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LOEWENSTEIN-WERTHEIM Philippe Eberhard Joseph de

Prince du Saint Empire, abbé commendataire de Murbach et de Lure, grand-doyen de la cathédrale de Strasbourg, bâtisseur, (C) (★ Wertheim, Bade-Wurtemberg, 23.8.1657 † Guebwiller 19.1.1720).

Fils de Ferdinand Charles, comte régnant de LoewensteinWertheim, et de Marie-Anne de Furstenberg-Heiligenberg, sœur du prince-évêque de Strasbourg Guillaume-Egon de Furstenberg © et du prince-abbé de Murbach Félix-Egon de Furstenberg ©.

Héritier des titres de comte de Loewenstein, Wertheim, Rochefort, seigneur de Montaigu, Cugnon, Chassepierre, Herbemont, Treyberg, Scharpfeneck. Cadet d’une illustre famille de Franconie, Loewenstein était promis dès le berceau à une brillante carrière ecclésiastique. Bénéficiaire de prébendes de chanoine des grands chapitres de Cologne et de Strasbourg en 1663, à l’âge de six ans, chanoine de la cathédrale de Wurtzbourg en 1668 et du chapitre équestral Saint-Géréon de Cologne en 1670, L. devint ensuite coadjuteur de l’archevêque de Cologne, grand-doyen de la cathédrale de Strasbourg, seigneur et abbé commendataire de Gorze dans le diocèse de Metz. En 1682, il fut nommé, par le roi Louis XIV ©, coadjuteur de son oncle Félix-Egon de Furstenberg-Heiligenberg, prince-abbé commendataire de Murbach et de Lure. Après le décès de ce dernier, le gouvernement royal l’imposa comme successeur lors de l’élection capitulaire du 29 mars 1686, puis le nomma effectivement abbé commendataire le 24 avril 1686, titre auquel était attaché celui de prince du Saint Empire. Cette décision ouvrit une crise au sein du chapitre de Murbach, qui élit le 6 juin 1686 l’un des siens, l’abbé régulier Colomban d’Andlau ©, tandis que le nonce de Lucerne se prononça le 5 août 1686 en faveur du grand-prieur de Lure Léger Zinth de Kentzingen ©. Au mois de décembre, Loewenstein séjourna à Guebwiller et préleva une importante somme d’argent dans le trésor capitulaire, ce qui déclencha une protestation du chapitre de Murbach auprès de l’intendant d’Alsace. Mais ce dernier prit le parti de l’administrateur désigné par le roi, contraignit à l’exil le doyen Antoine de Beroldingen © en 1688, et le remplaça par un personnage mieux disposé envers le gouvernement français. Le chapitre accepta finalement de composer avec Loewenstein, qui lui octroya des capitulations en échange de son élection régulière le 10 juillet 1692. Après de nouvelles contestations, le pape consentit à son tour à cette nomination et confirma le 16 avril 1693 Loewenstein comme administrateur des abbayes unies de Murbach et de Lure. Résidant d’abord au château de Wattwiller, l’une des résidences abbatiales qu’il fit restaurer, Loewenstein se fit le champion de la reconstruction matérielle dans ses territoires, sortis très appauvris des guerres du XVIIe siècle. Après avoir réorganisé entièrement la gestion des revenus de la principauté et renouvelé les cadres administratifs à la faveur de l’introduction de la vénalité des offices, le prince (toujours laïc) de Murbach fit reprendre l’exploitation des carrières de grès de Bergholtz, rouvrit les mines d’argent de Moosch-Werschholtz dans la vallée de Saint-Amarin et celles de Plancher dans les domaines de Lure, et développa le thermalisme à Wattwiller. En 1700, il facilita l’installation d’une communauté de verriers dans la haute vallée de la Thur, qui devint la commune de Wildenstein. Un peu en aval, il fit bâtir de 1699 à 1705 le manoir de Wesserling, à l’origine d’une autre agglomération de la vallée. Il décida aussi, en 1700, de relever de ses ruines la résidence principale des princes-abbés, le château de Neuenburg à Guebwiller. Confiés d’abord à Sylvain Golbéry ©, les travaux furent interrompus, puis repris de 1715 à 1718 sous la direction de l’architecte autrichien Peter Thumb ; entourée d’un vaste parc, cette élégante bâtisse qui devint la résidence principale du prince fut fortement remaniée par la suite et abrite aujourd’hui l’Ecole normale de Guebwiller. Par ailleurs, dans sa terre de Gorze, Loewenstein avait également fait construire, dès 1696, un beau château abbatial, transformé ultérieurement en hospice. Pour diriger sa politique intérieure (il devait se garder notamment des velléités de séparatisme de Lure) ainsi que des relations extérieures (avec l’intendant, le Conseil souverain d’Alsace, le gouverne- ment qui supprima en 1703 le tribunal supérieur de la Régence de Guebwiller), L. nomma en 1700 un juriste et diplomate de talent, Antoine-Richard Brunck ©, au poste de chancelier de la principauté. En vue de normaliser les relations avec son chapitre, il accepta en 1700 l’élection de son ancien compétiteur Léger Zinth de Kentzingen à la dignité de doyen de Murbach, et s’entoura en 1704 d’un coadjuteur issu dudit chapitre en la personne de Célestin de Beroldingen ©, qui se chargea plus spécialement de la « reconstruction spirituelle » et des missions dans les domaines abbatiaux. En outre, Loewenstein procéda avec les capitulaires à un nouveau partage des revenus de la principauté et, la réconciliation étant parachevée, il fut solennellement installé sur le siège abbatial de Murbach le 6. Novembre 1704. Enfin, le 1er août 1706, vingt ans après son avènement, le prince consentit à se faire ordonner prêtre en son château de Hésingue. Décédé des suites d’une mauvaise chute de cheval, il fut inhumé à Guebwiller (sa sépulture n’existe plus). Son portrait se trouve au presbytère de Gorze (Moselle). Sa sœur Marie-Sophie avait épousé Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, conseiller d’État, gouverneur de Touraine et auteur du Journal historique de la Cour de Louis XIV. Une autre sœur, Madeleine-Élisabeth, veuve de Volrath de Nassau, était princesse douairière de Nassau-Sarrebruck. Enfin son frère cadet Jean-Ernest était évêque de Tournai.

