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RAESS André

Evêque de Strasbourg, (C) (★ Sigolsheim 6.4.1794 † Sigolsheim 17.11.1887).

Fils de Bernard Raess et frère de Jean-Baptiste Raess ©. Entré en 1811 au Grand Séminaire de Mayence, dirigé par quelques prêtres alsaciens dont Liebermann © sous la houlette de Mgr Colmar ©, il fut ordonné prêtre en 1816, enseignant les humanités, puis la rhétorique au petit séminaire de la même ville. Docteur en théologie, il obtint la chaire de philosophie du Grand Séminaire en 1819, puis celle de théologie dogmatique, avant de diriger le Grand Séminaire de 1824 à 1830. Durant cette période, il participa au développement de « l’École de Mayence » et publia d’innombrables articles et ouvrages, en allemand, sur le système de Leibnitz, les saints, les martyrs, la vie religieuse en France. Il fonda, avec Weis, Der Katholik, où il combattit le joséphisme et le rationalisme, développant des thèses ultramontaines. Surtout il tissa un réseau de relations avec les intellectuels allemands de l’époque, au point que le nonce de Munich lui demanda des rapports confidentiels sur la situation de l’Allemagne. Après la nomination de Burg, dont il ne partageait pas les opinions théologiques, au siège épiscopal de Mayence en 1829, il décida de retourner en Alsace. Dès février 1830, Mgr Le Pappe de Trévern ©, pourtant gallican, lui confia la direction de la Petite Sorbonne de Molsheim, puis à l’automne 1830 le Grand Séminaire de Strasbourg, qu’il venait d’enlever à Lienhart ©. Les séminaristes furent d’emblée surpris par l’introduction d’idées « allemandes », à savoir de nouvelles disciplines comme l’histoire de l’Église, l’archéologie chrétienne, la prédication et l’éloquence sacrée. Il ajouta aussi un an aux études de théologie et surtout imposa les Institutiones theologicae, ultramontaines, de Liebermann ©, son maître à penser. Nommé chanoine titulaire en 1831, il se montra extrêmement prolifique, publiant entre 1824 et 1837 neuf ouvrages, dont un en douze tomes, un autre en sept, un autre encore en six. Remercié pour des raisons obscures en 1836, il entreprit sa traversée du désert dans sa résidence de Sigolsheim. Comme se posait la question d’un coadjuteur à Trévern, de nombreuses intrigues eurent lieu dès 1835. Raess ne fut pas le dernier à se mêler à la lutte en coulisses. Il réussit dans son entreprise, dans ce qui fut la plus belle campagne épiscopale française sous la Monarchie de Juillet. Nommé coadjuteur le 5 août 1840 par Louis Philippe, préconisé le 11 décembre 1840, il fut sacré le 14 février 1841 et prit de suite en main l’administration diocésaine, du fait de la maladie du vieil évêque. Le 27 août 1842, à la mort de Trévern, il devint le premier évêque alsacien depuis cinq siècles. Son long épiscopat, qui allait être fertile en événements de toutes sortes, démarra rondement. Dès 1842-1843, sa rigidité de caractère en matière de dogme provoqua la grave « querelle des églises mixtes » (églises communes aux catholiques et aux protestants) laquelle embrasa littéralement le Bas-Rhin et embarrassa le ministère des cultes à Paris. Cherchant à élever le niveau du clergé alsacien, il bénéficia de la conjoncture, ce qui permit un afflux de séminaristes — 72 ordinations en 1872 ! Il favorisa aussi l’éclosion de la presse catholique, soutenant au départ un prêtre ambigu comme Axinger ©, chercha à faire progresser le culte de la Vierge en général et celui de l’immaculée Conception en particulier (1854-1855), développa surtout les idées ultramontaines, suscitant de ce fait l’installation des Jésuites à Strasbourg — ce qui déplut aux protestants — et à Issenheim ou encore des dames du Sacré Cœur à Kientzheim. Il soutint toutes les fondations de congrégations nouvelles, comme les sœurs de Niederbronn d’Élisabeth Eppinger ©. Chevalier de la Légion d’honneur en 1855, il s’accommoda de tous les régimes français, en bon diplomate. En 1856, il fit son premier — sur six — voyage « ad limina » à Rome – aucun évêque de Strasbourg ne s’y était rendu avant lui au XIXe siècle ­, puis en 1862 son deuxième. Il fut l’une des personnalités à souscrire en 1866 une part du capital permettant de fonder l‘Impartial, journal d’inspiration catholique et gouvernemental. En 1866, il fêta avec éclat, à Marienthal, le cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale. En 1867, il se rendit une troisième fois à Rome et, à son retour en Alsace, reçut une ovation triomphale de la population alsacienne. Le concile de Vatican, en 1869, lui fit reprendre pour la quatrième fois le chemin de Rome, où il soutint dès les premiers instants l’infaillibilité pontificale. La rumeur le vit cardinal. L’annexion de l’Alsace, en majorité catholique, à l’Allemagne, en majorité protestante, allait fragiliser l’évêque. Lui qui pensa se servir de son réseau de relations allemandes tomba de haut. Le nouveau pouvoir ne lui fit aucune concession ; refus de nomination de curés, expulsions du vicaire général Rapp © et de l’abbé Guthlin ©, saisie d’un mandement épiscopal, expulsion des Jésuites et d’autres congrégations religieuses. Lorsque l’Alsace dut choisir 11 députés pour le Reichstag en février 1874, elle choisit six prêtres, dont l’évêque lui-même, élu dans la circonscription de Sélestat, tous sur un programme protestataire. Or, prenant la parole pour la première fois à Berlin le 18 février 1874, il déclara — à la demande de l’ambassadeur de France ? — que « les Alsaciens-Lorrains de sa confession n’avaient en aucune manière l’intention de mettre en question le traité de Francfort ». Cette déclaration fut interprétée comme une trahison par les députés prêtres Ignace Simonis ©, Joseph Guerber © et Landolin Winterer © et par la population alsacienne. Même si l’évêque avait obéi à un réflexe de réalisme, voire de solidarité culturelle, force est de constater que la popularité du prélat subit dès lors le contrecoup de cette intervention. Lui qui était si populaire, commença à devenir de plus en plus isolé, car le clergé et les fidèles ne lui pardonnèrent pas de s’accommoder du régime allemand. La fin de règne fut pénible. Des Alsaciens, évêques hors diocèse, prirent de plus en plus d’importance, ainsi Mgr Korum ©, évêque de Trèves, et Mgr Freppel ©, évêque d’Angers; le député Winterer fut surnommé l’évêque du Haut-Rhin. Le prélat se rendit encore deux fois à Rome, en 1875 et 1879. À chaque fois la rumeur colportait la possibilité de la nomination d’un coadjuteur; mais Raess ne voulut rien entendre, proposant son neveu Simon Raess © pour brouiller toute solution. Après beaucoup de discussions, le choix d’un coadjuteur se fixa sur Pierre-Paul Stumpf ©, consacré le 24 août 1881. L’évêque ignora l’événement, reléguant le coadjuteur au second plan. Le « malencontreux dualisme » tourna court. Rome ordonna à Raess de se retirer, confiant l’administration diocésaine à Stumpf, en 1883. Jusqu’à la fin de sa vie, Raess travailla avec acharnement.

