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RUCH Charles Joseph Eugène

Évêque de Strasbourg, (C) (★ Nancy 24.9.1873 † Strasbourg 30.8.1945). Fils de Frédéric Chrétien Ruch, (Pl), commerçant, et de Thérèse Gschwend (C). Après des études au petit séminaire de Pont-à-Mousson et au Grand Séminaire de Nancy, il fut ordonné prêtre le 11 juillet 1897. Poursuivant des études à l’Institut catholique de Paris, il obtint le doctorat en 1898 et devint successivement professeur de théologie dogmatique au Grand Séminaire de Nancy de 1898 à 1907, vicaire général du diocèse à partir de 1907, coadjuteur de l’évêque de Nancy en 1913, aumônier militaire pendant la Première Guerre mondiale. Le 26 octobre 1918, il succéda à Mgr Turinaz à la tête du diocèse de Nancy. Nommé évêque de Strasbourg le 1er août 1919, après la démission de Mgr Fritzen © et, à l’issue d’un bras de fer opposant Georges Clemenceau, qui le patronnait, au Saint-Siège, il prit possession du siège épiscopal le13 octobre 1919, après avoir été accueilli à Sarrebourg par le commissaire général de la République, Alexandre Millerand ©. Il fit tout de suite preuve de sentiments patriotiques, déploya une grande activité pastorale et dut faire face à une situation politique complexe. Dès son arrivée et pendant 20 ans, Mgr. Ruch sillonna l’Alsace dans sa bugatti, offerte par l’entreprise de Molsheim, confirmant même dans les petites paroisses, revenant plusieurs années de suite, bénissant des cloches et des orgues. S’il s’exprimait maladroitement en allemand, la population ne lui tint pas rigueur de la méconnaissance de cette langue, contrairement à une partie assez importante de son clergé. Sous son épiscopat, le diocèse connut un véritable âge d’or en termes de vocations sacerdotales : en 1936 par exemple, Mgr Ruch ordonna 119 nouveaux prêtres, 35 pour le clergé diocésain, 84 pour des ordres ou congrégations — l’Alsace comptait à cette époque une quinzaine d’évêques missionnaires, une douzaine de préfets apostoliques, plus de 1000 missionnaires et 300 religieuses répartis dans le monde entier. L’évêque ne ménagea pas sa peine pour former son clergé, venant au moins une fois par mois faire une conférence spirituelle au Grand Séminaire. Ce brusque accroissement de prêtres nécessita la construction de bâtiments, à La Robertsau, pour un internat de séminaristes. Le petit séminaire de Zillisheim subit aussi des transformations. Ces frais, ajoutés aux dépenses consacrées au Mont-Sainte-Odile, cher à l’évêque, qui y introduisit en 1931 l’adoration perpétuelle par des groupes d’hommes, obérèrent les finances du diocèse, provoquant la désapprobation du vicaire général Georges Jost ©. Sur le plan politique, il s’opposa de toutes ses forces au Cartel des Gauches, lorsque Édouard Herriot voulut introduire en Alsace l’ensemble de la législation républicaine, en sollicitant l’appui de l’épiscopat français et surtout en demandant, le 22 juin 1924, à ses diocésains de signer une pétition et appela à la grève scolaire en faveur du maintien du statut scolaire local. Après la chute du gouvernement Herriot le 10 avril 1925, Raymond Poincaré © renouvela l’assurance que le statut des cultes et celui des écoles ne serait pas modifié. En septembre 1924, Mgr Ruch interdit à ses fidèles la lecture des journaux « qui se proclament eux-mêmes anticléricaux, qui se disent neutres, mais qui, en fait, s’engagent aux côtés de ceux qui luttent pour l’introduction des lois laïques en Alsace », visant ainsi les Dernières Nouvelles de Strasbourg et de Colmar. En 1926, il condamna l’organe autonomiste Die Zukunft. Il intervint à nouveau en 1936, lorsque le gouvernement Léon Blum voulut prolonger d’une année la scolarité dans les trois départements, projet interprété comme une remise en cause du statut scolaire local. Une nouvelle pétition massive contre ce projet s’ensuivit, le peuple catholique appuya son évêque. Quand la crise autonomiste divisa le parti catholique alsacien, la
majorité du clergé resta fidèle à l’UPR (Union populaire républicaine) régionaliste et une minorité soutenue par l’évêque se rallia à l’APNA (Action populaire nationale d’Alsace) « parti politique national qui veut servir la France » ; il recommanda le nouveau quotidien Le Messager d’Alsace par une lettre publiée à Noël 1928 dans le premier numéro. En 1929 des prêtres et des laïcs alsaciens intervinrent à Rome pour se plaindre de l’attitude de l’évêque à l’égard de l’UPR et critiquer ses prises de fonction. Les oppositions ne se tassèrent qu’à partir de 1936. La déclaration de guerre en septembre 1939 entraîna l’évacuation du tiers de la population du diocèse dans le Sud-Ouest. Mgr Ruch partagea son ministère entre la région d’accueil et l’Alsace. Le 14 juin 1940, il quitta l’Alsace à la demande des autorités civiles et militaires, quelques jours avant l’entrée des troupes allemandes à Strasbourg. Ce départ fut considéré par d’aucuns comme une fuite, alors que l’administration allemande s’opposa à son retour. Sous l’annexion de fait, le diocèse fut administré par le vicaire général Théodore Douvier ©. L’exil de quatre années à Trélissac, près de Périgueux, vieillit prématurément le prélat, de santé fragile ; cependant il s’opposa avec constance et énergie aux démarches et pressions de l’envoyé du Gauleiter et aux injonctions du gouvernement de Vichy, en vue de la remise du trésor de la cathédrale et des biens cultuels des paroisses, évacués en 1939. Il fallut un ordre personnel de Hitler pour venir à bout de sa résistance ; en mai 1943, les biens furent enlevés par la force de divers châteaux du Périgord et rapatriés en Alsace. Dans une lettre au chef du gouvernement de Vichy et au nonce, l’évêque protesta avec véhémence contre « ce rapt commis par l’envoyé de l’Allemagne flanqué de policiers, soldats et crocheteurs ». De retour à Strasbourg, au début de décembre 1944, Mgr Ruch reçut en mai 1945, un coadjuteur, Mgr Jean-Julien Weber ©. Il décéda et fut inhumé dans la crypte de la cathédrale, mais son cœur fut transféré au Mont Sainte-Odile.
