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MARTIN Arbogast

Evêque constitutionnel du Haut-Rhin, (C) (★ Walbach 23.4.1731 † Colmar 11.6.1794).

Fils d’Ignace Martin, prévôt, et de Salomé Diringer. Ordonné prêtre du diocèse de Bâle le 17 avril 1756, il fut d’abord chapelain à Wattwiller en 1759, puis successivement vicaire à Guebwiller de 1760 à 1762, vicaire à l’abbaye de Murbach de 1763 à 1773, curé de Murbach le 23 mars 1773, puis de Notre-Dame de Guebwiller en 1774 après la sécularisation du chapitre, régent de troisième au collège royal de Colmar le 23 septembre 1777, sous-principal du même collège en 1782. Le 20 février 1791, il prêta le serment civique à Colmar, après les remontrances des commissaires du roi et sans doute dans la crainte d’être destitué, se fit recevoir au club des Jacobins de Colmar, où sa présence ne fut par ailleurs signalée qu’une fois. Bien qu’il eût juré avec plusieurs semaines de retard il n’en resta pas moins le premier assermenté de Colmar, celui dont l’exemple avait entraîné une partie de ses collègues et à qui le chef-lieu devait de posséder des prêtres constitutionnels. Tel fut, semble-t-il, le principal titre qui lui valut trois voix à l’élection épiscopale du 7 mars 1791, laquelle vit la désignation de Gobel ©. Ce dernier ayant également été élu à Paris le 13 mars et optant finalement pour ce siège, une nouvelle élection dut avoir lieu à Colmar à la collégiale Saint-Martin le 28 mars 1791. Les électeurs, désemparés par la défection de Gobel et ne trouvant parmi les jureurs aucun homme marquant dont la désignation s’imposât, choisirent Martin au second tour par 177 voix, dont certaines luthériennes, sur 331, alors que l’évêque de Bâle de Roggenbach © en obtenait pour sa part 59, bien que non candidat et pour cause. Le 5 avril 1791, au moment même où l’Assemblée nationale applaudissait un des membres lui annonçant l’élection de Martin, l’évêque de Bâle adressa un bref épiscopal à son clergé et aux fidèles, déclarant que les pouvoirs de l’évêque constitutionnel étaient canoniquement nuls et que l’Église catholique romaine lui interdisait toute fonction épiscopale. Cela n’empêcha pas Martin de se faire sacrer par Gobel à Notre-Dame de Paris le 10 avril. Revenu à Colmar le 16 avril , il prit possession de la collégiale Saint-Martin, devenue cathédrale, le 17 avril, et y chanta sa première grand-messe pontificale. Dans sa première lettre pastorale du mois d’avril, il fit l’apologie de la Révolution tout en affirmant sa fidélité à l’Église catholique et aux Écritures. Mais il rencontra de suite des difficultés. Le 26 avril 1791, le curé de Neuf-Brisach refusait par écrit de prendre les saintes huiles près de lui ; le 1er août 1791, il se fit traiter « d’évêque de carneval » par celui de Soppe-le-Haut. En face de résistances dont il n’avait sans doute pas prévu la gravité, il s’affola et ne trouva de salut que dans l’intervention violente des autorités civiles. Lors de la fermeture des couvents de mai à septembre 1791, ses interventions pour récupérer des ornements liturgiques exaspérèrent la population. Son mandement de carême de février 1792 fut une nouvelle apologie de la Révolution, ce qui provoqua de la part du clergé réfractaire la publication d’un pamphlet intitulé Vision et confession publique d’A. M., évêque constitutionnel du Haut-Rhin, écrites par lui-même, 27 p., dans lequel il est dit fort avare et où il est accusé d’avoir recherché et saisi avec avidité l’occasion d’augmenter son revenu au-delà de ce qu’il aurait jamais pu espérer. Sa situation devint bientôt critique. Le 25 mars 1792, il écrivait à l’Assemblée nationale qu’il était en butte à toutes les huées et les injures, et que son ministère était souvent troublé. Son espoir de rétablir la situation après la fermeture des couvents et la déportation des prêtres réfractaires fut vain. En décembre 1793, il dut participer aux manifestations publiques dans la cathédrale devenue temple de la Raison, mais refusa de démissionner. Le prêtre jureur allemand Bronner le dépeint, à cette époque, au physique comme un homme déjà sur le déclin, aux cheveux grisonnants, n’ayant rien d’imposant ; au moral il le considère comme « un homme faible et vaniteux, d’esprit très borné avec beaucoup d’intolérance et encore plus de présomption et d’épiscopale suffisance ». Le 28. Décembre 1793, un jacobin l’accusa d’avoir voulu rétablir à la chapelle de Saint-Pierre à Colmar les anciennes fêtes abolies par la Convention ; le 4 mars 1794, un autre jacobin l’accusa de continuer son ministère sacerdotal auprès des malades et des militaires. Le 8 juin 1794, il vécut encore la transformation du temple de la Raison en temple de l’Être suprême. Quelques jours plus tard, il décéda dans sa maison, rue des Prêtres, dans un isolement quasi total. Son ancien vicaire épiscopal Hubert Albert dit de lui en juin 1795 : « Je sais qu’un homme de mœurs et religieux, un vieillard respectable, A. Martin, a très souvent assisté au charlatanisme du temple de la déraison, mais je suis persuadé qu’il ne l’a fait que pour éviter sa réclusion et qu’il n’a cherché à éviter celle-ci que dans les vues de pouvoir secourir spirituellement ses paroissiens et diocésains. » Quoiqu’il en soit, l’histoire de son bref épiscopat démontre qu’il n’avait ni les capacités, ni l’énergie nécessaire pour diriger dans ses débuts l’Église constitutionnelle du Haut-Rhin. Son frère cadet Étienne (★ Walbach 24.3.17441 Walbach 15.4.1800), d’abord cistercien à Neubourg, prêta aussi le serment en 1791 et connut aussi de nombreuses tribulations dans son village.