Leibnitzens System der Theologie, Mayence, 1820 ; Die christlichen Helden in der französischen Staatsunwälzung, Mayence, 1820 ; Leben der Väter und Märtyrer, Mayence, 1823; Religiöskirchliches Leben in Frankreich (17. und 18. Jahrhundert), Francfort/Main, 1828; Bibliothek katholischer Kanzelberedsamkeit, Francfort/Main, 1829 à 1832, 12 tomes; Herrn von Boulogne’s sämtliche Predigten, Francfort/Main, 1834, 4 volumes; Franz Joseph Moser’s gesammelte Kanzelrede, Francfort/Main, 1831-1836, 7 volumes, 2e édition en 1844; Neue Bibliothek der kath. Beredsamkeit, Francfort/Main, 1834-1838, 6 tomes; Der Primat des Papstes, Mayence, 1836-1838, 3 volumes; Kanzelreden des P. Johan de La Roche, Mayence, 1836, 2 volumes; Predigtentwürfe über die sieben Sakramente, Franckfort/Main, 1838; Predigtentwürfe über die Zehn Gebote Gottes, Francfort/Main, 1837; Mandements épiscopaux, plus d’une centaine, conservés aux archives de l’archevêché de Strasbourg; Die Convertiten seit der Reformation, nach ihrem Leben und aus ihren Schriften dargestellt, Fribourg/Brisgau, 12 volumes de cinq à six cents pages, publiés de 1866 à 1880, comprenant chacun une vingtaine de biographies de convertis depuis le milieu du XVIesiècle jusqu’au XIXe siècle, où Raess chercha à démontrer « l’universalité » catholique, opposée à « l’erreur » protestante.

