Commissaire de police, (PI) (★ Eckbolsheim 11.10.1827 † Nancy 5.12.1900). Fils de Philippe Schnaebelé, instituteur, plus tard commissaire de police à Sélestat, puis à Strasbourg-La Robertsau (dont quatre fils devinrent commissaires de police) et de Barbe Rieffel. ∞ Marguerite Gerst; 7 enfants. Études à l’École normale de Strasbourg jusqu’en 1849. Instituteur, puis professeur à l’École professionnelle de Mulhouse. À la suite d’une correction trop forte infligée à un élève, il dut quitter l’enseignement. Il entra dans la police vers 1860 en qualité de commissaire au pont du Rhin à Neuf-Brisach (au pont de Kehl selon une autre source). Il occupa ensuite des postes de commissaire de police spéciale à Sarreguemines, à Mayenne, enfin à Thionville (1865-1870). Il accompagna Benedetti, ministre de France en Prusse, lors des entrevues d’Ems en juillet 1870, puis servit d’agent de liaison entre Mac-Mahon et Bazaine. Après la guerre de 1870, il refusa l’offre des Allemands de rester à son poste à Thionville. Il opta pour la France et fut nommé à Bellegarde, puis à Audun-le-Roman. Il fut enfin muté à Pagny-sur-Moselle, Meurthe-et-Moselle, sur la frontière allemande. Dans ce poste, il collabora efficacement avec la police allemande en arrêtant à plusieurs reprises des personnages dangereux pour des faits commis en Lorraine annexée. Mais il fut soupçonné à juste titre d’espionnage par les autorités allemandes: en effet, il se rendait de temps en temps à Metz pour y recueillir des renseignements militaires provenant de deux agents des services français, Martin Grebert, fabricant à Schiltigheim, et Tobie Klein, agent commercial à Strasbourg; une perquisition au domicile de ce dernier fit découvrir des lettres de Schnaebelé. Un mandat d’amener fut décerné secrètement contre lui par la cour d’Empire de Leipzig, avec l’accord du secrétaire d’État à la Justice Schelling et du chancelier Bismarck. Son collègue allemand, Gautsch, d’Ars-sur-Moselle, lui-même d’origine alsacienne, l’attira dans un guet-apens en l’invitant le 20 avril 1887, sur la frontière à Novéant, sous prétexte de constater le renversement d’un poteau-frontière. Dès son arrivée, Schnaebelé y fut appréhendé par des policiers allemands et écroué à Metz, puis conduit à Leipzig. L’émotion provoquée par cet enlèvement fut immense. Au conseil des ministres français du 23, le président du Conseil Goblet et le général Boulanger, ministre de la Guerre, réclamèrent l’envoi d’un ultimatum au gouvernement allemand et la mobilisation des troupes de couverture, solution que le président de la République Grévy et le ministre des Affaires étrangères Flourens firent écarter au profit d’une simple demande d’explication sur cette violation du droit international. Ils condamnèrent l’utilisation de fonctionnaires pour des besognes d’espionnage. Bismarck jugea préférable de céder. Schnaebelé fut libéré le 30. L’affaire retentit profondément dans l’opinion française: elle contribua à envenimer durablement les rapports franco-allemands et à donner à Boulanger l’aura du « général Revanche », seul défenseur de l’honneur national. Schnaebelé « qui avait eu, durant sa détention, une attitude très faible », fut muté à Laon. Son plus jeune fils, âgé de 16 ans, fut arrêté et condamné à Metz le 9 septembre 1887 pour avoir affiché des placards anti-allemands à Cheminot (Lorraine annexée), mais fut rapidement gracié par l’empereur. Après son départ à la retraite le 4 mai 1888, Schnaebelé se retira à Nancy, où il enseigna l’allemand à l’École professionnelle de l’Est jusqu’en 1896. Chevalier de la Légion d’honneur (1877).
Archives nationales, F7 12572, 12641; Archives départementales du Bas-Rhin, 29AL11; Archives de Meurthe-et-Moselle, 4M; La Grande Encyclopédie, t. 29, Paris, s. d.; Journal d’Alsace-Lorraine des 10.2.1877, 16.4.1886, 24 et 26.4.1887; Le Figaro du 23.4 au 17.5.1887; Landeszeitung für Elsass-Lothringen du 23. 9. 1887; E. Clunet, Questions de droit relatives à l’incident franco-allemand de Pagny, Paris, 1887; L. Goulette, Avant, pendant et après l’affaire Schnaebelé, Paris, 1887; Landesverratsprozess gegen Klein und Genossen (der sog. Schnaebele-Prozess), Leipzig, 1887; Journal d’Alsace-Lorraine du 8.12.1900; Strassburger Bürgerzeitung du 8.12.1900; La vie nouvelle du 22. 12. 1900; E. Lavisse (dir.), Histoire de la France contemporaine, 8, Paris, 1921, p. 123, 299; H. Trützschler, Bismarck und die Kriegsgefahr vom Jahre 1887, Berlin, 1925; « Ce qu’on a appelé l’incident Schnaebelé », Dernières Nouvelles de Strasbourg du 28.4. 1927; R. Goblet, « Souvenirs de ma vie politique », Revue politique et parlementaire du 10.11.1928, p. 177-197; Journal d’Alsace-Lorraine du 18.4.1929; C. Vergniol, « L’affaire Schnaebelé », Revue de France, 1929, p. 406-425 et 645-668; F. Lechat, « Der Fall Schnaebelé nach den französischen Akten », Strassburger Neueste Nachrichten du 8.2.1935; C. Appuhn, « Un dossier allemand sur l’affaire Schnaebelé », Revue historique, 1937, p. 292-298; Documents diplomatiques français (1871-1914), 1ère série, t. 6; P. Renouvin, Histoire des relations internationales, VI, Paris, 1953, p. 61-62; P. Albert, La presse française et la crise franco-allemande de 1887, mémoire DES, Paris, 1954; G. Imann-Gigandet, « L’affaire Schnaebelé et l’Alsace-Lorraine », Annales de l’Est, 1963, p. 187-220; J. Néré, Le Boulangisme et la presse, Paris, 1964, p. 34-38; R. Johannet, Schnaebelé, Eichmann, Argoud, Écrits de Paris, n° 223, 1964, p. 127-129; F. Roth, « En marge de l’affaire Schnaebelé », Les cahiers lorrains, 1966, 4, p. 109-111; J. Defrasne, « L’armée française à l’époque de l’affaire Schnaebelé », Revue historique de l’armée, 1973, 2 ; Encyclopédie Universalis, 20, 1975, p. 1744; F. Roth, La Lorraine annexée (1870-1918), Nancy, 1976; L. Gall, Bismarck, trad. fr., Paris, 1984, p. 660; J. Garrigues, Le général Boulanger, Paris, 1991, p. 84, 85, 108, 125, 242. Photographie au Musée lorrain, Nancy.
Léon Strauss (1999)