Homme politique, écrivain, journaliste, (C) (★ Belfort 15.1.1892 † Paris 15.4.1978, inhumé à Maubourguet, Hautes-Pyrénées). Fils de Joseph Naegelen originaire de Wegscheid, boulanger-épicier, conseiller municipal radical-socialiste, et de Marie Ober, originaire de Bourbach-le-Bas, boulangère, ∞ 28.3.1920 à Maubourguet, Hautes-Pyrénées, Marcelle Joséphine Albertine Marie Moulédous; 1 fils. Le jeune Naegelen passait ses vacances chez sa grand-mère maternelle à Bourbach-le-Bas, il y apprit le dialecte alsacien et profita même du décalage des dates des congés scolaires pour fréquenter l’école du village afin de se perfectionner en allemand. Études au lycée de Belfort, à l’École normale d’instituteurs de Paris-Auteuil et à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Il adhéra en 1912 au Parti socialiste SFIO. Mobilisé en 1914, il combattit notamment en Champagne, où il fut blessé (1915) et à Verdun. Démobilisé à Strasbourg en août 1919, il y fut nommé professeur de lettres à l’École normale d’instituteurs (protestante), où il enseignait sous l’uniforme depuis novembre 1918, et il continua à militer au Parti socialiste. Président de la section du Bas-Rhin du Syndicat national des instituteurs et militant de la Ligue des droits de l’homme et de la Ligue de l’enseignement, il fit sans cesse campagne pour l’introduction des lois laïques en Alsace et en Moselle. Il fut candidat sur la liste socialiste aux élections législatives de 1924 dans le Bas-Rhin. Élu sur la liste de Jacques Peirotes © aux élections municipales de Strasbourg en 1925, il devint adjoint au maire. Conseiller municipal d’opposition à la municipalité Hueber © en 1929, il fut adjoint au maire Charles Frey © à partir de 1935. Il se présenta sans succès au premier tour des élections législatives de 1928 à Molsheim contre Henri Meck ©. En 1932 et 1936, candidat à Strasbourg 2, il fut battu au second tour par Mourer ©. Il avait été plusieurs fois candidat aux élections cantonales, notamment à Schirmeck en 1925, mais il ne fut élu au Conseil général que le 17 octobre 1937, en battant Charles Roos © à Strasbourg-Est. Membre de la Commission administrative permanente de la SFIO depuis 1926 (sauf de juin 1929 à mai 1934), il devint en 1931 vice-président de la Fédération socialiste du Bas-Rhin et succéda en 1935 à Peirotes à la présidence de cette Fédération et à la direction politique de son quotidien, Die freie Presse. Très sensible à la menace nazie, il dénonça l’aile pacifiste du parti, lors du 35e congrès national de la SFIO de juin 1938. Il prépara par une mission à Périgueux en avril 1939, puis il coopéra en septembre à l’évacuation de la population strasbourgeoise vers la Dordogne. Il fut ensuite adjoint au maire délégué à Périgueux. Après l’armistice de juin 1940, resté dans cette ville, il participa à la rubrique littéraire du quotidien, maréchaliste mais relativement non-conformiste, Le Mot d’ordre, publié à Marseille par L.-O. Frossard, et dont son frère, René Naegelen, était secrétaire général. Il enseigna à l’École normale, mais le gouvernement de Vichy continua à lui verser son indemnité d’adjoint au maire de Strasbourg. Il participa à la résistance au sein du mouvement «Combat». Selon Henri Meck, il aurait refusé de participer en 1942 à Vichy à une réunion des élus alsaciens, convoqués pour adopter une protestation contre l’incorporation de force, qu’il jugeait inopportune. Dès septembre 1944, il entra au Comité directeur du Parti socialiste SFIO et s’y montra un adversaire déterminé de l’unité organique avec le Parti communiste. Il fut aussi membre du comité directeur du Mouvement de libération nationale et délégué à l’Assemblée consultative provisoire au titre de la Résistance métropolitaine. Il s’y fit le porte-parole de l’Alsace au cours de la séance solennelle où fut annoncée l’entrée de la 2eDB à Strasbourg. Le26 novembre 1944, il rentra à Strasbourg, reprit ses fonctions d’adjoint au maire et siégea à partir du 26 janvier 1945 au Comité départemental de Libération. Seul réélu en octobre 1945 au conseil municipal en tête des listes de la gauche unie dans un canton (Est) dès le premier tour, il commit l’erreur de prendre à nouveau la tête de la liste de l’Union républicaine démocratique et antifasciste dans les trois autres cantons et perdit ainsi toutes chances de devenir maire de Strasbourg. Frey en fit pourtant son premier adjoint. Il fut réélu aussi au conseil général. Député du Bas-Rhin à la première Assemblée constituante, dont il devint vice-président, président du groupe parlementaire socialiste et président de la Haute-Cour