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SADRON Charles

Physicien (★ Cluis, Indre, 12.2.1902 † Orléans, Loiret, 5.9.1993). Après des études au lycée de Poitiers, il passa l’agrégation de physique en 1936 et enseigna d’abord au lycée de Troyes, puis au lycée Kléber à Strasbourg. Tout en assurant ses tâches d’enseignement, il prépara une thèse sur les propriétés magnétiques des métaux au laboratoire de l’Institut de physique de l’Université, dirigé par Pierre Weiss ©. Ce laboratoire était l’un des rares laboratoires de renommée internationale en province. Il soutint sa thèse en 1932, thèse publiée la même année aux Annales de physique. Dès la fin de sa thèse, Sadron se lança dans une toute autre direction et fut nommé chargé de cours en mécanique des fluides, car un enseignement et un laboratoire de recherches dans ce domaine venaient d’être crées à Strasbourg, grâce à l’aide du ministère de l’Air. En 1936, on lui proposa de faire un stage dans un des laboratoires les plus célèbres de cette discipline, celui de mécanique des fluides du « California Institute of Technology » dirigé par le professeur von Karman, laboratoire où il passa 18 mois. Ce type de séjour qui, à l’heure actuelle est fréquent, était très rare à cette époque et ouvrit à Sadron des vues sur l’organisation de la recherche complètement inconnues dans l’université française. Ses recherches portaient sur la forme des écoulements d’un fluide au voisinage d’une paroi. Pour les étudier commodément, Sadron mit au point une méthode optique de mesure de l’anisotropie du liquide et, pour cela, chercha des liquides présentant dans l’écoulement une biréfringence importante. Cela le conduisit aux macromolécules qui, vu leur forme en long filament, avaient les propriétés qu’il recherchait. Il passa ainsi de la mécanique des fluides à l’étude des macromolécules aussi bien naturelles, tel l’acide désoxyribonucléique et la cellulose, que synthétiques, matières plastiques, caoutchoucs et fibres synthétiques. C’est à cette époque qu’il conçut le projet, qui devait l’occuper pendant de longues années, de créer un grand laboratoire consacré aux macromolécules naturelles et synthétiques, car il pensait que la physique devait apporter des éléments de compréhension que la chimie ne pouvait fournir. Il discuta de ce projet longuement avant la Deuxième Guerre mondiale et entama dans ce domaine des collaborations avec des laboratoires étrangers, utilisant ses techniqueshydrodynamiques, pour étudier les acides nucléiques et les celluloses. Malheureusement cela resta à l’état de projet, car la guerre de 1939-1945 entraîna le repli de l’Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand; il fut déporté avec de nombreux collègues strasbourgeois pris par les Allemands le 23 novembre 1943. Il travailla à la mise au point des V2 (qu’il sabotait astucieusement) dans le camp de concentration de Dora. De retour à Strasbourg, il reprit son projet et, avec l’aide du CNRS s’investit dans la construction du laboratoire de ses rêves. Ce fut d’abord le Centre d’études de physique macromoléculaire, puis, en 1954, le Centre de recherches sur les macromolécules avec trois sections: une de chimie, travaillant essentiellement sur les matériaux synthétiques, une de biologie consacrée aux acides nucléiques et une de physico-chimie caractérisant ces deux types de molécules par des méthodes très fines. Le dynamisme de Sadron, ses dons d’entraîneur d’hommes et l’enthousiasme qu’il manifestait pour ces nouveaux domaines furent à l’origine du développement rapide de cet Institut et de sa réputation internationale. Il apparut cependant que l’étude des polymères biologiques et celles des polymères synthétiques divergeaient et Sadron, de plus en plus intéressé par les problèmes de la vie, orienta ses efforts vers la biologie lui consacrant de plus en plus d’efforts et lui réservant la majeure partie de son activité scientifique. C’est à cette époque qu’il fut nommé professeur au Muséum d’histoire naturelle (1958) où, à côté du CRM, il dirigea un laboratoire axé sur la biologie. Il fut également nommé membre du Conseil des Sages, assemblée d’une douzaine de scientifiques chargés de proposer au gouvernement du général de Gaulle une nouvelle organisation de la science française, ceci afin d’améliorer son efficacité et de rehausser ainsi son prestige international. Certaines de ses propositions ont conduit à des mesures qui sont toujours en usage. Le laboratoire de biophysique moléculaire était toujours l’institut dont il rêvait. Le CNRS endossa ce projet et un grand laboratoire de biophysique fut créé à Orléans en 1967 et Sadron en fut l’organisateur et le premier directeur. Il y rassembla une équipe de biophysiciens de valeur et en assura la direction jusqu’à sa retraite. Après cette dernière il continua à se passionner pour les travaux qui s’y poursuivaient et adorait discuter avec des chercheurs des résultats scientifiques dont l’interprétation posait des problèmes. On lui doit à Strasbourg la création d’un centre qui a joué et qui joue encore un rôle important dans la vie scientifique locale et, par son action dans l’administration de la science au niveau national, il a eu une influence certaine, sur le développement au plan de Strasbourg mais aussi au niveau national.

De l’université aux camps de concentration : témoignages strasbourgeois, Presses universitaires de Strasbourg, 1947. Dynamic aspect of conformation changes in biological macromolecules, Reidel, 1973.

Henri Benoit (1998)