Humaniste, critique, historien, (C) (★ Sélestat 22.8.1485 † Strasbourg 20.7.1547).
Fils d’Anton (Tony) Bild, riche maître-boucher, originaire de Rhinau, émigré à Sélestat et surnommé Rhinower, qui devint citoyen de Sélestat, puis échevin, et, en 1495, l’un des bourgmestres († 21.11.1520), et de Barbara Kegel († 1487). Fiancé vers 1542 avec une jeune veuve, Anna Braun, fille de Georg Braun, bourgeois de Darmbach. † avant le mariage. 1491-1502 : École latine de Sélestat, sous Crato Hofmann, puis Hieronymus Gebwiler. 1503- 1507 : Université de Paris : grec avec Georges Hermonyme de Sparte, physique et dialectique avec l’aristotélicien Jacques Lefèvre d’Étaples, dont il devint l’ami, et son disciple Josse Clictou, poésie avec Faustus Andrelinus. Bachelier, licencié, maître ès arts. S’initia à l’imprimerie comme correcteur chez Henri Estienne, où il surveilla l’édition de plusieurs livres de Lefèvre, en y insérant quelques vers latins dédiés au lecteur. En 1507-1511, il séjourna à Sélestat, puis à Strasbourg où il acquit l’amitié des grands humanistes alsaciens Wimpheling ©, Geiler de Kaysersberg ©, Sébastian Brant ©. Correcteur chez l’imprimeur Mathias Schurer ©, il édita les œuvres latines d’une dizaine d’humanistes italiens et français, dont son maître F. Andrelinus, en les préfaçant sous forme d’épîtres dédicatoires en latin.
D’alors date sa première œuvre personnelle, la Vie de Geiler de Kaysersberg, publiée en tête d’un recueil de sermons de celui-ci (mai 1510). Juillet 1511-1527 : à Bâle, où il perfectionna (1511-1513) sa connaissance du grec avec le dominicain Johann Conon. D’abord hôte et ami de l’imprimeur Johann Amerbach et de ses trois fils, il travailla chez un autre ami, l’imprimeur Froben, à l’édition commentée de Pères de l’Église et de grands auteurs latins. Fit en 1513 la connaissance d’Erasme © auquel le lia bientôt une profonde amitié et dont il subit l’influence; il assura dès lors la publication de beaucoup de ses œuvres. Il s’attacha également à Ulrich Zwingli, le réformateur suisse, seconda et stimula son activité, et fut un ardent propagateur des écrits et des idées de Luther, en accord avec son compatriote Martin Bucer ©. Mais lorsque se produisit la rupture entre Luther et Erasme à propos du libre arbitre (1524) et lorsque la guerre des Paysans (1525) ensanglanta l’Allemagne et, plus particulièrement, l’Alsace, plus érasmien que luthérien, il rompit avec la plupart de ses amis réformateurs et n’envisagea la Réforme qu’à l’intérieur de l’Église. Se consacra désormais à son travail scientifique. 1527 : chassé de Bâle à Sélestat par la peste et les querelles religieuses, il s’installa définitivement en 1529 dans la maison familiale, ne s’absentant plus que pour quelques voyages (Strasbourg, Bâle, Augsbourg, où il fit la connaissance de Peutinger en 1530) ; correspondit avec les grands humanistes de son temps, en recevant quelques-uns chez lui, enrichit avec amour sa bibliothèque, et publia encore quelques grands ouvrages, dont une biographie d’Erasme († 1536), en tête de l’édition des œuvres de celui-ci en neuf volumes (1540). En cette période se situe son chef-d’œuvre, l’Histoire de l’Allemagne (Rerum Germanicarum libri tres, 1531). Savant éminent, unissant la finesse, l’amabilité, la modestie à la pureté morale, sut en même temps épouser les passions de ses contemporains, non seulement au sein de la Réforme et de l’Humanisme, mais aussi, dans la lignée du poète Konrad Celtis, en luttant pour la promotion de la nation allemande : il soutint la prétention des humanistes allemands à un principat de la culture face aux Italiens et aux Anciens (1518), s’émut des déchirements politiques de sa grande et de sa petite patrie, des péripéties de l’élection impériale (1521), et, surtout, par son œuvre historique, influencée par Peutinger, il réalisa en partie cette Germania illustrata, dont Celtis avait conçu le plan et esquissé l’ébauche. Dépassant enfin ces pré- occupations nationalistes, il prit ardemment position, dans ses dernières années, pour la défense de la civilisation occidentale menacée par les Turcs. Dès 1523, l’empereur Charles-Quint reconnut ses mérites en lui accordant des lettres de noblesse. 18 mai 1547 : atteint d’un cancer de la vessie, il mourut à Strasbourg entouré de quelques amis luthériens dont Martin Bucer et fut enseveli, selon sa volonté, à Sélestat, dans l’église Saint-Georges. Il avait légué à sa ville natale les 670 volumes de sa bibliothèque (soit environ 2.300 manuscrits et imprimés), qui constituent encore aujourd’hui le joyau de la Bibliothèque humaniste de Sélestat.