Stadtarchiv Wertheim, Fürstliches Löwenstein-Wertheim-Rosenberg’sches Archiv, Lit. B 1079, 1094, 1096 ; Lit. O 293, 417 ; Lit. St 630, 633 ; Katholische Kirchenbücher Wertheim ; Archives départementales du Haut-Rhin, 1 B 767 (104), 929 p. 88, 934 p. 439, 935 p. 1 ; 4 E Notariat Guebwiller, Inventaires, 23.2.1720 (succession) ; 10 G (fonds Murbach), nombreuses liasses ; C. de K., « Le train de maison d’un prince-abbé de Murbach au début du siècle dernier », La Revue Nouvelle d’Alsace-Loraine1887, p. 121-140 (erreurs) ; B. de Ferrette, Diarium de Murbach, publ. par Angel et A.-M.-R Ingold, Colmar-Paris, 1894 ; A. Gatrio, Die Abtei Murbach im Elsass, II, Strasbourg, 1895, p. 491-564 ; Bernard de Ferrette et son Diarium. publ. par A.M.R Ingold, 3 vol., Colmar, 1902 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 190 ; J.-M. Schmitt, « Antoine-Richard Brunck, chancelier de la principauté de Murbach : de la politique à la finance dans l’Alsace du XVIIIe siècle », Annuaire de la Société d’histoire des régions de Thann-Guebwiller, 1975-1976, p. 7-26 ; idem, Tricentenaire du rattachement à la France de la ville de Guebwiller 1680-1980, Guebwiller, 1980, p. 18-20 ; idem, « L’abbaye et la principauté de Murbach dans l’Alsace française », Saisons d’Alsace, n° 82, 1983, p. 37-53 ; J. Riethmuller, « Gorze », Les Vosges, 1986, n° 3, p. 12.

Jean-Marie Schmitt (1994)