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NOBLAT

Famille ancienne de Belfort, (C) déjà mentionnée au XVe siècle. Certains de ses membres semblent avoir exercé des charges municipales dès l’époque des archiducs, mais il faut toutefois attendre la période française pour les voir entamer une brillante ascension sociale, grâce à la réunion entre leurs mains des principaux offices seigneuriaux du comté de Belfort auxquels s’ajoutent, par la suite, plusieurs commissions royales.

1. Jean
Prévôt de Belfort (★ Belfort 15.1.1617 † Belfort 12.9.1681). Fils de Jean Noblat, dit le Jeune, cité en 1633 comme commandant de la milice bourgeoise de la ville, et de Françoise Grégoire, d’une famille anoblie par Charles Quint en 1531. ∞ I 1639 Jeanne Claudine Bourquenot. ∞ II 1665 Marie Françoise Courtot; nombreux enfants issus des deux mariages, parmi lesquels: Melchior ©2; Jean Pierre I (1648-1713), secrétaire de la ville et syndic de l’hôpital des bourgeois; Jean Claude (1666-1746), prévôt du chapitre de la collégiale; Sébastien (1668-1710), major au régiment de Greder-Allemand. En mars 1657, Noblat reçut, avec son frère JeanClaude, des lettres patentes d’armoiries accordées par l’archiduc Ferdinand Charles. Cependant, il ne tarda guère à lier la fortune de sa famille à la cause des nouveaux maîtres de Belfort, ce qui lui valut de recevoir les provisions de prévôt de la ville signées à Paris le 25 juillet 1668 par le duc Mazarin. En 1676, il donna une preuve de sa fidélité toute fraîche en dénonçant un complot pro-espagnol ourdi par un capucin de la ville. À sa mort, sa famille était solidement implantée dans la ville et y occupait les emplois les plus importants.

2. Melchior
Prévôt et bailli de Belfort (★ Belfort 15.1.1644 † Belfort 13.10.1713). Fils de Jean Nobat © 1 et de sa première épouse, ∞ Élisabeth Bourquenot († 1710); 2 fils, qui firent carrière dans l’armée: Jean François Joseph († 1745), capitaine au régiment Royal-Vaisseaux et chevalier de Saint-Louis; Antoine, capitaine au régiment de Reding, tué au blocus de Montmélian en 1705. Il semble avoir accompli des études à l’Université de Fribourg-en-Brisgau, mais il faut attendre 1677 pour qu’un arrêt du Parlement de Metz le qualifie de «commissaire en la préfecture royale de Haguenau». Il fut également docteur en médecine. Le 1er septembre 1681, il succéda à son père à la prévôté de Belfort. Profitant de l’introduction de la vénalité des charges dans les domaines des Mazarin, il racheta son office auquel il ajouta celui de bailli de justice du comté (22 juillet 1698). Cependant, en 1699, à la suite d’un désaccord avec le duc, il s’en sépara en faveur de son neveu François © 3.

3. Jean François
Prévôt et bailli, subdélégué de l’intendant (★ Belfort 2.3.1676 † Belfort 12.10.1752). Fils de Jean Pierre I Noblat, secrétaire de la ville, et de Marie Cunégonde Steiger. Neveu de Melchior Noblat © 2. Célibataire. Licencié en droit de l’Université de Paris, il fut reçu au barreau du Conseil souverain le 13 février 1699 et succéda la même année à son oncle © 2 à la prévôté et au bailliage de Belfort. En 1716, l’intendant d’Alsace d’Angervilliers © fit de lui son subdélégué pour cette partie de la Haute Alsace. Administrateur de qualité et consciencieux, il mena dès lors d’une main ferme les affaires du comté et celles de la subdélégation. Imbu du pouvoir qu’il représentait et très jaloux de son autorité, il n’en resta pas moins, tout au long de sa carrière, le très dévoué collaborateur des intendants successifs. Épris d’urbanisme, il marqua Belfort de son empreinte en faisant édifier sur la place d’Armes de la ville un hôtel particulier (actuel Hôtel de ville) et surtout en contribuant par son crédit (et ses propres deniers) à la construction d’une nouvelle collégiale (actuelle cathédrale Saint-Christophe), bel édifice de style classique en grès des Vosges. Les difficultés financières suscitées par cette réalisation de prestige provoquèrent d’ailleurs quelques heurts avec les bourgeois, qui supportèrent mal l’autoritarisme du subdélégué et n’hésitèrent pas à déposer contre lui un mémoire virulent, l’accusant des pires malversations (1740). L’appui inconditionnel de l’intendant Feydeau de Brou © lui valut, ainsi qu’à son neveu François Bernardin © 5, titulaire du bailliage depuis 1737, de ne pas être inquiété et de continuer à conforter leur domination dans la ville. Il fonda les plus grands espoirs sur son neveu, qu’il associa de plus en plus ouvertement aux affaires à partir de 1747. À sa mort, il fut inhumé dans l’église à la construction de laquelle il avait tant œuvré. Profondément dévot, il s’était également occupé de plusieurs œuvres charitables.

