Député (★ Mulhouse 17.12.1908 † Strasbourg 28.11.1973). Fils d’Ernest Rosenblatt, cheminot, et d’Albertine Kappler, femme de ménage, ∞ à Mulhouse 30.7.1932 Anne Élisabeth dite Élise Kaufmann (★ Bâle 26.3.1900 † Strasbourg (11.3.1986), ouvrière du textile. Le jeune Rosenblatt entreprit, en 1923 un apprentissage de serrurier à la Manurhin, puis exerça divers métiers à Mulhouse et dans diverses régions de « l’intérieur » de la France. Il fut l’un des fondateurs du syndicat du bâtiment CGTU de Mulhouse en 1927. Après son service militaire en 1929-1930, il dirigea une grève en 1932 et fut arrêté à cette occasion, mais libéré à la suite d’une manifestation des grévistes. Dirigeant du comité des chômeurs du Haut-Rhin, il devint permanent de son syndicat avec le titre de président jusqu’au début de 1936 et membre du bureau de l’Union locale unitaire. Membre du parti communiste SFIC (Section française de l’internationale communiste) depuis 1932, il suivit les cours de l’École léniniste internationale à Moscou en 1934-1935 sous le pseudonyme d’Ernest Romain. Il s’établit à Strasbourg en décembre 1935 pour y occuper les fonctions de secrétaire de la région communiste d’Alsace. Peu après, au congrès de Villeurbanne, il fut élu membre suppléant du Comité central du PCF. Il y déclara que les communistes d’Alsace continueraient à faire une politique spécifiquement alsacienne, allant jusqu’au séparatisme. Il fut titularisé au congrès d’Arles en décembre 1937, où il prit la parole pour évoquer les aspirations particulières du « peuple alsacien et lorrain », tout en soulignant que l’unique garantie de son salut résidait, dans son union avec le peuple de France. En avril 1939, il fut candidat à l’élection législative partielle de Mulhouse et il se désista au second tour en faveur du socialiste Jean Wagner ©. Il était également directeur politique de l’édition allemande de L’Humanité, publiée à Strasbourg et dont le rédacteur en chef était le mystérieux Lucien lltis ©. Mobilisé en 1939-1940, il rentra sur l’ordre du parti clandestin de Dordogne en Alsace annexée. Quelques heures après son arrivée à Strasbourg, le 23 septembre 1940 il fut arrêté par la Gestapo, interné au camp de Schirmeck, puis déporté le 25 mars 1941 au camp de concentration de Dachau. Il y participa à l’organisation communiste clandestine.
Rapatrié à Strasbourg le 14 mai 1945, il prit le secrétariat de la fédération du Bas-Rhin (jusqu’en mars 1950, où il fut remplacé par Alphonse Boosz ©) et à la direction politique de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine. Par contre, accusé par un dirigeant de l’organisation communiste internationale de Dachau de sympathie pour le trotskysme, il ne fut pas réélu au Comité central par le Congrès de juin 1945. Tête de la liste communiste, élu avec 13,4% des suffrages exprimés à la première Assemblée constituante en octobre 1945, il représenta le Bas-Rhin au Palais Bourbon jusqu’au 2 janvier 1956. Il y intervint en janvier 1946 en faveur de l’introduction des lois laïques en Alsace et en Moselle. Par contre, il se prononça en 1948 pour l’abrogation des dispositions restrictives sur l’usage de l’allemand dans la presse régionale introduites à la Libération. Il déposa par la suite sans succès plusieurs propositions de lois sur l’introduction du bilinguisme dans les écoles et la vie publique des trois départements. Lors du débat de juillet 1946 sur les Alsaciens et Lorrains incorporés de force dans l’armée allemande retenus en URSS, il rejeta la responsabilité de cette situation dramatique sur ceux qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain comme Henri Meck © ou ceux qui, à la radio de Londres, avaient « préconisé la soumission ou la désertion au lieu d’appeler à la formation de détachements de partisans sur le sol national ». La question des « prétendues disparitions en Union Soviétique » n’était, selon lui, qu’un prétexte servant à la « préparation à la guerre ». Le 30 novembre 1947, il s’adressa du balcon de l’Humanité à des manifestants venus exprimer leur sympathie au journal dont une édition spéciale venait d’être saisie par la police en dénonçant la « politique boche » du gouvernement Robert Schuman. Le 3 décembre 1948, il protesta à l’Assemblée nationale contre une déclaration d’anciens nazis en zone d’occupation américaine qui auraient réclamé le retour de l’Allemagne à ses frontières de 1914, donc la réannexion des trois départements ; il reprocha au gouvernement Queuille de ne pas avoir réagi et quitta la tribune en chantant « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ». En février 1953, il fut le seul parlementaire alsacien à ne pas voter l’amnistie des treize Alsaciens incorporés de force dans la Waffen-SS qui avaient participé au massacre d’Oradour et qui venaient d’être condamnés à l’issue du procès de Bordeaux. Le mois suivant, il prit une part importante dans la procédure d’exclusion du parti contre Albert Erb et Léonard Keim ©, qui avaient désapprouvé l’attitude du PCF dans cette affaire. Le 7 novembre 1956, tandis qu’il gardait les locaux strasbourgeois du parti, assiégés à la suite des événements de Budapest, des manifestants, étudiants pour la plupart, saccagèrent son appartement : une partie du mobilier fut incendié après avoir été jeté dans la rue. Après sa retraite, Rosenblatt présida la commission départementale des retraités CGT et représenta la CGT au Conseil d’administration de la Caisse régionale d’assurance-vieillesse. Il était également président de la section du Bas-Rhin du Mouvement de la Paix.
Archives départementales du Bas-Rhin, D 286 (348) ; autobiographie manuscrite, 1971 ; questionnaire rempli par son fils en novembre 1981 ; témoignage d’Alphonse Boosz, secrétaire fédéral à l’organisation, puis premier secrétaire fédéral du Bas-Rhin ; archives du Komintern, CRCEDHC, Moscou, 490 270 251.
Humanité, Strasbourg, 1936-1939 ; Humanité d’Alsace et de Lorraine (1944-1958), puis Humanité Sept Jours, Strasbourg, (1959-1973) ; L’Alsace du 1.12.1973 ; Le Monde du 30.11.1973 ; Huma 7 jours des 27.11.1975 (photo), 24.6.1977, 25.11.1983 ; Dernières Nouvelles d’Alsace du 13.3.1986 ; G. Heumann et M. Rosenblatt, « Les répercussions d’octobre en Alsace et en Lorraine », Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, 1967, n° 7/8 ; B. Reimeringer, « Un communisme régionaliste ? Le communisme alsacien », in G. Livet et Chr. Gras (dir.), Régions et régionalismes en France du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, 1977, p. 361-392 ; L. Adam, Histoire du parti communiste en Alsace de la Libération à 1958, maîtrise, Strasbourg II, 1981 ; Ch. Frantz, « Parti communiste », Encyclopédie de l’Alsace, X, p. 5859-5866 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, 1986, p. 6509 ; L. Strauss, « L’Alsace-Lorraine », in J.-P. Rioux, etc… (dir.), Les communistes français de Munich à Châteaubriant, Paris, 1987, p. 369-387 ; Maitron, dir., Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, XL, 1991, p. 306-308, et XLIV, 1997, p. 370-372.
Plusieurs photos inédites dans l’article de Christine Frantz.
Léon Strauss (1998)