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LORRAINE Charles de

Evêque de Metz (1578-1607), prince-évêque de Strasbourg (1592-1607), légat du Saint-Siège dans les trois évêchés (Metz, Toul et Verdun 1591-1607), primat de Lorraine (1603-1607), cardinal, © (★ Nancy, Meurthe-et-Moselle, 1.7.1567 † Nancy 24.11.1607, inhumé dans la primatiale (aujourd’hui cathédrale) de Nancy).

Second fils du duc de Lorraine Charles III (1543-1608) et de Claude, fille du roi de France Henri II. Charles de Lorraine fut destiné très tôt à servir sa famille en occupant les plus hautes charges ecclésiastiques ; il fut choisi à six ans comme coadjuteur de son oncle le cardinal Louis de Guise, évêque de Metz. Chanoine de Trèves, de Cologne, de Mayence et de Strasbourg, abbé de Gorze, de Clairlieu, de Saint-Mihiel, de Saint-Vincent de Metz, de St-Victor de Paris, élevé à la dignité de cardinal en 1589 par le pape Sixte V, il se préparait à tenir une place importante dans l’Église de son temps, guidé par les jésuites des universités de Pont-à-Mousson et de Trèves et par les maîtres de la Sorbonne à Paris. Toutefois, ce ne fut pas vers une grande carrière politique qu’il se dirigea. La défense de l’Église romaine et l’implantation des idées de réforme issues du concile furent ses grandes préoccupations. On le vit bien lorsqu’il fut appelé à succéder à Jean de Manderscheid-Blankenheim ©, comme évêque de Strasbourg (1592). Non seulement l’autorité de celui-ci ne s’exerçait plus, du fait des progrès de la Réforme, que sur une partie seulement de l’ancien évêché, mais son chapitre lui-même était divisé et comprenait une moitié de chanoines protestants. Ceux-ci avaient leur candidat : Jean-Georges de Brandebourg qu’ils avaient élu administrateur de l’évêché. Charles de Lorraine était l’élu des chanoines catholiques. Avant toutes choses il fallut à ce dernier, au cours d’une guerre longue qui nécessita l’intervention des puissances voisines, conquérir son évêché et faire reconnaître sa légitimité. Ceci fut obtenu par la paix de Haguenau (22 novembre 1604). En dépit de ces difficultés, il entreprit dans ses deux évêchés de Metz et de Strasbourg une œuvre de réforme entièrement dans l’esprit du concile de Trente. Elle consista tout d’abord à rétablir l’autorité épiscopale et à prendre une connaissance aussi précise que possible de la situation religieuse du diocèse. Il y fut aidé par des vicaires généraux d’une qualité exceptionnelle : Antoine Fournier à Metz et Adam Peetz © à Strasbourg. Dans ce dernier évêché les visites de 1596 et de 1605 semblent bien les premières qui furent accomplies selon le modèle borroméen. Celle de 1605 fut, en outre, accompagnée d’un synode diocésain. Un effet de ces visites pastorales fut d’amener le prélat à se soucier de la formation du clergé. Il procéda dans ses évêchés de Metz et de Strasbourg selon des principes identiques. Il fit appel aux Jésuites, dont il était lui-même un ancien élève. Dans le diocèse de Metz, il établit un séminaire auprès de l’université jésuite de Pont-à-Mousson (1595). En Alsace, il décida la construction d’un « gymnase » auprès de l’Université jésuite de Molsheim. La finalité de ce Carolinum était bien définie dans l’acte de fondation du 30 mai 1607, rédigé peu de temps avant sa mort. Le prince souhaitait, par cet établissement, pourvoir à la formation des prêtres. Fidèle à l’esprit du concile, il veillait aussi à la liturgie pratiquée et à la pureté de la doctrine. Charles de Lorraine se rendait bien compte, toutefois, qu’il ne pouvait faire dépendre les progrès spirituels des fidèles commis à sa garde des seuls prêtres diocésains. Il contribua beaucoup à fixer les Jésuites en Alsace. En conformité avec les traditions de sa famille, il se montra très accueillant envers les ordres mendiants. En Basse Alsace, où le luthéranisme tenait une grande place, le cardinal veillait au rétablissement des anciennes pratiques de piété catholiques. Sous son épiscopat, les sanctuaires du Mont Saint-Odile et de Marienthal, près de Haguenau, furent rétablis et reçurent, à nouveau, des foules de pèlerins. Il encouragea lui-même des dévotions recommandées par le concile de Trente, telle que celle des âmes du Purgatoire. Bien des points obscurs demeurent dans la biographie du cardinal. Ces dignités et ces bénéfices ecclésiastiques qu’il accumula tout au long de sa carrière semblent imposer un démenti à son souci maintes fois exprimé d’appliquer avec le plus grand scrupule les décrets du concile de Trente. Dans la région étendue et particulièrement complexe qu’il avait à administrer, il n’était pas question de défendre la religion romaine sans disposer d’une grande autorité temporelle, avec une famille princière à ses côtés et un réseau d’alliances à sa disposition. Qu’il ait réussi, au milieu de ces préoccupations politiques, accaparé par la conduite d’une guerre importante en Alsace, à trouver le temps et la disponibilité intellectuelle pour engager sur des bases solides l’œuvre de réforme catholique tant en Lorraine qu’en Alsace nous semble remarquable. Il faut ajouter qu’il souffrait depuis l’âge de 25 ans d’une très grave maladie de la colonne vertébrale qui le faisait souvent horriblement souffrir et qui l’emporta à l’âge de 40 ans.

M. Meurisse, Histoire des Evesques de l’Église de Metz, Metz, 1634; A. Calmet, Histoire de Lorraine, 7 vol., 2e éd., Nancy, 1745-1757, VII, c. 75-84; P.A. Grandidier, Œuvres historiques inédites, IV, Colmar, 1866; J. Schmidlin, Die katholische Restauration im Elsass am Vorabend des dreissigjährigen Krieges, Strasbourg, 1934 ; idem, « Religiös-sittliche Verfassung und Reformbestrebungen im Weltklerus des Elsass am Vorabend des Dreissigjährigen Krieges », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 16, 1943, p. 135-204; P. Delattre, Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles, Enghien-Wetteren, 5 vol., 1949-1956, III, c. 385-429, en part. c. 392 ; J. Choux, « Les séminaires de Pont-à-Mousson au XVIe siècle », Annales de l’Est, 1970, p.113-149 ; H. Tribout de Morembert (dir.), Le diocèse de Metz, Paris, 1970 ; R. Taveneaux (dir.), Histoire de Nancy, Toulouse, 1974, en part. : p. 191-231 ; Neue Deutsche Biographie, XI, 1971, p. 230-231 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1984, p. 4823 ; Répertoire des visites pastorales de la France. Première série. Anciens diocèses (jusqu’en 1790),Paris, 1985, III, p. 121-124 et IV, p. 389-390 ; F.-Y. Lemoigne, et G. Michaux, Protestants messins et mosellans XVIe-XXe siècles, Metz, 1988.

Louis Châtellier (1995)