de Justice (31 décembre 1945 – 26 janvier 1946). Il fut réélu député du Bas-Rhin à la deuxième Assemblée constituante le 2 juin 1946, puis à l’Assemblée nationale le 10 novembre 1946. Il fut aussi réélu au conseil municipal en octobre 1947, mais le groupe socialiste était désormais dans l’opposition au maire Frey. Choisi le 26 janvier 1946 comme ministre de l’Éducation nationale par Félix Gouin, il conserva ce poste dans les gouvernements Bidault, Blum, Ramadier et Schuman jusqu’en février 1948. Parmi les principales réalisations de ce long ministère, on peut citer la réorganisation du Conseil supérieur de l’Éducation nationale, le reclassement des enseignants dans la grille hiérarchique de la fonction publique, la création des séries techniques du baccalauréat, la réorganisation des Écoles normales primaires. Partisan de la nationalisation de l’enseignement privé et de l’extension des lois laïques à l’Alsace et à la Moselle, il se heurta à plusieurs reprises à Fonlupt-Esperaber ©, défenseur du statut scolaire local. Le 12 février 1948, il fut nommé gouverneur général de l’Algérie pour remplacer Yves Chataigneau considéré comme «arabophile» et «marxiste» par les représentants des colons. Parlementaire en mission, sa nomination fut renouvelée à cinq reprises pour six mois malgré des difficultés d’ordre juridique. Chargé d’appliquer le nouveau statut de l’Algérie, il se heurta au nationalisme algérien, qu’il assimilait à l’autonomisme alsacien d’avant-guerre. Convaincu que tous les moyens étaient bons pour maintenir la souveraineté française absolue, il permit à l’administration d’organiser la fraude électorale dans le deuxième collège (citoyens de statut local) lors des élections à l’Assemblée algérienne d’avril 1948 et de février 1951. Cette dérive fut dénoncée à plusieurs reprises à la tribune de l’Assemblée nationale par Fonlupt-Esperaber. Il aurait fait pression sur le garde des Sceaux René Mayer, député d’Algérie, pour l’empêcher de proposer la grâce de Joseph Rossé ©. Son œuvre réformatrice ne fut pas négligeable: augmentation des salaires agricoles, création d’un système de sécurité sociale, équipement des villages de l’intérieur, construction d’écoles, fusion des enseignements primaires européens et indigènes, égalité des droits pour les anciens combattants musulmans, recrutement des caïds par concours, interdiction des méthodes brutales dans les interrogatoires policiers. Il aurait prévenu le gouvernement que les nationalistes préparaient une insurrection armée, mais n’aurait pas été pris au sérieux. En conflit avec son propre parti, parce qu’il refusait de lever une sanction prise contre un administrateur qui s’était refusé de collaborer à sa politique électorale, il démissionna le 16 mars 1951 et quitta Alger le 15 avril. Résidant désormais à Paris, il abandonna l’Alsace, où son parti connaissait une baisse sensible d’influence, du fait du développement du gaullisme politique.
En juin 1951, il fut élu député des Basses-Alpes, où s’était établi son fils, médecin, et réélu en 1956. Très méfiant envers le peuple allemand qui «n’est pas un peuple comme les autres», il s’opposa à son réarmement dans le cadre de la Communauté européenne de défense. À plusieurs reprises, le président de la République Vincent Auriol, qui l’avait en haute estime, songea à lui confier la présidence du Conseil. En décembre 1953, il fut candidat de la SFIO à la présidence de la République, il obtint même le soutien des communistes, mais il fut battu au douzième tour par René Coty par 328 voix contre 477. En mai 1954, le gouvernement Laniel lui proposa le poste de résident général au Maroc, mais le comité directeur socialiste lui demanda de refuser cette offre. À partir de 1955, il s’engagea publiquement dans le camp de l’Algérie française. Lors de la crise de mai 1958, tout d’abord opposé au retour au pouvoir du général de Gaulle, il vota son investiture le 1er juin 1958 et se prononça pour le «oui» au référendum constitutionnel. Battu aux élections législatives de novembre 1958 dans les Basses-Alpes et atteint de la maladie de Parkinson, il se retira de la vie politique. Auteur de romans, poèmes, pièces de théâtre. Il fut vice-président (1928-1940), puis président de la Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine (1945-1958) et président du Théâtre alsacien de Strasbourg. Il était membre de l’Académie des sciences coloniales (puis d’Outre-Mer) depuis 1950. Légion d’honneur (commandeur, 1951); croix de Guerre 1914-1918; médaille militaire; croix de Guerre 1939-1945 avec palme; médaille de la Résistance avec rosette.
