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SCHOEPFLIN Jean Daniel

Historien et bibliophile, conseiller et historiographe du roi, (PI) (★ Sulzburg, Bade-Wurtemberg, 6.9.1694 † Strasbourg 7.8.1771). Fils de Jean Daniel Schoepflin, maire de Sulzburg, et d’Anne Marguerite Bardolle. Célibataire. En 1707, il commença des études à l’Université de Bâle, où, sous l’influence du professeur J. Ch. Iselin (son cousin) il s’orienta vers l’histoire. Schoepflin quitta Bâle en 1711 pour s’inscrire à l’Université de Strasbourg, où il compta bientôt parmi les proches de l’historien G. Kuhn. Après la mort de Kuhn, en 1720, Schoepflin fut son successeur à la chaire d’histoire et de rhétorique. Il acquit très vite un renom dans la République des Lettres. Les universités de Francfort/Oder (1723), Uppsala (1737), Leyde (1746), l’Académie impériale de Saint-Petersbourg (1723), la Bibliothèque impériale de Vienne (1739) lui proposèrent des postes. Il déclina ces propositions ainsi qu’en 1747 celle de la cour impériale de prendre la fonction d’éducateur du futur empereur Joseph II. Lors du mariage entre Louis XV et Maria Leszcynska, qui fut célébré à Strasbourg en 1725, Schoepflin noua les premiers contacts avec les représentants de la cour de Versailles et les milieux diplomatiques du royaume. Après son premier séjour à Paris (été 1726), il entreprit un voyage littéraire à travers la France méridionale et l’Italie (1726-1727). De septembre 1727 à février 1728 nous le trouvons en Angleterre, où il accomplit sous le prétexte d’un voyage littéraire, une mission diplomatique dont il avait été chargé par la cour de Versailles. Ces voyages permirent à Schoepflin d’établir un réseau européen de relations scientifiques. Élu membre de la Royal Society de Londres (1728) et de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (1729), de l’Académie de Cortone (1737), de l’Académie impériale de Saint-Petersbourg (1741), de l’Académie de Besançon (1757) et de l’Académie de Gottingen (1764), il fut à l’époque le professeur strasbourgeois le plus connu en Europe. Ses voyages en 1731 (Pays-Bas, Pays Bas autrichiens, Paris), en 1738 (Allemagne, Bohême, Autriche), en 1746 (Paris) et en 1751 (Paris) lui donnèrent l’occasion de renouveler et d’intensifier ses contacts avec le monde des lettres ainsi qu’avec le monde des cours. Maintes fois, Schoepflin fut appelé à résoudre des questions politiques et diplomatiques. Il mena plusieurs négociations dans la région rhénane. Ainsi il servit de médiateur entre la ville de Strasbourg et le margrave de Baden-Baden (en 1738), entre l’évêque de Strasbourg et la cour impériale (en 1738), entre la ville de Bâle et le margrave de Bade-Durlach (en 1756) ainsi qu’entre la France et le même prince (en 1762). En 1734, il soutint par un traité (Les Armes du Roy…) les positions de Versailles dans la guerre de succession polonaise. Il fut nommé, en 1740, conseiller et historiographe du roi. Grâce à ces relations parisiennes et versaillaises, Schoepflin réussit, en 1751, à contrer une initiative du préteur Klinglin © qui voulait changer le caractère luthérien de l’Université. De plus, il contribua à faire tomber le préteur. À partir de 1752, il était parvenu à Strasbourg à une position exceptionnelle autant dans l’Université que dans le monde des notables. Depuis des années, il avait su attirer des étudiants nobles étrangers. En créant, en 1752, l’école diplomatique de Strasbourg, il put donner à leurs études une organisation particulière. Soutenue par le ministre Choiseul, cette institution fut, jusqu’à la Révolution, un centre unique en France de formation des élites politiques européennes. Dirigée après la mort de Schoepflin par son ancien disciple Chr. G. Koch ©, l’école diplomatique dispensa un enseignement moderne de droit international et d’histoire. À l’Université de Strasbourg, Schoepflin était devenu également le père d’une école historique qui contribua à la formation des historiens Chr. G. Koch, déjà mentionné, Chr. F. Pfeffel, A. Lamey et J. M. Lorenz. Fort de la coopération de Lamey, Schoepflin a fondé, en 1763, l’Académie électorale de Mannheim, qui obtint par ses recherches historiques et météorologiques une considération internationale. Lorsque Coblenz se proposa de rétablir les lettres dans les Pays-Bas autrichiens, Schoepflin lui conseilla, en 1767, de créer une Académie à Bruxelles selon le modèle de celle de Mannheim. Les travaux historiques de Schoepflin sont maintes fois cités dans l’Encyclopédie de Diderot comme ouvrages de référence. Ses bonnes relations avec la cour de Versailles, avec les notables en Alsace et avec les cours rhénanes lui permirent d’accéder à des archives qui n’étaient pas accessibles à d’autres historiens de son époque. Son Histoire d’Alsace (Alsatia illustrata, 2 vol., 1751-1761) et son Histoire du margraviat de Bade (Historia Zaringo-Badensis, 7 vol., 1763-1766) sont les premiers ouvrages sur ces pays qui s’appuient sur des enquêtes systématiques des sources (monuments, diplômes, manuscrits). L’édition de I’Alsatia diplomatica (2 vol., 1772-1775) en est la meilleure preuve. En ce sens, Schoepflin est un précurseur de l’historiographie érudite du XIXe siècle. Ses livres sur l’histoire des Celtes (Vindiciae Celticae, 1754) et sur l’origine de l’imprimerie (Vindiciae Typographicae, 1760) sont révélatrices des discussions de l’époque. Ses œuvres, élaborées selon la méthode mathématique, sont un produit du XVIIIe siècle, mais écrit dans le latin élégant de l’humanisme tardif. Schoepflin grand médiateur scientifique, notamment entre la France, l’Allemagne et la Suisse. Il sut établir un grand réseau de correspondances à travers l’Europe et il entretint des relations avec de nombreux membres de la République des Lettres. Voltaire, par exemple, profita beaucoup, à partir de 1753, des connaissances du professeur et fit imprimer les Annales de l’Empire chez le frère de Schoepflin à Colmar. Schoepflin fut un grand amateur de livres. Sa bibliothèque privée, spécialisée surtout dans le domaine historique comportait environ 10 000 volumes. De plus, il créa un musée archéologique. Pour garantir la continuité de ces établissements, il en fit donation à la ville de Strasbourg en 1765. Mais la guerre franco-allemande de 1870-1871 a détruit, entre autres, ce patrimoine d’histoire alsacienne. Goethe, étudiant à Strasbourg en 1770-1771, a laissé dans son autobiographie Dichtung und Wahrheit un excellent portrait littéraire de Schoepflin.

