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PREISWERK Lucas

Négociant et rubanier de Bâle (★ Bâle 27.12.1788 – † Siegburg (All., Nordrhein-Westf.) 14.2.1848).

Fils de Nicolas P., négociant et rubanier et Anne Marie Iselin. ∞ Anne Marie Forcart ; 3 enfants. En 1804 il fut envoyé à Friedberg en Hesse pour y suivre les cours du Dr Roth, recteur de la Augustinerschule et disciple de Pestalozzi. A l’automne, il fit un séjour de huit mois à Genève pour perfectionner son français puis de juin 1805 à mai 1807 il effectua son apprentissage dans l’entreprise familiale. Pour le familiariser avec le monde du négoce et des affaires il fut envoyé en Italie en 1807, à Livourne, dans la maison Senn, Gebhard & Cie. En 1808, il entra dans la société Lucas Preiswerk & Cie, dirigé par son frère aîné Dietrich (1780-1819), dont il devint associé le 1er janvier 1810. Il se montra très entreprenant dans l’industrie de la soie, multipliant les voyages dans les états allemands et en France, prenant des contacts avec des maisons de commerce en Italie. Il était alors associé dans une entreprise florissante qui multiplia ses bénéfices par 10 entre 1809 et 1815 malgré les entraves que connaissait le commerce. En 1820, la maison Lucas Preiswerk était devenue la première fabrique de soieries de Bâle.

Lucas Preiswerk était également un notable, lieutenant-colonel dans l’armée (il participa à la prise de Huningue par les Alliés durant l’été 1815), membre du Grand Conseil du canton de Bâle et du Grand Conseil de la ville à partir de 1826, président du tribunal d’appel en 1828, président de la tribu Zum Schlüssel en 1830.

En décembre 1807, pour éviter les droits d’entrée en France très prohibitifs la société Lucas Preiswerk & Cie avait créé à Mulhouse, au Lützelhof, une succursale de sa fabrique de rubans. Bâle détenait alors, pour la passementerie et la rubanerie, une position exceptionnelle, presque monopolistique, sur le marché mondial. Pour sauvegarder le grand marché français, il convenait donc de contourner l’obstacle. En 1812, cette succursale fut transférée à Soultz. Le comptoir et la maison d’habitation des entrepreneurs étaient installés dans un hôtel particulier datant de 1622 ayant appartenu à François Philippe d’Anthès, l’hôtel Saint-Michel. A proximité fut construit, ex-nihilo, l’atelier de passementerie, une usine-bloc de trois étages. A ses débuts en novembre 1812, 200 ouvriers y étaient employés. Les passementiers étaient majoritairement voire exclusivement helvétiques. Parallèlement à l’œuvre industrielle, ce sont les réalisations sociales qui retiennent l’attention par leur diversité et leur précocité. Lucas Preiswerk contribua à la construction et à l’entretien de l’église protestante de Guebwiller, finança une école élémentaire destinée à l’instruction de ses ouvriers et créa une société de secours pourvoyant à leurs besoins en cas de maladie dès 1834.

Le 29 février 1840, Lucas Preiswerk vendit l’usine de Soultz à Elie Lévy, Constant Picard et Salomon Manheimer, des entrepreneurs juifs alsaciens. En 1847, Lucas Preiswerk fut interné à l’asile d’aliénés de Siegburg près de Bonn où il mourut le 14 février 1848. Il laissa à ses enfants une fortune colossale estimée à 1 250 000 F suisses.

Lucas Preiswerk est représentatif de cette relève étrangère, dont l’immigration a souvent été motivée par la volonté d’introduire en Alsace, ou même en France, une nouvelle industrie et de conquérir de nouveaux marchés. Lucas Preiswerk fut ainsi à l’origine d’une industrialisation bien originale puisqu’il créa un véritable pays de la soie, enclavé dans le pays du coton. La rubanerie implantée à Soultz en 1812 par les Preiswerk y résista jusqu’en 1951 après avoir changé à plusieurs reprises de raison sociale mais en restant toujours aux mains des capitaux suisses.

 

 

Bertrand Risacher (novembre 2014)

Sources :

- Schweizerisches Wirtschaftsarchiv.

Staatsarchiv Basel-Stadt

- Bertrand Risacher, Les mutations successives d’un espace enclavé et déshérité. Industrialisation et désindustrialisation dans la vallée de Rimbach du XVIIIe siècle à nos jours, thèse de doctorat, 612 p.

- Bertrand Risacher, « Des Bâlois à Mulhouse : les Preiswerk (1807-1812) », Annuaire Historique de Mulhouse, 23, 2012, p. 21-34.