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ROHMER Paul

Pédiatre, (C) (★ Huttenheim 1.11.1876 † Strasbourg 4.3.1977). Fils d’Albert Rohmer, agriculteur, et de Marie Metz. ∞ 8.2.1904 à Strasbourg Marie Louise Kieffer ; 3 enfants. Études secondaires au collège épiscopal de Strasbourg et
médicales à Wurzbourg et Strasbourg. Ses premières recherches lui permirent de découvrir qu’il existe dans le cœur et les artères de certains malades des cellules osseuses (métaplasie osseuse cardio-vasculaire). Il soutint sa thèse en novembre 1901. En 1902, il devint assistant à l’Institut d’anatomie pathologique du professeur von Recklinghausen ©. Après son mariage, il exerça la médecine générale à Niederbronn (1905) avant de reprendre une carrière universitaire à la clinique infantile de Cologne (1908). Il y obtint le titre de Privatdozent. Il compléta sa formation en biologie, en chimie et en bactériologie. Cela lui permit, après la Première Guerre mondiale, de faire connaître aux pédiatres français l’esprit biologique de la pédiatrie allemande. À la veille de cette guerre mondiale, il s’établit à Marbourg où Emil von Behring était à la recherche d’un vaccin contre la diphtérie, avec l’espoir d’y obtenir la création d’une chaire de médecine infantile. Au début de la guerre, il fut incorporé comme simple médecin de bataillon. Il refusa de signer le « manifeste des quatre-vingt-treize » intellectuels allemands et fut muté à l’hôpital militaire de Metz. Ce texte discréditait les savants français qui avaient dénoncé la barbarie de l’armée allemande à Louvain en août 1914. Rohmer approuvait ces savants. On ne lui en fut guère reconnaissant en 1919. Le doyen Georges Weiss © recrutait alors des professeurs « francophones et non compromis avec l’Allemagne ». Il pouvait reprocher à Paul Rohmer d’avoir accepté une chaire à Marbourg en 1916 et de « manquer d’expérience des méthodes françaises d’enseignement ». Rohmer devint directeur de la clinique infantile de Strasbourg (mai 1919) mais n’obtint la chaire de médecine infantile que le 1er janvier 1924. Pierre Bucher © était intervenu en sa faveur.

À son initiative, dès 1919, un grand laboratoire de recherche en médecine infantile avait été créé. Avec la collaboration du physiologiste Georges Schaeffer et du biochimiste Nicolas Bezssonof, Rohmer introduisit la physiologie pathologique dans la pédiatrie. Dès la fin des années vingt, il participa aux recherches pour combattre le rachitisme et le scorbut, montrant que cette dernière maladie était en recrudescence. Il fut convaincu du rôle de la vitamine C découverte en 1928. Il exposa en 1934 devant l’Académie de Médecine, en partie sceptique, que les prématurés et les petits nourrissons effectuaient la synthèse de cette vitamine, mais qu’après l’âge de six mois, l’organisme en devenait incapable, exposant l’enfant aux carences. Rohmer recommandait le lait de femme, la pasteurisation du lait de vache diminuant la teneur en vitamines. Contre la poliomyélite, il recommandait d’utiliser le sérum humain d’anciens malades, méthode préconisée par Arnold Netter en 1910. Il présenta ses observations à l’Académie de Médecine en 1931.

Pour protéger de la tuberculose les enfants élevés dans des familles contaminées, il appliqua d’abord les recommandations de Grancher qui préconisait la séparation familiale prophylactique. Lorsqu’en 1954, il créa en Alsace une filiale de l’œuvre Grancher, il substitua à la séparation la vaccination précoce par le BCG récemment introduit, de tous les enfants vivant en milieu contagieux. Pour combattre la malnutrition et la surmortalité infantile, Rohmer créa en 1923 l’École de la puériculture qui formait des infirmières visiteuses. Celles-ci avaient pour mission de se rendre auprès des accouchées et de voir leur enfant. Dans chaque canton furent ouvertes des consultations pour nourrissons.
Ce modèle alsacien, étendu en Moselle, inspira en 1945 la généralisation par la loi de la Protection maternelle et infantile dans les autres régions françaises. En 1920, Rohmer avait créé l’Association alsacienne et lorraine de puériculture qui devint l’Association régionale de l’enfance. Il la dirigea pendant plus d’un demi siècle. Il fonda en 1926 la Revue française de pédiatrie.