Les Armes du Roy justifiées contre l’apologie de la Cour de Vienne, s. l., 1734; Commentationes historicae et criticae, Bâle, 1741; Alsatia illustrata, 2 vol., Colmar 1751-1761; Vindiciae celticae, Strasbourg, 1754; Vindiciae typographicae, Strasbourg,
1760; Historia Zaringo-Badensis, 7 vol., Karlsruhe, 1763-1766; Opera oratoria, 2 vol., Augsburg, 1769; Alsatia diplomatica, 2 vol., Mannheim, 1772-1775; J. J. Oberlin, Museum Schoepflini, Strasbourg, 1773; L. W. Ravenez (trad.), L’Alsace illustrée, 5 vol., Mulhouse, 1849-1852 (réimpr. Paris 1974); R. Fester (éd.), Johann Daniel Schoepflins brieflicher Verkehr, Tübingen, 1906; J. Voss (éd.), J. D. Schöpflins wissenschaftliche und diploma- tische Korrespondenz (à paraître, avec une liste chronologique de toute la correspondance publiée).

Ch. Pfister, Jean Daniel Schoepflin, Paris/Nancy, 1888; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 715-716; J. Voss, Universität, Geschichtswissenschaft und Diplomatie im Zeitalter der Aufklärung: Johann Daniel Schöpflin (1694-1771), Munich, 1979; B. Vogler, J. Voss (éd.), Strasbourg, Schoepflin et l’Europe au XVIIIe siècle, Bonn, 1996.

Portraits: de Hayd dans: Brucker, Bildersaal 1746; de Heilmann dans: Musée Unterlinden de Colmar; de Verhelst, gravure sur cuivre (vers 1764); tombeau et monument de Schoepflin faits par Schlosser dans l’église Saint-Thomas de Strasbourg.

Jürgen Voss (1999)