Mgr Ruch a rédigé plusieurs articles dans le Dictionnaire de théologie catholique, notamment « Baptême d’après le Concile de Trente », « Confirmation dans la Sainte Écriture », « Extrême Onction du Ier au IXe siècle », « Eucharistie d’après la Sainte Écriture », « Messe dans l’Écriture », « Patrie ». Outre ses mandements, il a publié quelques opuscules comme Jeanne d’Arc libératrice d’Alsace-Lorraine, Orléans, 1925 ; Oraison funèbre de S. E. Mgr Jean Baptiste Pelt, Metz, 1937 ; Alsaciens, fraternisons, Strasbourg, 1945.
Archives de l’archevêché de Strasbourg, dossier Ruch ; E. Badel, Les évêques de Nancy. Mgr Charles Ruch, coadjuteur de Mgr Turinaz, Nancy, 1913 ; E. Bonfils-Lapouzade, Quelques souvenirs sur Mgr Ruch, Nancy, s.d. ; P. de Quirelle, La situation en Alsace et en Lorraine, t. 2, Le déclin de l’autonomisme. L’évêque de Strasbourg, Paris, 1927 ; Elsässer Bote du 9.2.1931 ; Le Courrier de Genève du 14.5.1944 : protestation solennelle de Mgr Ruch contre l’enlèvement des biens du diocèse de Strasbourg ; Le Nouvel Alsacien des 30.8.1945, 5.9.1945, 9.9.1945, 6.7.1946, 29.8.1970 ; Honneur et Patrie du 7.9.1945 ; L’Ami du peuple du 9.9.1945 ; G. Chevrot, Notice sur la vie et les travaux de Charles Ruch, lue dans la séance du 22 novembre 1948, Paris, 1948 ; P. Lorson, Charles Ruch évêque de Strasbourg, 1948 (fondamental), paru en version allemande, Charles Ruch, Bischof von Strassburg, Strasbourg-Paris, 1951 ; Le Nouveau Rhin Français du 29.8.1955 ; Encyclopédie Catholicisme X, c. 1431 ; L’Alsace des 19 et 20.8.1970 ; L. Bourgeois, « À la mémoire de Mgr Ruch », La voix de l’Église en Agenais, 1970 ; C. Baechler, Le parti catholique alsacien (1890-1939). Du Reichsland à la République jacobine, Paris, 1981 ; R. Epp, « L’Alsace redevenue française (1918-1940) », Histoire du diocèse de Strasbourg, sous la direction de F. Rapp, Paris, 1982, p. 270-288 et 300-303 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1985, p. 6550-6551 ; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 366- 369 ; C. Baechler, « Les relations entre Mgr Ruch et le clergé alsacien lors de la crise autonomiste de 1925-1929 vues à travers un mémorandum de décembre 1929 », Archives de l’Église d’Alsace, t. 44, 1985, p. 297-320 ; Cl. Muller, « L’opinion du vicaire général Jost sur Mgr Ruch », Archives de l’Église d’Alsace, t. 46, 1987, p. 337-344 ; R. Epp, M. Lienhard, F. Raphaël, Catholiques, Protestants, Juifs en Alsace, Alsatia, 1992 ; A. Irjud, « Le retour des biens cultuels 1940-1944 », Revue d’Alsace, n° 120, 1994 ; Y. Bisch, Écoles d’Alsace. Les leçons de l’histoire, Éditions du Rhin, 1996, p. 149-156 ; A. M. Rabcewicz, Marthe North-Siegfried, 1866-1939, une Strasbourgeoise entre philanthropie et épanouissement intellectuel, mémoire de maîtrise en histoire, 1997, p. 60 (formation en 1922 sous l’égide de l’évêque d’un comité « pour les affamés de Russie »).

Claude Muller (1998)