Homme de guerre et diplomate, (C) (★ Paris 1640 † Paris 28.3.1719), d’une famille rémoise anoblie au XVe siècle dans les charges municipales.
Fils de Louis Roger Brulart, marquis de Sillery, vicomte de Puysieulx, mestre de camp d’infanterie, et de Marie Catherine de La Rochefoucauld, sœur de l’auteur des Maximes. Son aïeul, Nicolas de Sillery, était chancelier de France et ambassadeur en Suisse de 1587 à 1596, puis de 1601 à 1602. Frère de l’évêque Fabio, de l’Académie française, et de Mme de Thibergeau, amie de La Fontaine, qui tint son « ménage » à Soleure. Un des menins du jeune Louis XIV, il a été adonné de bonne heure à la carrière des armes. Il a pris part à la campagne des Flandres en 1658, blessé au siège de Valenciennes, puis à la bataille d’Entzheim, capitaine au régiment d’infanterie de Turenne, lieutenant-colonel à celui du Maine (1667), colonel en 1673 du régiment de Turenne, grand bailli et gouverneur d’Épernay (1668), brigadier à Verdun, maréchal de camp en 1676, il fut nommé par provisions du 7 août 1679 au gouvernement de Huningue, emploi qu’il cumula dès 1685 avec celui d’intendant des fortifications de Picardie et de Champagne; il commanda en chef dans la province d’Alsace, en l’absence du maréchal d’Huxelles ©. L’hostilité de Louvois lui ferma l’accès aux plus hauts échelons de la carrière militaire; il ne fut nommé lieutenant-général des armées que le 3 janvier 1696. Vauban venait le voir à Huningue, dont le traité de Ryswick avait prescrit la démolition des fortifications sur la rive droite du fleuve (1697) et qui permettait des contacts avec les Suisses. Homme de guerre, grandi dans les camps, à l’école des dangers et de la discipline, Puysieulx fut également un diplomate et un homme de cœur, digne de son ami Vauban. Nanti d’instructions du 24 février 1698, il succéda, à Soleure, en qualité d’ambassadeur auprès des cantons suisses, « les plus anciens et les plus fidèles alliés de la Couronne », sensibles « au pouvoir que l’intérrest (sic) de l’argent a sur toute la Nation », à Michel Jean Amelot, marquis de Gournay. À la diète de légitimation (26 mai 1698), convoquée à Soleure, il offrit aux députés confédérés « un banquet de deux cents couverts, servi dans la vaisselle plate et arrosé des vins des meilleurs crus: il les retint à table durant six heures d’horloge ». Le cérémonial, partie intégrante de la diplomatie, l’aida à maintenir de bons rapports avec les cantons catholiques et protestants — ces derniers ulcérés par la révocation de l’édit de Nantes (1685), au moment de l’ouverture de la guerre de Succession d’Espagne (1702). Mais dans l’affaire de la succession de Neuchâtel (1707), il ne put empêcher les intrigues de Berne d’éliminer le candidat français, à la mort de la duchesse de Nemours, et de donner la préférence à l’électeur de Brandebourg qui releva les prétentions du roi d’Angleterre. Bien introduit sur le Rhin, considéré en Suisse dont il était retiré en juin 1708, Puysieulx a laissé, dans un style agréable, des ouvrages importants, tant sur les cantons suisses que sur la diplomatie en général. Il était seigneur de Steinbrunn-le-Bas en Alsace et a toujours entretenu avec l’autorité bâloise d’amicales relations.
Affaires étrangères, E. Corr. Polit. Suisse, vol. 110-194 (Torcy ministre des A. E.); A. G. A I 672-2506; Bibl. Trêves, Ms I 307 (n° 64 de l’Inventaire Archives départementales du Haut-Rhin, coll. Corberon Bruges, Colmar, 1965, p. 97 (don d’un fief Reinach, contesté du fait du droit des fiefs); Bibl. Mazarine, Ms 1902 (ancien 1782), Miscellanées helvétiques dont Mémoire sur la Suisse (1708); Instruction du 23 février 1698 (G. Livet, Instructions aux ambassadeurs..., t. XXX, Suisse, CNRS, 1983, p. 145-167); Arch. Bâle, Frankr. G. 3; Saint-Simon, Mémoires, édit. Boislisle III, p. 206; Dangeau, Journal, X, p. 219 et s.; Gazette de France, 1697 et s.; Pinard, Chronologie militaire, IV, 398; H. de Landosle (éd.), Vauban. Lettres inédites adressées au marquis de Puysieulx, Paris, 1924; J. de Boislisle, Les Suisses et le marquis de Puyzieulx, ambassadeur de Louis XIV (1698-1708). Documents inédits (les Miscellanées…) précédés d’une notice historique, Paris, 1906; G. Zeller, L’organisation défensive des frontières du Nord et de l’Est de la France, Paris, 1928; E. Rott, Histoire de la représentation diplomatique de la France auprès des cantons suisses, de leurs alliés et de leurs confédérés, 1698-1704, X, Paris-Berne, 1935; A. Blanchard, Les ingénieurs du Roy de Louis XIV à Louis XVI. Étude du corps des fortifications, Montpellier, 1979, p. 131, 376, 408; G. Livet, L’intendance d’Alsace sous Louis XIV, Strasbourg, 2e édit., 1990, p. 1058; Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, n° 37, 1992; A. Corvisier, Actes du colloque intern. sur les plans-reliefs au passé et au présent (1990, Hôtel des Invalides), Paris, 1993.
† Georges Livet (1977)