Homme politique, (C) (★ Dannemarie 12.5.1862 † Dannemarie 4.9.1935).
Frère d’Armand Ricklin. ∞ 1889 Marie Alice Vernette. La première éducation de Ricklin fut française, mais, après le décès précoce de son père, sa mère épousa un fonctionnaire bavarois des chemins de fer. De 1872 à 1883, Ricklin fréquenta successivement les lycées de Belfort, d’Altkirch, de Colmar et de Ratisbonne. Il fit des études de médecine aux Universités de Fribourg, Munich et Erlangen de 1883 à 1888. Il adhéra à une corporation étudiante qui pratiquait le duel rituel et portait le fameux « Schmiss » (balafre) distinctif d’une élite allemande. Volontariat d’un an dans un régiment d’infanterie à Munich, qu’il quitta comme Oberarzt de la Landwehr. Ricklin ouvrit un cabinet médical à Dannemarie en 1889. Il fut nommé médecin cantonal. Membre du conseil municipal de 1891 à 1908, il fut nommé maire en 1896. Président du Kriegerverein (association d’anciens soldats) de Dannemarie. Membre du Conseil général de Haute Alsace de 1895 à 1918. Membre du Landesausschu? d’Alsace-Lorraine de 1900 à 1911, élu par le Conseil général de Haute Alsace. Il y fit, en février 1901, un vigoureux discours contre les lois d’exception et demanda le statut de Bundesstaat pour l’Alsace-Lorraine. Ce qui lui valut d’être écarté de ses fonctions de maire après les élections de 1902 pour Majestätsbeleidigung. En 1903, Ricklin succéda à Winterer © comme député au Reichstag pour la circonscription d’Altkirch-Thann. Il fut réélu en 1907 et en 1912. Membre de l’Elsass-Lothringische Landespartei, puis du Centre alsacien-lorrain, il était partisan d’une certaine indépendance à l’égard du Zentrum allemand et refusa toujours d’adhérer au groupe parlementaire du Zentrum. Lors de la discussion sur le projet de loi d’autonomie de l’Alsace-Lorraine en 1911, il adopta une attitude plutôt modérée, tout en estimant le projet insuffisant. En mai, il vota contre le projet de loi. En octobre 1911, il fut élu député à la seconde chambre du Landtag d’Alsace-Lorraine pour la circonscription d’Altkirch-Dannemarie. Il fut élu président de la seconde chambre, fonction qu’il exerça jusqu’en 1918. Il refusa l’ordre du Roter Adler en arguant du fait qu’il n’avait pas été jugé digne d’être maire de Dannemarie en 1902. En 1913 et 1914, il participa aux conférences interparlementaires de Berne et de Bâle, manifestant ainsi que le président de la seconde chambre du Landtag était partisan de la paix et du statu quo territorial entre la France et l’Allemagne. Mobilisé comme médecin militaire à Soultz (Haute Alsace) en février 1915, il fut muté en 1916 au nord de Verdun et Amiens, à Estincourt, Spincourt et Carignan, pour avoir défendu son collègue Brogly ©, lors de son procès. Élu président du Conseil général de Haute Alsace en janvier 1917, il se fit remarquer par le vibrant hommage qu’il rendit à Jacques Preiss ©, collègue décédé en exil. En juin 1917, il fit une déclaration de loyauté à l’égard de l’Allemagne, lors de la séance d’ouverture du Landtag d’Alsace-Lorraine, pensant ainsi favoriser la paix et l’obtention du statut de Bundesstaat pour l’Alsace-Lorraine. Son attitude fut condamnée, en particulier par ses collègues du Centre alsacien-lorrain, et, en avril 1918, il ne fut réélu président de la seconde chambre que par 23 voix sur 47 votants, et fut écarté de la présidence de la Commission des budgets. Le 23 octobre 1918, il fut un des derniers Alsaciens-Lorrains à prendre la parole au Reichstag. Il condamna à l’échec la tentative de gouvernement Schwander © – Hauss © et d’autonomie de l’Alsace-Lorraine, en déclarant que l’Alsace-Lorraine était devenue une question internationale. Le 11 novembre 1918, il fut un des artisans de la proclamation du Landtag en « Conseil national d’Alsace-Lorraine », dépositaire de la souveraineté, après l’abdication de Guillaume II. Le 12, il fut cependant écarté de la présidence du ministère d’affaires, désigné par le Conseil national, au profit du député lorrain Hoen. Il défendit en vain l’idée d’obtenir de la France une garantie formelle et écrite des traditions, des libertés et de l’organisation propre à l’Alsace-Lorraine. En 1919, Ricklin fut expulsé par une commission de triage, assigné à résidence surveillée à Kork et Bodersweier, têtes de pont françaises en Bade, du 13 mars 1919 au 16 janvier 1920. Écarté de la vie politique alsacienne, il se rallia, fin 1925, au mouvement autonomiste du journal Die Zukunft, et prit la direction de la rédaction. Le 24 mai 1926, il fut l’un des fondateurs et le président de I’Elsass- Lothringischer Heimatbund qui lança, le 5 juin, le célèbre « Manifeste aux Alsaciens-Lorrains fidèles à la Heimat ». Il fut de l’équipe qui lança, le 23 décembre 1926, Die Volksstimme, journal autonomiste interdit le 12 novembre 1927, en même temps que Die Zukunft. Ricklin fut arrêté, le 16 mars 1928, et condamné, le 24 mai, lors du fameux procès de Colmar, pour complot contre la sûreté de l’État, à un an de prison et cinq ans d’interdiction de séjour. Entre-temps, malgré son emprisonnement, il avait été élu député de la circonscription d’Altkirch, le 29 avril 1928. Cette élection fut invalidée le 16 juin, et sa déchéance votée par la Chambre des députés le 8 novembre 1928. Ricklin fut gracié (pour sa condamnation au procès de Colmar) le 23 juillet 1928 et élu conseiller général du canton de Dannemarie en octobre 1928. Cette élection ayant été invalidée le 22 mars 1929, il fut réélu par le même canton le 2 juin 1929. Son mandat lui fut renouvelé en 1931. En octobre 1934, il se retira de la vie politique.
Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, Alsatia (portrait) ; M. Sturmel et coll., Dr Ricklin, Ein elsässisches Lebensbild, Colmar, 1932 ; Die Heimat, septembre 1935 ; Chr. Baechler, L’Alsace entre la guerre et la paix. Recherches sur l’opinion publique (1917-1918), thèse, Strasbourg, 1969; J.-M. Mayeur, Autonomie et politique en Alsace. La Constitution de 1911, Paris, 1970 ; Chr. Baechler, Les Alsaciens et le Grand Tournant de 1918, Strasbourg, 1972 ; P. Zind, Elsass-Lothringen, Alsace-Lorraine, une nation interdite 1870-1940, Paris, 1979 ; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919-1936, Paris, 1979 ; François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981; Bachmann, Dreyer, Wilsdorf, Les conseillers généraux du Haut-Rhin 1833-1981, Archives départementales du Haut-Rhin, 1981 ; Chr. Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939. Du Reichsland à la République jacobine, Strasbourg, 1982 (portrait) ; idem, « Les catholiques alsaciens et le Zentrum allemand (1871-1914) », Revue d’Allemagne, octobre-décembre 1985, p. 418-436 ; Encyclopédie de l’Alsace, XI, p. 6429 ; H. Hiery, Reichstagswahlen im Reichsland, Dusseldorf, 1986 ; D. Haas, Les volontaires alsaciens d’un an, 1871-1918, maîtrise, Strasbourg II, 1992, p. 167.
Christian Baechler (1998)