Les frissons de l’enfance, poésies, Besançon, 1908; L’immortelle espérance, poèmes, Paris, 1917 (2e éd., Alger,1949); La conversation de Georges Burkhardt, instituteur alsacien, roman, (préface de G. Delahache ©, Strasbourg, 1922 (prix Jean Revel, 1923; réédition, Paris, 1923); Le revenant,roman, Strasbourg, 1927; Histoires et figures d’Alsace, Strasbourg, 1928; Les morts reviennent, «Vermisst.»…, drame en un acte en prose, Strasbourg, 1930; So sinn mer halt. Luschtspiel in drei Akt, Strasbourg, 1931; D’Fermelltis, Drama in 3 Akt, Strasbourg, 1931 (2e édition, 1939); La grande pitié du livre français, Paris, 1948; Discours de remerciement à la séance de réception, Comptes rendus mensuels des séances de l’Académie des sciences coloniales, 12, séance du 5 décembre 1952; Grandeur et solitude de la France, essai, Paris, 1956; Avant que meure le dernier…, Paris, 1958; Nous n’irons plus au bois, roman, 1960; Tito, Paris, 1961; L’Hexagonie, Paris, 1961; Mission en Algérie, Paris, 1962; Une route plus large que longue, Paris, 1965; L’immortelle espérance (Prix Clovis-Hugues de la Société des poètes français, 1964); La révolution assassinée, Hongrie 1956, Paris, 1966; L’attente sous les armes ou la drôle de guerre. Souvenirs et documents sur la Troisième République, 1970. Nombreux poèmes publiés entre les deux guerres dans Freie Presse, Dernières nouvelles de Strasbourg, D’r ElsässerKalender, La maison de Socrate.
Archives départementales du Bas-Rhin, 98 AL HI1; Freie Presse (1924-1940); Dernières Nouvelles de Strasbourg des 20.11.1928, 18.2.1929, 8.1.1931, 29.1.1931; Neue Welt du 13.11.1931; Neueste lllustrierte du 29.11.1931 (photo); Journal d’Alsace-Lorraine du 3.12.1931; Strassburger Neueste Nachrichten du 1.6.1932; Presse libre (1944-1951); L’Alsace du 7.6.1945; L’Humanité d’Alsace des 30 et 31.5.1946; Honneur et Patrie du 1.8.1947; Compte rendu de l’administration de la ville de Strasbourg 1935-1945, Strasbourg, 1948; «Discours de réception du maréchal Juin» Comptes rendus mensuels des séances de l’Académie des sciences coloniales, XII, séance du 5.12.1952; Dictionnaire biographique français contemporain, Paris, 1954, p.486-487; J. Fauvet, La IVe République, Paris,1959, p.161, 196, 306, 308, 310, 365, 377, 406; G. Elgey, La République des illusions, Paris, 1965; T. Oppermann, Le problème algérien, Paris, 1961, p.95-98; R. Naegelen, Cette vie que j’aime, 1964; V. Auriol, Journal du Septennat 1947-1954, 7 vol., Paris, 1970-1978, index; B. Deck et alii, Les élections municipales à Strasbourg 1945-1971, Strasbourg, 1971; R.Quilliot, La SFIO et l’exercice du pouvoir 1944-1958, Paris, 1972, en particulier p.265-268, 435-437, 458-460, 486-487,491, 499-500; E. Depreux, Souvenirs d’un militant, Paris, 1972; A. Sauvy, De Paul Reynaud à Charles de Gaulle, p.186-187; Bottin mondain, 1973; P.-J. Schaeffer, L’Alsace et l’Allemagne de 1945 à 1949, Metz, 1976; R. Verdier, PS-PC,une lutte pour l’entente, Paris, 1976, p.207; C. Schneider, «Au berceau de notre société», Annuaire de ta Société des écrivains d’Alsace et de Lorraine 1927-1977, Strasbourg, 1977; Dernières Nouvelles d’Alsace du 18.4.1978; A. Horne, Histoire de la guerre d’Algérie, Paris,1980, p.73, 204; Chr. Baechler, Le Parti catholique alsacien, Paris, 1982, p.499-541; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, IV, 1982; M. Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, Résistance et collaboration, Paris, 1982; Encyclopédie de l’Alsace, IX, 1984, p.5461-5463; J. Vaujour, De la révolte à la révolution. Aux premiers jours de la guerre d’Algérie, Paris, 1985; G. Pervillé, «La «gestion radicale» de l’Algérie (1950-1955)», Cahiers d’histoire, Lyon, 1986, n°3-4, p.275-276; J. Isorni, Mémoires, t.2, Paris, 1986, p.332-334; P. Eveno, J. Planchais, La guerre d’Algérie, Paris, 1990; Dictionnaire des Ministres (1789-1989), Paris, 1990, p.827-828; Maitron, dir., Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, XXXVII, 1990, p.206-208; R. Paira, Affaires d’Alsace, Souvenirs d’un préfet alsacien, Strasbourg, 1990, p.201, 221-222; C. Bourdet, Mes batailles, Ozoir-la-Ferrière, 1993, p.39-40; P. Miquel, La guerre d’Algérie, Paris, 1993, p.88-89; B. Vogler, Histoire culturelle d’Alsace, Strasbourg, 1993, p.404, 462; A. Irjud, «La «désannexion», Saisons d’Alsace, n°127,1995, p.205-216; D. Badariotti, R. Kleinschmager, L. Strauss, Géopolitique de Strasbourg, Strasbourg, 1995, p.37, 40-42,45-48, 50-51, 80; B. Vogler, Histoire politique de l’Alsace, Strasbourg, 1995.
Léon Strauss (1996)