4. Jean Pierre II
Bailli de Masevaux-Rougemont (★ Belfort 17. 5. 1682 † Masevaux 23. 11. 1755). Frère cadet de Jean-François Noblat © 3. ∞ 1711 Marie Catherine Münck († 1767), fille d’un conseiller du prince-évêque de Bâle; un seul fils survivant: François Bernardin © 5.Après des études de droit, il s’inscrivit au barreau du Conseil souverain. Afin de lui procurer un revenu, son frère lui céda, en 1708, plusieurs offices de bailli dans quelques seigneuries voisines de Belfort: Roppe, Essert, Morvillars, Méziré. Ayant hérité de son père en 1713 les offices de secrétaire et de greffier de la ville, il abandonna le premier en 1732 et vendit l’autre en 1745. Enfin, son aîné obtint en sa faveur l’érection d’un bailliage de département à Masevaux, dont il était par ailleurs le bailli de justice depuis 1730. «C’est un homme franc qui fait bien et simplement sa besogne» aux dires de l’intendant Mégret de Sérilly ©.

5. François Bernardin
Bailli et prévôt de Belfort, subdélégué de l’intendant (★ Belfort 20. 5. 1714 † Sévenans 17. 6. 1792). Fils de Jean-Pierre Noblat © 4. ∞ 27. 4. 1737 Anne Appolonie Joséphe Schwilgué (★ 1717 † 1797), apparentée à de nombreux conseillers de Colmar; 2 fils qui suivent et 6 filles, toutes mariées dans la noblesse de robe ou d’épée (familles d’Artus ©, Barbier de Tinan ©, de Girardier, Michelet © 3, Queffemme © et Hirtzelde Saint-Gratien). Assurément la plus brillante personnalité de la famille. Après des études de droit accomplies à Strasbourg de 1730 à 1732, et la soutenance d’une thèse, il s’inscrivit au barreau du Conseil souverain, le 9 janvier 1733. Initié aux affaires par son oncle François © 3, il reçut de ce dernier le bailliage de Belfort en 1737 et la prévôté en 1738. Victime, comme lui, de l’hostilité d’une partie du Magistrat de la ville, il bénéficia cependant du soutien total de l’intendance. Commissaire ordinaire des guerres au département de Belfort, le 20 mai 1746, il fut associé à son oncle en 1747 et lui succéda à la subdélégation après sa disparition. Ainsi que le résume un contemporain, «il a tout et il est tout». Travailleur acharné et très au fait des affaires, il fut surnommé le «petit intendant». Si tous s’accordent pour reconnaître en lui un administrateur hors-pair, l’éclat de sa fortune n’en suscita pas moins de nombreuses jalousies (ou soupçons), de même que son autoritarisme blessa quelques susceptibilités. On compte à son actif la création d’une pépinière royale à Belfort, l’achèvement de la route d’Alsace en Lorraine par le Ballon de Giromagny, et la reconnaissance des premiers tracés du futur canal du Rhône au Rhin. En matière d’exploitation forestière, il employa toute son énergie pour faire respecter les dispositions du règlement général de 1761, mais il se heurta aux oppositions conjuguées des communautés, des seigneurs et des baillis. Son acharnement à défendre les prérogatives de l’intendance lui valut d’être victime d’une campagne de dénigrement, qui l’amena finalement à présenter sa démission en 1768. Il ne quitta cependant Belfort qu’en 1770, après avoir vendu les offices seigneuriaux, propriété de sa famille depuis un siècle. Installé en qualité de commissaire des guerres à Strasbourg, il travailla alors à la délimitation des frontières de la province sur le cours du Rhin, en vertu de la commission royale qu’il avait reçue le 19 mai 1769. En 1776, il passa à Landau. En 1784, son fils © 6 lui succéda dans la commission des limites, mais il le seconda jusqu’en 1790. Il se retira alors dans sa seigneurie de Sévenans, acquise par échange avec la duchesse de Mazarin en 1768. Depuis 1759, il possédait également celle de Morvillars qu’il avait rachetée aux héritiers légitimes. Il s’attacha à développer la tréfilerie qui y était installée (la première du pays) et lui ajouta une clouterie, une forge et une manufacture de bonneterie. La protection qu’il accordait à des entrepreneurs protestants suscita d’ailleurs l’aigreur des habitants du lieu, menés par leur curé. Chevalier de Saint-Louis. Il mourut dans son château de Sévenans et fut inhumé à Bermont.

