Théologien, (Pl) (★ Strasbourg 18.7.1804 † Strasbourg 15.4.1891, inhumé au cimetière du Neuhof).
Fils de Louis-Chrétien Reuss, marchand drapier, et de Marguerite Salomé Bauer. ? 18.5.1839 sa nièce Julie Louise Himly, fille de sa sœur aînée. Il suivit des études secondaires au Gymnase protestant, supérieures au Séminaire, puis à l’Université de sa ville natale complétées par des séjours d’étude aux universités de Halle et de Göttingen, où il se spécialisa dans l’étude des langues sémitiques, qu’il approfondit par la suite à Paris. Se vouant à une carrière d’enseignement plutôt qu’à un ministère pastoral, il fit ses débuts au Gymnase protestant (1828), puis au Séminaire (1828-1834) et à la faculté de Théologie (1834) et poursuivit son enseignement jusqu’en 1888. Son enseignement portait sur l’exégèse de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais débordait sur les aspects les plus encyclopédiques de la théologie. Soucieux, avant tout, de la formation des étudiants, il les réunit dans la « Société théologique », en marge de l’institution académique officielle, en vue de les initier à une recherche personnelle et originale. Il mena cette entreprise de 1828 à 1886, d’abord en association avec un autre Strasbourgeois, J. Bochinger, décédé prématurément comme pasteur à Saint-Nicolas, puis avec Édouard Cunitz ©. Par ses connaissances et son ascendant personnel, il donna à la science biblique, en particulier dans le domaine de l’Ancien Testament, des impulsions originales qui reçurent un large assentiment et que développèrent ses disciples, en particulier Charles Henri Graf ©, originaire de Mulhouse, et Julius Wellhausen, qui donna son nom à une présentation de l’histoire d’Israël longtemps dominante dans la recherche critique. En plus de ses propres ouvrages spécialisés, Reuss fut un collaborateur permanent de la Revue de théologie et de philosophie chrétienne, dite Revue de Strasbourg, fondée par Timothée Colani © et qui se voulait ouverte à la recherche critique et à la pensée moderne. Reuss donna une synthèse de ses travaux dans une nouvelle traduction de la Bible selon la méthode historique et critique, avec un commentaire sommaire. Cette traduction française (16 volumes) — alors que ses ouvrages étaient plutôt en allemand — devait fournir aux protestants « de l’Intérieur » un utile instrument de travail, au moment où l’annexion de l’Alsace leur avait barré l’accès à la faculté de Strasbourg. Reuss fut également associé, avec ses collègues Baum © et Cunitz, à l’édition des œuvres de Calvin ©. Son activité littéraire s’exerça occasionnellement dans d’autres domaines que celui de la science théologique. Il fut tenté par le journalisme, et sous le pseudonyme de « Peregrinus », par la poésie, où se mêlent sentiment et humour. Toujours engagé dans la vie de l’Église, il y joua, dans les divers conseils dont il fit partie, un rôle de conciliateur des tendances opposées. Ce même esprit libéral lui valut d’intégrer parfaitement les cultures française et allemande. On peut voir en lui un précurseur de l’idéal européen, nourri à la fois de réalisme et de mystique. L’Université de Strasbourg lui érigea en 1893 un buste qui a pris place en l’église Saint-Thomas.
Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 549 ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n° 4199.
Edmond Jacob (1998)