Dossier personnel: Archives nationales, F19 2584, Énorme correspondance active et passive (plus de dix mille pièces) aux Archives départementales du Bas-Rhin, 1V134 à 1V173. Rapports de Raess à Rome: A. vaticanes, n° 78. Archives départementales Moselle, 29 J 190. R. Epp, Le mouvement ultramontain dans l’Église catholique en Alsace au XIXe siècle (1802-1870), Strasbourg, 1975 et Mgr André Raess, évêque de Strasbourg (1842-1887), Griesheim, 1979 (fondamental); J.-P. Kintz, Journaux politiques strasbourgeois sous la Seconde République et à la fin du Second Empire, thèse de doctorat de 3e cycle, Strasbourg, 1970 (voir index, p. 632 et 4e partie, p. 78 et 118); Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972 (index);François Igersheim, L’Alsace des notables, 1870-1914, Strasbourg, 1981, passim; Cl. Muller, Dieu est catholique et alsacien. La vitalité du diocèse de Strasbourg au XIXe siècle, Strasbourg-Lille, 1986. Une bibliographie exhaustive jusqu’en 1987 se trouve à la fin de la notice Raess du Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 350. Il est possible d’y ajouter Cl. Muller, « Les relations entre Mgr Raess et Mgr Dupont des Loges (1871-1881) », Archives de l’Église d’Alsace, 47, 1988, p. 147-171; idem, « Mgr André Raess et Philippe Aimé de Golbéry », Annuaire des quatre sociétés d’histoire de la vallée de la Weiss, 4, 1988, p. 133-136; idem, « Lettres de Mgr André Raess à Landolin Winterer », Annuaire historique de la ville de Mulhouse, 1988, p. 117-120; idem, « Lettres de Mgr Émile Freppel à Mgr André Raess », Archives de l’Église d’Alsace, 49, 1990-1991, p. 93-132; idem, « Les voyages de Mgr Raess à Rome (1875 et 1879) », Annuaire des quatre sociétés d’histoire de la vallée de la Weiss, 8, 1992, p. 61-66; idem, « Au grand séminaire de Strasbourg en 1830 », Archives de l’Église d’Alsace, 50, 1992-1993, 236-238; idem, « La correspondance de Mgr Raess à Mgr Mathieu (1840-1874) », Archives de l’Église d’Alsace, 51, 1993-1994, p. 181-245; J. P. Blatz, Le clergé séculier et régulier en Alsace au XIXesiècle, Strasbourg, 1994; Cl. Muller, « Mgr Freppel et sa chère Alsace », Catholiques entre Monarchie et République, 1995, p. 95-110; idem, « Pierre Paul Stumpf, Mgr André Raess et la Congrégation du Saint Esprit », Revue d’Alsace, 122, 1996, p. 313-328.

Claude Muller (1997)