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PLEYEL Ignaz (Ignace) Joseph

Violoniste, chef d’orchestre, compositeur, éditeur de musique et facteur d’instruments français, (C) (★ Ruppersthal, près de Vienne, Autriche, 18.6.1757 † Paris 14.11.1831).

Fils de Martin Pleyel, professeur de lycée, et d’Anna Theresia. ∞ 22.1.1788 à Strasbourg Françoise Gabrielle Lefebvre (C), fille d’Étienne Laurent Lefebvre, maître tapissier, et de Marie Gabrielle Peyre. Après avoir été élève de J. B. Vanhal à Vienne, il poursuivit des études à Esterhaz avec J. Haydn (1772-1777), aux frais de son protecteur, le comte Ladislas Erdödy, dont il devint le maître de chapelle en 1777 et grâce auquel il put ensuite faire plusieurs voyages en Italie. En 1776, son opéra Die Fee Urgele fut représenté au Théâtre de marionnettes d’Esterhaz, puis au Nationaltheater de Vienne. Dès 1778, Artaria commença à publier ses œuvres instrumentales. En 1784 (ou 1785), Pleyel fut initié à la loge Zum goldenen Rad à Eberau. Le 30 mai  1785 son opéra Ifigenia in Aulida fut représenté à Naples, où la présence du compositeur est attestée en avril (Wienerblättchen du 1er avril 1785, p. 263). Son installation à Strasbourg, comme maître de chapelle assistant de la cathédrale auprès de F. X. Richter ©, ne saurait donc avoir eu lieu en 1783, comme on le lit communément. Sans exclure la possibilité d’un voyage antérieur, on doit la situer en 1785. À partir du 14 mai 1785, J. Reinhard Storck annonçait régulièrement les nouvelles compositions de Pleyel dans la Feuille hebdomadaire de la Ville de Strasbourg. Celui-ci écrivit, en effet, dans la métropole alsacienne, une grande partie de son œuvre prolifique, éditée et jouée dans toute l’Europe ainsi qu’en Amérique du Nord. Dès l’automne 1785, J. Ph. Schoenfeld © institua une habitude qui ne souffrit aucune exception jusqu’en 1792: exécuter à chaque séance du Concert des amateurs, dont il était le directeur, deux symphonies, l’une de Haydn, l’autre de Pleyel Ce dernier devint, en 1786, son associé très actif et lui succéda à sa mort, en 1790. L’année précédente, il avait également hérité, pour peu de temps, de la charge de F. X. Richter. On ne conserve aucune des partitions qu’il a écrites pour la cathédrale, disparues dans un incendie selon Fétis. Lors de la Fête de la proclamation de la Constitution, le 25 septembre 1791, Pleyel dirigea, à la tête d’un orchestre « colossal », l‘Hymne à la liberté, qu’il avait écrit sur un texte de Rouget de Lisle ©. En décembre 1791, il partit pour Londres où il était invité à diriger la saison des Professional Concerts, concurrents des Concerts Salomon, dont la vedette était J. Haydn. Les deux compositeurs devaient présenter 12 symphonies nouvelles. La joute fut très courtoise, chacun rendant hommage à l’autre en ouvrant son premier concert par une œuvre de son « rival ». Pleyel revint à Strasbourg en mai 1792, après la déclaration de guerre à François II. Il acheta alors l’ancien prieuré d’Ittenwiller, devenu bien national, où il jugea prudent de se retirer. Durant la Terreur, il y cacha le peintre miniaturiste Jean-Urbain Guérin ©, compromis pour avoir défendu la reine aux Tuileries, le 20 juin 1792. Il ne serait donc pas étonnant qu’il ait fait l’objet de dénonciations, sans que cela puisse accréditer le récit romanesque de sa fuite à l’étranger, de son arrestation et de la composition, sous la contrainte, d’une vaste partition célébrant la journée du 10 août 1792. L’Autrichien n’avait pas attendu cet anniversaire pour se faire le chantre de l’idéologie en cours. Il écrivit notamment, en 1794, un Hymne pour la prise de Toulon et un Hymne à l’Être suprême, pour soli, chœur et grand orchestre, exécuté au Temple de la Raison (cathédrale) le 20 prairial II (9 juin 1794). La Révolution du 10 août ou le Tocsin allégorique fut écrite pour le second anniversaire de la prise des Tuileries et non en 1793, comme il est indiqué sur la page de titre de la seule copie existante, conservée à la Bibliothèque nationale. Il s’agit d’une symphonie à programme pour grand orchestre, avec final choral, où Pleyel a su ménager des effets spectaculaires, notamment en utilisant un jeu de 7 cloches, suspendues dans le chœur de la cathédrale. Fort de son succès, Pleyel présenta une pétition à la ville, conjointement à six musiciens de l’orchestre du Temple, à la suite de laquelle le Corps municipal décida de confier, pour la saison suivante, la direction du Théâtre à ce comité, qui formerait également le noyau d’un lycée musical (délibération du 22 novembre 1794). Décision sans lendemain. Pleyel vendit la propriété d’Ittenwiller à François Levrault © en 1795, pour s’installer à Paris, où il fonda, l’année suivante, une maison d’édition. Outre ses propres œuvres, il publia Haydn (notamment ses 83 quatuors à cordes), Beethoven, Hummel, Boccherini, Kalkbrenner…; il inventa la partition de poche (1802) et créa un remarquable réseau de distribution à l’étranger. En 1805, il fonda une manufacture de pianos et, associa son fils aîné, Camille ©, à ses différentes entreprises en 1815. Avant de mourir, il put encore inaugurer, rue Cadet, le 1er janvier 1830, les célèbres Salons Pleyel, où Chopin donna son premier concert en 1832.

