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MÉDARD Frère (WILLER Georges)

Animateur de la vie culturelle et politique, (C) (★ Hipsheim 2.4.1899 † Strasbourg 3.4.1988).

Fils de François Ludan Willer, agriculteur, et de Marie-Madeleine Kintz. Fréquenta l’école primaire de Hipsheim puis le juvénat de la Congrégation des Frères de Matzenheim à Ehl où il fit dans la suite son noviciat. Les Frères de Matzenheim enseignant dans les écoles publiques en Alsace, il entra en 1915 à l’École normale d’instituteurs à Obernai. De novembre 1917 à ovembre 1918, il fut mobilisé dans l’Armée allemande. Après l’Armistice, il rejoignit la congrégation, prononça ses premiers vœux le 17 septembre 1921 et les vœux perpétuels le 9 octobre 1927; il reçut le nom de Frère Médard. Le 9 octobre 1919, il avait été nommé maître-adjoint à l’école de Boersch, puis à Zelsheim. En 1925, la congrégation lui confia la direction d’un home d’étudiants qu’elle venait de créer à Strasbourg, place Saint-Étienne. Il y déploya une intense activité pour aménager, équiper, moderniser les locaux. Il sut créer une atmosphère familiale et une animation culturelle toujours renouvelée en organisant des représentations théâtrales, des débats politiques, des tribunes libres sur des sujets d’actualité, des conférences publiques, des voyages… Ces manifestations auxquelles participèrent des personnes extérieures à l’établissement ou à l’Alsace connurent un retentissement qui dépassait le cadre de ce qui s’appela désormais le Foyer de l’étudiant catholique et, plus brièvement, le FEC. Pendant la période 1939-1940, Strasbourg étant évacuée, Frère Médard fit un remplacement à l’école de Boersch puis prit, en intérim, la direction du collège de Matzenheim. À l’arrivée des Allemands, les bâtiments du FEC furent confisqués (on y installa le Kriegerverein) et son directeur mis à la porte. Frère Médard, avec quelques frères chassés de leurs écoles, constitua une petite communauté logée 1 rue Saint-Léon, chacun trouvant un travail pour participer aux dépenses. Frère Médard suivit des cours de théologie au Séminaire Saint-Thomas de la Robertsau (pour éventuellement accéder à la prêtrise), fut organiste à la paroisse du Port du Rhin et catéchiste à l’école de la Musau. Dès la Libération, il parvint à récupérer les bâtiments du FEC et y réaménager des chambres. En même temps, il ouvrit au FEC une cantine, où, en attendant les étudiants, des anciens et des amis du FEC prenaient leurs repas. La plupart d’entre eux prirent, dans la suite, une part active à la vie du FEC. Il multipliait les contacts avec les hommes politiques et les personnalités de Strasbourg et créa dès 1944 le Groupement des intellectuels chrétiens-sociaux, plus connu sous le sigle ICS, en vue d’étudier les problèmes de l’heure (en particulier l’épuration) et de proposer des solutions. Lui-même était favorable à la fusion du Parti républicain populaire d’Alsace avec le parti national apparenté: le MRP, et pour le renouvellement des idées et du personnel politiques.