Œuvres : Liste in A. Horawitz, K. Hartfelder, Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Leipzig, 1886 (rééd. Hildesheim, 1966), p. 592-618, complétée par G. Knod, « Zur Biographie und Bibliographie des B. Rhenanus », Zentralblatt fur Bibliothekswesen, II, 1885, p. 253-276, et regroupée selon un plan rationnel par P. Adam, L’humanisme à Sélestat, Sélestat, 3e éd. 1973, p. 59-67.
1) Edition préfacée de 35 œuvres humanistes en latin, entre autres de son maître F. Andrelinus, de Marulle, Théodore de Gaza, Janus Pannonius, Thomas More et surtout d’Erasme (neuf ouvrages et œuvres complètes en neuf volumes, 1540).
2) Édition de cinq Pères de l’Église: saint Grégoire de Nysse (1512), saint Basile (1514) (préfacées); Tertullien (1521), Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, etc. (1521), saint Jean Chrysostome (1540) (commentées).
3) 20 éditions de classiques anciens, dont (préfacées) Pline le Jeune, Suétone (1514) ; (commentées) Sénèque (1515), Quinte-Curce (1518), Velleius Paterculus (1522), Pline l’Ancien (1526), Tacite (1533), Tite-Live (1535).
4) Trois œuvres personnelles : Vie de Geiler de Kaysersberg (1510), Rerum Germanicarum libri III (1531), Vie d’Erasme (1540).
5) Correspondance : 509 lettres, dont 185 de B. Rhenanus, parmi lesquelles 48 épîtres dédicatoires et 13 « avis au lecteur” (A. Horawitz, K. Hartfelder : Briefw. des B. Rhenanus, op. cit. « Un supplément à la correspondance de Beatus Rhenanus », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1989, p. 56-61).
Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 553-554 ; Pour toutes les études antérieures à 1985, voir R. Walter, Beatus Rhenanus (1485-1547). Anthologie de sa correspondance, 2 vol., thèse de doctorat, Strasbourg, 1985, p. 615-637. Pour les études postérieures à 1985, voir Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1995, p. 104-106. Voir, en outre, les articles publiés chaque année dans cet annuaire, et enfin J. Hirstein, Tacitus Germania as edited, commented upon, and interpreted by B. Rh. (1485-1547), thèse de doctorat en philosophie, Université de Virginie (USA), 1994 ; R. Walter, « Beatus Rhenanus et la redécouverte de Tacite au début du XVIe siècle », Annuaire de la Société des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1996, p. 67-72 ; idem, « Jean Sturm, biographe de Beatus Rhenanus », ibidem, p. 73-80 ; idem ; Trois profils de Beatus Rhenanus, 1997, (ed. Société des amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat).
Portraits : 1) gravure sur cuivre, P. Freherus : Theatrum virorum eruditione clarorum, Nuremberg, 1688. 2) gravure : Rerum Germanicarum Libri Tres, Strasbourg, 1610 et 1670, reproduite in Horawitz, Briefwechsel…, op. cit.. 3) gravure sur cuivre : Beatus Rhenanus Institutionum Rerum Germanicarum, nov. Antiquarum Historico-geographicarum, Ulm, 1693, 4) gravure sur cuivre : J. J. Haid, Augsbourg, XVIIe siècle (Bibliothèque humaniste de Sélestat), reproduite in P. Adam, L’Humanisme à Sélestat…, 1973, pl. XVII.
Robert Walter (1998)