Rita Benton a recensé environ 2 000 éditions, publiées du vivant de Pleyel, par 200 éditeurs. Le nombre exact des œuvres est difficile à préciser en raison des multiples transcriptions et arrangements dont elles ont fait l’objet: 1. Musique instrumentale: nombreuses sonates, sonatines et pièces diverses pour clavier ou harpe; 15 sonates pour violon ou flûte et piano; 49 duos pour divers instruments; 48 trios (sonates) avec clavier; 16 trios sans clavier; 70 quatuors à cordes; 15 quatuors pour flûte et cordes; 17 quintettes, un sextuor, un septuor; 8 concertos en de nombreuses versions; 6 symphonies concertantes; 41 symphonies; 21 œuvres diverses pour orchestre. 2. Musique vocale: pour voix et clavier: 12 Lieder, 1790; Hymne à la liberté (Rouget de Lisle), 1791; Hymne chanté au Temple de la Raison (mélodie et texte du 1er couplet de Rouget de Lisle), 1794; 32 Scottish Songs, pour 1-2 voix, piano, violon et violoncelle, 1792-1793; La prise de Toulon (J.-M. Chénier?), pour une voix soliste, chœur à 3 voix et clavier, 1794. Pour soli, chœur et orchestre: Hymne à l’Être suprême, 1794 (texte seul conservé); La Révolution du 10 août ou Le toscin allégorique, 1794; 2 messes, un requiem. 3. Musique théâtrale: Die Fee Urgele oder Was den Damen gefällt (J. K. von Pauersbach, d’après Favart), opéra pour marionnettes en 4 actes, Esterhaz, 1776; Ifigenia in Aulide (A. Zeno?), opéra en 3 actes, Naples, 1785. 4. Enseignement: Méthode pour le piano forte (en collaboration avec Dussek). Œuvres éditées à Strasbourg: Hymne à la liberté, Dannbach, 1791; 3 Quatuors concertants dédiés à Boccherini, F. Reinhard, 1803; 3 grands Duos pour violon et alto dédiés à J. U. Guérin, F. Reinhard 1805. Copies ms conservées à Strasbourg: Himne… chanté au Temple de la Raison (« Où courent ces peuples épars ») et Hymne à la liberté, recueil factice (Bibliothèque municipale de Strasbourg).

Feuille hebdomadaire de la Ville de Strasbourg, 1785-1792; Procès-verbal et description de la fête de l’Être Suprême, célébrée le 20 Prairial II, Strasbourg, 1794 (publié in Le Roy de Sainte-Croix, L’Alsace en fête sous la domination des Louis de France,Strasbourg, 1880, I, p. 421-435); Plan de la fête du 23 Thermidor… an II, Strasbourg, 1794; J. F. Lobstein, Beitrage zur Geschichte der Musik im Elsass, Strasbourg, 1840, p. 33-37; O. Commettant, Un nid d’autographes, Paris, 1886; idem, Histoire de cent mille pianos et d’une salle de concert, Paris, 1890; C. Pierre, Les hymnes et chansons de la Révolution, Paris, 1904, p. 216-221; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 461-462; Vogeleis, Quellen und Bausteine zu einer Geschichte der Musik und des Theaters im Elsass, Strasbourg, 1911, p. 732-750, 761-765; B. S. Brook, La symphonie française dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Paris, 1962, II, p. 542-590; G. Rothschild, L. Boccherini: sa vie, son oeuvre, Paris, 1962; J. Klingenbeck, « I. Pleyel, sein Streichquartett im Rahmen der Wiener Klassik », Studien zur Musikwissenschaft, LU, 1962; R. B. Smith, The Periodical Symphonies of I. Pleyel, diss. University of Rochester, New-York, 1968; R. Benton, « À la recherche de Pleyel perdu », Fontes XVII, 1970, p. 9-15; idem, I. Pleyel: a thematic catalogue of his compositions, New York, 1977; idem, « Pleyel as music publisher », Journal of the American Musical Society 32, 1979, p. 125-140; W. Lebermann, « I. J. Pleyel: Die Frühdrucke seiner Solokonzerte und deren Doppelfassungen », Die Musikforschung 26, 1973; Chr. Wolff et G. de Lavareille, « Notes d’histoire musicale et littéraire au XVIIIe siècle d’après les archives notariales strasbourgeoises », Revue d’Alsace, 104, 1966-1974, p. 121-125; A. Devriès, Fr. Lesure, Dictionnaire des éditeurs de musique française, Genève, 1979, I, p. 127-130; H. Ch. Robbins Landon, Haydn, Londres, 1980, III Haydn in England; G. Honegger, « Pleyel à Strasbourg durant la Terreur, » Revue de Musicologie 73, 1987, p. 113-119; idem, « I. Pleyel, maître de chapelle de la cathédrale de Strasbourg », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, 18, 1988, p. 31-41; idem, Sur la trace des musiciens célèbres à Strasbourg, Strasbourg, 1988, p. 40-46, 120-123.

Geneviève Honegger (1997)