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REMI (REMY, REMIGIUS)

Evêque de Strasbourg (peut-être déjà vers 765 ?, certainement avant 778 † vers 782/783). Contrairement à une tradition largement répandue, Remi ne fut pas apparenté à la famille des Etichonides en général, ni à sainte Odile © en particulier. Il ne fut pas non plus abbé du monastère de Munster au Val Saint-Grégoire. Son anthroponyme Remigius, les noms de sa nièce Scholastique et de son petit neveu Raderamne, semblent indiquer une provenance romane. Sa vénération pour saint Trophime, premier évêque et patron de la ville d’Arles, suggère plus précisément une origine provençale. La chronologie de son épiscopat ne peut être définie que de façon approximative. Le seul repère sûr est son Testament, daté de Strasbourg du 15 mars 778. Remi aurait signé l’acte de restauration de l’évêque Eddo pour Ettenheimmunster (Bruckner, Regesta Alsatiae, n° 193, p. 116-119) : si le fond de cette charte repose sur un acte authentique de la fin du VIIIe siècle, le contenu en a été falsifié au XIIe siècle. À condition que la signature de Remi, à côté de celle de l’évêque Eddo, qui figurent toutes les deux au bas de ce document, ait été originelle, Remi aurait été un auxiliaire ou un coadjuteur de l’évêque Eddo, avant de lui succéder.

Le Testament de Remi résulte d’un amalgame au XIIe siècle de deux originaux du IXe/Xe siècle. Dans la première partie, Remi légua à l’église cathédrale de Strasbourg, sous réserve d’usufruit pour lui, sa nièce Scholastique et son petit neveu Ratramne, le domaine d’Eschau, avec la basilique qu’il y a fait construire en l’honneur de saint Trophime. Il avait reçu une partie de ce patrimoine de l’abbesse Adala (Atala ©) et de la religieuse Roduna. La généalogie des Etichonides permet d’identifier ces deux personnes avec les petites nièces de sainte Odile et Adala avec l’abbesse de ce nom de la Hohenbourg (Mont Sainte-Odile). Remi avait acquis l’autre partie de cette propriété par ses propres ressources. Avant ou, plus probablement, après son élévation à l’épiscopat, il alla en pèlerinage à Rome, d’où il rapporta « sur son propre dos » le corps ou du moins des reliques de sainte Sophie. La tradition postérieure y ajoutera les trois filles légendaires de celle-ci, — probablement des personnifications des trois vertus théologales ! —, à savoir les saintes Foi, Espérance et Charité. Dans la deuxième partie de son Testament, Remi transmit également à la cathédrale de Strasbourg le petit monastère Saint-Léger de Schönenwerd (Suisse, Ct Soleure, commune Oten-Gösgen), qu’il avait reçu de l’évêque Rapert. Ce don n’eut rien d’exceptionnel à l’époque ; car jusqu’à vers 750 le diocèse de Strasbourg englobait la vallée de l’Aar, au nord de la Suisse actuelle. Évêque d’un diocèse pluriethnique, comprenant des descendants des anciens Celtes et Gallo-Romains, puis des Francs et des Alamans nouveau venus, Remi sut pratiquer une intelligente politique d’intégration au sein de son diocèse: la christianisation par l’Évangile s’avérait en même temps un puissant facteur d’assimilation sociale. La preuve en est fournie par les témoins qui apposèrent leur signature à son Testament : des noms à consonance romane et d’autres d’expression germanique s’y juxtaposent. À l’extérieur, comme le montre encore la liste des dignitaires ecclésiastiques qui souscrivirent ce même Testament, il s’affilia à l’épiscopat carolingien, dont saint Chrodegang, archevêque de Metz (742-766), s’affirmait comme le chef de file. Sa dernière volonté de vouloir être enterré « dans la crypte qu’il a construite » ne permet pas de préciser avec une certitude absolue, s’il s’agissait de la crypte de la cathédrale de Strasbourg ou de celle de l’abbatiale d’Eschau. Le contexte immédiat de ce passage semble justifier plutôt la deuxième interprétation. Le Testament constitue la source principale. Le manuscrit original a été perdu. Il existe une copie de la fin du IXe ou du Xe siècle aux Archives départementales du Bas-Rhin, G 2 (1).

Éditions : Grandidier, Histoire de l’Église de Strasbourg, 2, 1778, pièce justificative n° 73, p. 130-136 = Patrologie latine, t. 96, c. 1582 ; Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, 1879, n° 16, p. 11-14 ; Bruckner, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini, Strasbourg-Zurich, 1949, n° 271, p. 169- 171 ; Urkundenbuch Solothurn (Soleure), t.1, 1952, n° 2, p. 3-7 (avec photocopie du manuscrit).

Analyses du texte de ce Testament: Grandidier, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 1, 1776, p. 303-309; J. Trouillat, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, t. 1, 1852, n° 41, note 3, p. 79 ; Regesten der Bischöfe von Strassburg, Innsbruck, 1908, t. 1, 1908, n° 56, p. 227-229 ; W. Hotzelt, « Translationen von Martyrerleibern aus Rom ins westliche Frankenreich im achten Jahrhundert », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 13, 1938, p. 1-52, surtout p. 36-39 ; L. Pfleger, « Der Kult der hl. Sophia im Elsass », ibidem, p. 53-58; H. Büttner, « Das Bistum Strassburg und das Stift Schönenwerd im früheren Mittelalter », Zeitschrift für schweizerische Kirchengeschichte, 59, 1965, p. 60-66. Réimprimé dans Geschichte des Elsass, 2e éd., 1991, p. 333-338 ; J. Gross, « Le 15 mars 778, Eschau entre dans l’histoire avec le testament de l’évêque Remigius », Journal de la commune d’Eschau-Wibolsheim, novembre 1987, supplément p. 9-19.

La parenté de Remi avec les Etichonides et son abbatiat à Munster au Val Saint-Grégoire, affirmés par les Annales de Munster (Monumenta Germaniae Historica Scriptores 3, p. 153, Année 768) ; Hieronymus Guebwiller, Ein schön wahrhafftig… hystorie der heiligen junckfrauen Otilie, Strasbourg, 1521, p. F IV 2 ; Dom Calmet, Histoire de l’abbaye de Munster, éd. F. Dinago, Colmar, 1882, p. 47-49 ; L. Ohl, Geschichte der Stadt Münster und ihrer Abtei im Gregorienthal, Schirmeck, 1897, p. 39-40, ne cadrent pas avec les données généalogiques et chronologiques de Remi et des Etichonides : cf. Chr. Pfister, Le duché mérovingien d’Alsace et la légende de sainte Odile, Paris- Nancy, 1892, p. 128-131 ; Regesten der Bischöfe von Strassburg, Innsbruck, 1908, t. 1, n° 55, p. 227.

Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 546 ; A. Kocher, « Die Anfänge des Stiftes Schönenwerd », Veröffentlichungen des Solothurner Staatsarchives, Heft 1 und 2, 1965, p. 5-25 ; K. Arnold, « St Leodegar in Schönenwerd », Helvetia Sacra, II/2, Die weltlichen Kollegiatstifte der deutsch- und französischsprachigen Schweiz, 1977, p. 462-474.

René Bornert (1998)