S’il n’existe aucune biographie de Martin à ce jour, de nombreux détails sont à puiser dans : F.-C. Heitz, La contre-révolution en Alsace, Strasbourg, 1865 ; J. Sée, Hausbuch von Dominicus Schmutz, Colmar, 1878 ; A. Waltz, Sigmund Billings kleine Chronik der Stadt Colmar, Colmar, 1891 ; témoignage de Bronner dans Jahrbuch für Geschichte, Sprache und Litteratur Elsass- Lothringens 8, 1892, p. 16-18 ; T. Walter, « L’abbé Vogelgsang, » Revue d’Alsace, 76, 1927, p. 823-824. On consultera avec précaution L. Winterer, La persécution religieuse en Alsace, Rixheim, 1876 et E. Pisani, Répertoire biographique de l’épiscopat contitutionnel, Paris, 1907. Des renseignements épars figurent dans A.-M.-P. Ingold, Grégoire et l’église constitutionnelle d’Alsace, Colmar. 1894 ; R. Reuss, La Constitution civile du clergé, Strasbourg, 1922, 2 vol. et les Jacobins de Colmar, Strasbourg, 1923. Il faut surtout consulter les nombreuses publications de J. Joachim, notamment, « L’élection de l’évêque constitutionnel du Haut-Rhin en 1791 », Archives de l’Église d’Alsace, 3, 1949, p. 285-329 ; « La réorganisation de l’église constitutionnelle du Haut-Rhin (1795-1796) », Archives de l’Église d’Alsace, 5, 1953, p. 181- 182 ; « Le séminaire constitutionnel de Colmar », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 1953, p. 124-139 ; « L’installation à Colmar de l’évêché constitutionnel du Haut-Rhin (1791-1793) », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 1954, p. 112-127 ; « Nöel 1793 à Colmar », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 1957, p. 105-106 ; Dictionnaire du clergé régulier et séculier du Haut-Rhin, Bibliothèque municipale de Colmar, Ms 972, n° 1031 ; E. Better, Walbach à travers les âges, Guebwiller, 1978, p. 59-68, avec portrait ; Kammerer, Répertoire du clergé d’Alsace sous l’Ancien Régime 1648-1792, I, 1983, n° 3201 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1984, p. 4993 ; L. Kammerer, Le clergé constitutionnel en Alsace (1791-1802), Strasbourg, 1987, n° 287. Sur l’attitude de Martin dans les suppressions de couvents : C. Muller, « Il faut sortir le peuple des ténèbres de l’obscurantisme. La sécularisation des monastères et couvents dans le Haut-Rhin (1789-1792) », Actes du 1er colloque international des bicentenaires de Mulhouse, Mulhouse, 1989, p. 73-88 ; idem, « La suppression des couvents des dominicains et des augustins de Colmar (1790-1791) », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 36, 1988-1989, p. 39-48 ; idem, « La disparition des couvents et abbayes à l’entrée de la vallée de la Weiss (1790-1792) », Annuaire des quatre sociétés d’histoire de la vallée de la Weiss 5, 1989, p. 1 -32 ; idem, « Les derniers jours de l’abbaye bénédictine de Munster », Annuaire de la Société d’histoire du Val et de la Ville de Munster, 43, 1989, p. 26-36 ; D. Varry et Cl. Muller, Hommes de Dieu et Révolution en Alsace, Brepols, Paris, 1993, p. 61-63.

Claude Muller (1995)