La Seconde Guerre mondiale bouleversa sa carrière de professeur. Réfugié à Périgueux en septembre 1939, il y ouvrit une clinique infantile qu’il transféra un an plus tard à Clermont-Ferrand. Il créa en Auvergne un réseau de consultations de nourrissons et une école de puériculture et développa la pédiatrie dans une
région où elle n’existait pas. Alors que la faculté de Médecine avait échappé à la rafle du 25 novembre 1943, celle qui suivit l’attaque par les résistants d’une colonne allemande le 8 mars 1944 provoqua nombre d’arrestations dans ses rangs. Rohmer fut épargné. Il revint à Strasbourg avec ses autres collègues après l’achèvement de l’année universitaire 1944-1945. Il resta encore deux ans à la tête de la clinique infantile où son « élève », Robert Sacrez, lui succéda. Il conserva longtemps de multiples responsabilités et fut en particulier rédacteur en chef de la Revue française de pédiatrie et du journal Strasbourg médical (devenu en 1970 le Journal de médecine de Strasbourg), président du Conseil régional d’Alsace de l’Ordre des Médecins, président fondateur du Syndicat national des pédiatres français. Il garda une consultation et un secteur d’hospitalisation à la
clinique infantile. Il s’impliqua davantage encore dans la pédiatrie sociale et créa une œuvre qui s’occupait de la population marginalisée du lazaret de Strasbourg (hôpital militaire du début du XXe siècle composé de six bâtiments clôturés) entre le faubourg de Cronenbourg et le village d’Oberhausbergen. Cette Œuvre de prévention infantile (OPI), fondée en 1956, fut dirigée pendant vingt ans par
Rohmer. En application du décret du 7 janvier 1959 créant « l’action sociale préventive », il signa une convention en 1963 liant l’OPI et les pouvoirs publics, ce qui permit d’étendre l’action de pré- vention et d’insertion à d’autres secteurs de la
ville de Strasbourg (cités Exen et de l’III, quartier Lyautey). Comme Alfred Wolff © auprès duquel il avait œuvré 60 ans plus tôt contre la syphilis comme volontaire à la clinique dermatologique, Paul Rohmer était convaincu que la pauvreté était à l’origine de bien des maladies de la mère et l’enfant. Cette conception fut à l’origine du développement de la pédiatrie sociale en France.

Parmi ses nombreuses activités pédagogiques, Rohmer publia en 1931 le premier manuel de puériculture pour mères et infirmières, puis en 1945 et 1954, avec Robert Debré et Edmond Lesné, un grand Traité de pédiatrie en langue française à l’usage des médecins.

Le 30 octobre 1976, la faculté de Médecine lui rendit un éclatant hommage de reconnaissance au cours de la cérémonie honorant le professeur honoraire centenaire. Officier de la Légion d’honneur, d’Académie et de l’Instruction publique. Commandeur de l’ordre national du Mérite. Commandeur de l’ordre de la Couronne (belge). Médaille de l’Instruction publique de Serbie.

Articles dans la Revue française de pédiatrie, Strasbourg médical, Journal de médecine de Strabourg ; P. Rohmer et G. Bellocq, L’enfant sain et l’enfant malade. Manuel pour mères et infirmières, 1931 ; R. Debré, Ed. Lesné et P. Rohmer, Pathologie infantile, 1943-1945, 2 volumes. Réédition 1954.

Encyclopédie de l’Alsace, XI, p. 6483 (avec portrait) ; Histoire de la Médecine de Strasbourg, sous la direction de J.-M. Mantz et J. Héran, Strasbourg, 1997, voir index p. 788 ; FI. Grange, Paul Rohmer, une vie au service de l’enfance, Strasbourg, 2005, 240 p. (16 p. d’illustrations).

† Jean-Pierre Kintz (2006)