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POINCARÉ Raymond

Homme d’État, (C) (★ Bar-le-Duc 20.3.1860 † Paris 17.10.1934).

Fils de Raymond Poincaré, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, et de Marie Wanine Ficatier. Député de la Meuse (1887-1903), puis sénateur du même département (1903-1913). Plusieurs fois ministre de l’Instruction publique ou des Finances à partir de 1893, il fut président du Conseil et ministre des Affaires étrangères (1912-1913) avant d’être élu président de la République le 17 février 1913. La déclaration de guerre d’août 1914 en fit le symbole de l’unité nationale: il sut trouver la formule qui rassembla le pays menacé par l’invasion, l’« union sacrée ». Pendant la guerre, Poincaré joua un rôle non négligeable jusqu’à l’accession de Georges Clemenceau à la présidence du Conseil (16 novembre 1917), qui le confina dans sa fonction de représentation. Après avoir quitté l’Élysée (18 février 1920), il fut réélu au Sénat. Il dirigea à nouveau le gouvernement du 15 janvier 1922 au 1er juin 1924. Le 23 juillet 1926, il revint à la présidence du Conseil et au ministère des Finances dans un climat de panique monétaire et réussit à sauver le franc. Il resta au pouvoir après les élections législatives de 1928, mais la dégradation de son état de santé le contraignit à se retirer de la vie politique le 27 juillet 1929.

Avant la Grande Guerre, Poincaré n’avait pas de liens particuliers avec l’Alsace qu’il avait visitée à plusieurs reprises; il avait des amis alsaciens dont l’historien Christian Pfister ©. Comme beaucoup de Français, il souhaitait le retour des provinces perdues. Durant la guerre, le président de la République contracta un lien personnel avec l’Alsace; à l’Élysée, il reçut beaucoup d’Alsaciens ; il visita la partie libérée de la Haute Alsace pour la première fois en février 1915; par la suite, à plusieurs reprises, il se rendit à Thann et dans l’angle sud-ouest de l’Alsace. En février 1918, il présida la grande manifestation commémorant la Protestation de 1871 organisée à la Sorbonne. Le voyage triomphal à Strasbourg libérée (8-9 décembre 1918) compta parmi les plus grands jours de sa vie bien que la présence de Clemenceau lui ait porté quelque ombrage. Il déclara à cette occasion: « Le plébiscite est fait ! ». En septembre 1919, il fit seul un voyage officiel où il fut acclamé et il revint à Strasbourg le 22 novembre 1919 pour la réouverture solennelle de l’Université.

Après la fin de son septennat, Poincaré continua de s’intéresser à l’Alsace, notamment en sa qualité de président de la Société des amis de l’Université de Strasbourg (du 13 juin 1920 à sa mort). Il vint à Strasbourg plusieurs fois par an et ne ménagea pas ses efforts pour faire de cette université « le phare intellectuel de la France ». Poincaré ne connut pas vraiment la société alsacienne: il n’eut pas avec les Alsaciens les mêmes affinités qu’avec ses compatriotes lorrains de Metz ou de Nancy; ses contacts restèrent limités aux milieux intellectuels libéraux et aux industriels. Les catholiques de l’UPR, qui soutenaient sa politique de fermeté envers l’Allemagne, observaient ce républicain modéré mais fermement laïc avec des sentiments mitigés. Ils comptaient cependant sur sa modération pour que soient respectées les promesses de maintien du statut scolaire et religieux faites par Joffre ©. En 1922-1923, il envisagea pourtant la suppression du Commissariat général de la République établi depuis 1919 à Strasbourg, mais ne put concrétiser ce projet de centralisation avant la fin de la législature. Mais à son retour aux affaires en 1926, la présence dans son ministère d’Union nationale d’Édouard Herriot ©, puis la nomination de Christian Pfister au rectorat de Strasbourg excitèrent la méfiance des catholiques, malgré ses concessions au bilinguisme. Les autonomistes attaquèrent sans ménagement Poincaré le jacobin et le nationaliste d’autant plus qu’il acheva la mise en œuvre des sanctions prises contre les signataires du manifeste du Heimatbund par le précédent gouvernement. Poincaré interdit plusieurs journaux, lança une opération de police maladroite (24 décembre 1927) et fit procéder à des arrestations parmi les dirigeants autonomistes. Les élections législatives d’avril 1928, « poincaristes » « à l’intérieur », furent « mauvaises » en Alsace, où plusieurs députés autonomistes furent élus. Le procès de Colmar (mai 1928) alourdit l’atmosphère. Poincaré chercha une parade en soutenant financièrement la création d’un journal catholique qui  « défendrait la France », lElsässer Bote, et en favorisant la scission de l’UPR, qui aboutit à la fondation de l’APNA le 17 décembre 1928. Un grand débat sur l’Alsace et la Lorraine eut lieu à la Chambre des Députés, au cours duquel Poincaré prononça un discours qui dura dix heures (31 janvier-1er février 1929). À ses yeux, l’Alsace française était dans la République; on devait respecter ses traditions culturelles et ses coutumes, c’est-à-dire son statut scolaire et religieux, mais il n’était pas question de transiger sur les principes de la France indivisible et de s’engager sur la voie d’une quelconque autonomie. Avant de quitter le pouvoir, la politique de Poincaré subit un nouvel échec aux élections municipales d’avril-mai 1929, où Strasbourg et Colmar passèrent aux mains des communistes et des autonomistes.

Discours du président de la République à la manifestation en l’honneur de l’Alsace-Lorraine, Paris, 17 novembre 1918, Paris, s. d., 12 p.; Discours du président de la République au cours de son voyage en Alsace-Lorraine (8, 9, 10 décembre 1918), 33 p.; Discours prononcé le 22 novembre 1919 à l’inauguration de l’Université française de Strasbourg, Strasbourg, 1920; chapitre: « Vosges, Alsace et Lorraine », dans: Le visage de la France, Paris, 1925; Discours de M. Poincaré, président du Conseil, au banquet qui lui a été offert le 12 février 1928 par les maires du département, Strasbourg, 1928; Discussion de plusieurs interpellations sur la politique du gouvernement à l’égard de l’Alsace et de la Lorraine, Discours de Raymond Poincaré. Nancy, 1929, 436 p.

C. Pfister, « M. Raymond Poincaré, président de la République française », Annuaire de Lorraine, Nancy, 1913; Haegy, Das Elsass von 1870-1932, Colmar, Alsatia, 1936-1938 (index); J. Chastenet, Raymond Poincaré, Paris, 1948; P. Miquel, Poincaré, Paris, 1963 (rééd. 1984); J. de Pange, Journal, t. 1, Paris, 1966; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919-1936, Paris, 1969, p. 55, 75, 89, 107, 135-136; K.-H. Rothenberger, Die elsass-lothringische Heimat- und Autonomiebewegung zwischen den beiden Weltkriegen, Bern-Frankfurt/M., 1975 (index); C. Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939, Paris, 1982 (index); F. Roth, Raymond Poincaré, un homme d’État lorrain, Bar-le-Duc, 1989; G. Lutz, Histoire de la Société des amis de l’Université de Strasbourg (1910-1939), mémoire de maîtrise, Strasbourg II, 1989.

François Roth et Léon Strauss (1997)