Frère Médard resta directeur du FEC jusqu’à sa mort et son dynamisme put s’exercer dans deux directions principales : du côté des étudiants, en développant au maximum les possibilités de logement, de vie commune et de loisirs, grâce à l’achat de terrains et de maisons avoisinants, la construction d’un pavillon neuf et l’utilisation judicieuse des anciens bâtiments: l’obtention en 1954 du statut de restaurant universitaire vit monter en flèche le nombre des repas servis et fit mieux connaître le FEC dans les milieux étudiants. À une maison acquise au col de Steige en vue de réunions estivales, s’ajoutèrent bientôt un chalet et d’autres bâtiments, le tout formant une maison familiale de vacances et servant, aux autres périodes, à des séminaires et des sessions de formation ainsi que pour les journées annuelles de synthèse le 1er mai. Malgré l’accroissement de ses pensionnaires, Frère Médard s’efforça de maintenir un contact personnel avec le plus grand nombre en les suivant dans leurs problèmes, leurs débats et parfois leurs chahuts. En les faisant participer aux manifestations des ICS et en organisant à leur intention des dîners-débats, des sessions d’études, des conférences et des visites d’entreprises pour les initier aux problèmes politiques, économiques, artistiques, à l’histoire et à la culture alsaciennes, il leur permettait d’élargir leur horizon, de compléter et de diversifier leur formation. L’autre champ d’action de Frère Médard, qui visait un public plus large, n’a pas manqué d’initiatives courageuses et audacieuses. Son côté le plus spectaculaire fut l’organisation des cycles annuels de conférences publiques qui firent défiler au FEC quelques-uns des grands ténors de la politique, de la science et de la pensée contemporaines. Des sujets controversés et brûlants y étaient abordés : l’Europe, les prêtres-ouvriers, la décolonisation, la réforme de l’enseignement et de l’apprentissage… Les « Mardis du FEC » s’attaquaient, de leur côté, aux problèmes régionaux (bilan de l’industrie, niveau culturel de l’Alsace, situation et avenir de l’agriculture, etc.) ainsi qu’à d’autres questions littéraires ou artistiques. Les diverses commissions spécialisées des ICS publiaient le résultat de leurs travaux, soit dans les bulletins réguliers sur la vie au FEC, soit dans des documents séparés : ainsi la commission Éducation sexuelle ou la commission Construction qui voulait informer et conseiller ceux qui désiraient accéder à la propriété immobilière. En 1957, Frère Médard créa le mensuel Élan qui permettait de rendre compte régulièrement de l’activité des ICS. On y trouvait le texte des conférences données au FEC, des articles de dénonciation et de contestation ainsi que des propositions, parfois sous forme de dossiers complets, élaborées par les commissions « politique », « santé-famille », « industrie et recherche » et autres. La commission « Bilinguisme », après une campagne de démythification du problème, a présenté des propositions concrètes pour une éducation bilingue à l’école et dans la famille dont on a fini par reconnaître le bien-fondé. En 1959, Frère Médard mit sur pied une équipe des ICS — avec Gabriel Wackermann © — le premier Congrès européen des loisirs dont les assises annuelles se tinrent pendant une vingtaine d’années. Pendant 63 ans (à l’exception des années de guerre), Frère Médardsut mener cette multiple activité et faire d’un simple foyer d’étudiants un carrefour d’idées et un lieu de rencontre privilégié en Alsace. Il avait le don de réunir les hommes, de créer et d’animer des équipes efficaces. Par son optimisme et son entrain communicatifs, son accueil chaleureux, son ouverture d’esprit, sa serviabilité sans faille, son langage direct et truculent et sa faculté d’adaptation à toutes les situations, il sut s’attacher tous ceux qui l’ont connu. Chevalier de la Légion d’honneur (1950). Stella della Solidarità italiana (1958). Officier d’Académie (28 février 1984). Grand Bretzel d’or (30 octobre 1984).

Frère Médard, L’Alsace fidèle à elle-même, Strasbourg, 1988.

Dernières Nouvelles d’Alsace des 4. et 5.4.1988 ; L’Alsace des 6.4. et 28.9.1988 ; L’Est agricole et vinicole du 8.4.1988; L’Ami du Peuple du 10.4.1988; Hommage à Frère Médard, Elan, n° spécial, avril 1989 ; trois mémoires de maîtrise traitant du Frère Médard ont été présentés à l’Université de Strasbourg II en 1991 : L. Mager, Frère Médard (1899-1988). Une mémoire pour l’Alsace ; Ph. Meyer, Un témoin et acteur de la vie politique, sociale et culturelle : le FEC à Strasbourg ; D. Francou, Les activités intellectuelles au FEC de 1925 à nos jours.

Paul Metz (1995)