6. François Pierre Marie, dit NOBLAT de MORVILLARS
Administrateur militaire (★ Belfort 10.6.1752 † Paris 26.12.1827). Fils de François Bernardin Noblat © 5. Entré au régiment d’Alsace Infanterie à 13 ans; sous-lieutenant le 15 décembre 1766. Il suivit également des études de droit à Strasbourg de 1768 à 1770. Reçu avocat au Conseil de Colmar le 17 août 1770, il compléta sa formation par deux années d’études à Vienne et Leipzig, ainsi que par un séjour auprès de la diète à Ratisbonne. Le 15 juin 1773, il fut adjoint à son père comme commissaire des guerres à Strasbourg, puis à Landau à partir de 1776. Le 12 mars 1779, ce dernier lui céda son brevet de commissaire des guerres et lui fut adjoint à son tour. De nouveau à Strasbourg en 1780, il demanda à participer à l’expédition de Gibraltar, mais n’obtint qu’un poste dans l’armée de Jaucourt, chargée de calmer des troubles à Genève en 1782. Le 9 juillet 1784, le roi lui confia la commission des limites dont son père était chargé. En 1788, il retrouva son poste à Landau et y demeura jusqu’en 1791. Élu député du Bas-Rhin à la Législative le 31 août 1791, il démissionna, préférant sa carrière militaire. Affilié à la franc-maçonnerie depuis 1777 et membre de la Société des Amis de la Constitution de Landau, il ne parut pas hostile à la Révolution. Il participa comme ordonnateur à l’expédition de Porrentruy en 1792, puis fut nommé à Colmar, mais ne put prendre possession de son poste qui était occupé par un protégé de Reubell ©. Réintégré par un représentant en mission, il se vit cependant accuser de fédéralisme et fut envoyé devant le tribunal militaire du Haut-Rhin qui le relâcha (1794). Sous le coup d’une seconde inculpation, il fut obligé alors de s’enfuir en Suisse. Il fut radié de la liste des émigrés en 1795 grâce à l’appui de l’ambassadeur Barthelémy. Il termina sa carrière d’abord en qualité d’administrateur de l’hôpital militaire de Bourbonne puis de Mayence, enfin, en 1803, comme ordonnateur de la 20e division militaire à Périgueux. Retraité à partir de 1810.

7. Marie Pierre François
Officier (★ Belfort 1.2.1754 † Strasbourg 25.9.1816). Frère cadet de François Pierre Marie Noblat © 6. ∞ 15.2.1789 à Colmar Marie Catherine Bruges, petite-fille de l’avocat François Bruges ©; une fille Marie AdèleJosèphe (1801-1828), Alexandre Jules de Metz, union d’où est issue la famille de Metz-Noblat. Entré comme cadet au régiment de Castella le 15 avril 1769. Lieutenant au régiment de Schonau (le même) en 1783. En 1788, son père lui acheta une compagnie dans le régiment suisse de Reinach. Menant une vie dissipée dans ses différentes garnisons, il accumula les dettes. Il fut affilié à la franc-maçonnerie à partir de 1770 et devint membre correspondant de la Tabagie littéraire de Colmar en 1785. Fidèle au roi, à la suite du licenciement des régiments ordonné par l’Assemblée le 30 août 1792, il rejoignit l’armée des Princes et recruta pour leur compte. Porté sur la liste des émigrés du Haut-Rhin, il mena une existence difficile et dut attendre 1802 pour bénéficier d’une amnistie. En 1803, il obtint une charge de garde général des forêts à Colmar. En 1809, il fut sous-inspecteur des forêts des îles du Rhin. À la Restauration, il fut décoré de l’ordre du Lys et de la croix de Saint-Louis. Enfin, en 1816, il fut sous-inspecteur des forêts à Haguenau.
Archives nationales, M 493 et 610; Archives départementales du Territoire de Belfort, 21J1-61, Fonds Metz-Noblat; H. de Metz-Noblat, «Notice généalogique sur la famille Noblat», Bulletin de la Société belfortaine d’émulation, 1932, p.65-75; Y. Baradel, Belfort au XVIIIe siècle, Bulletin de la Société belfortaine d’émulation, 1983 (hors-série); J. de Metz-Noblat, Notes sur la famille Noblat, Nancy, 1984, dactyl. (un exemplaire aux Archives départementales du Territoire de Belfort); Ph. Dattier, Le Comté de Belfort (1659-1791), thèse, Besançon, 1984; Encyclopédie de l’Alsace, IX, 1984, p.5556; V. Chappuis, François-Bernardin Noblat, le petit intendant, maîtrise,Strasbourg, 1988; idem, «Deux émigrés: les frères Noblat», Bulletin de la Société belfortaine d’émulation, 1989, p.3-12; idem, «François-Bernardin Noblat (1714-1792), «commissaire aux limites» de la province d’Alsace», Revue d’Alsace, 118, 1992, p.45-70; idem, Les baillis de département au XVIIIe siècle. Avatars et contradictions d’une administration, ibidem, 1995, p.81-96.

Vincent Chappuis (1996)