Journaliste, fondateur de la Revue d’Alsace, © (* Grosne, Territoire de Belfort, 30.11.1811 † Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine, 30.3.1899). Fils de Jean Claude (Claude Sébastien sur l’acte de mariage) L. (ou Liebelin), cultivateur, et de Marianne Montandon (Marie-Anne Montendon sur l’acte de mariage), fille du maire de Grosne. ∞ 30.12.1835 à Colmar Pauline Eugénie Aubray (* Colmar 21.7.1804), fille de Charles François A., conseiller à la Cour royale de Colmar, et d’Anne Catherine Jaeglé; 1 fille. Études secondaires au collège d’Altkirch «sous la férule de bons abbés de vieille roche». En 1835, il entra aux Contributions directes, puis à la Préfecture du Haut-Rhin qu’il quitta en 1839, sans pourtant rompre toutes relations avec ses services. C’est sous son nom qu’est publié l’Annuaire du Haut-Rhin pour 1846, enrichi d’une Topographie et d’un Coup d’œil sur l’histoire du département du Haut- Rhin. Mais déjà L. vivait de sa plume. Il fut correspondant du Courrier du Bas-Rhin; à Paris, Le Temps lui ouvrit ses colonnes. Il collabora à L’industriel alsacien, à la Revue d’Alsace et de Lorraine. Il dirigeait le Courrier d’Alsace, publié à Colmar au moment où éclata la Révolution de 1847. «Montagnard» dans l’âme, il collabora activement au journal Le Rhin. Il prit part aux journées de 1849 et, dans le sillage du Dr Jaenger ©, fouriériste convaincu, salua l’appel à l’insurrection lancé aux habitants du Haut-Rhin à la suite de Péchauffourée de Ledru-Rollin au Conservatoire des Arts et Métiers le 13.6.1849. L. fut arrêté et, avec treize autres compagnons, dont Jaenger et Xavier Mossmann ©, traduit devant la Cour d’assises de Besançon qui l’acquitta grâce au fulgurant plaidoyer de son ami Ignace Chauffour ©. À l’arrière-plan de ce tumulte politique, et en dépit d’une véritable éclosion, éphémère il est vrai, sur le sol alsacien, de périodiques de toute nature, l’idée d’une revue tout axée sur la vie de la province commença à germer. Passant outre les essais malheureux de Franz Reiner © (1834-1835) et de Charles Jules Boersch © (1835-1837), L. lança la Revue d’Alsace qui vécut et grandit grâce à sa volonté et son opiniâtreté, en parfaite indépendance aussi bien des pouvoirs publics que de l’Église. En 1856, le tirage de la Revue d’Alsace était de 400 exemplaires; elle était encore «généraliste» et traitait de sujets extra-alsaciens. En 1870, l’imprimeur Bader en imprima 900 exemplaires. En 1862, L. avait aussi envisagé la création d’un nouveau journal. La Revue prit part à des polémiques historiques avec la Revue catholique d’Alsace: à propos des publications de l’abbé Ch. Martin © sur l’Alsace romaine (1867-1868); polémique entre Ignace Chauffour © et l’abbé Hanauer © sur les cours colongères (RA, 1866; RCA, 1903 et 1904). Par ailleurs, pour subvenir à ses besoins, L. assura en 1862 la parution régulière du Glaneur du Haut- Rhin, publié à Colmar dès 1836 par A. Richard, qui devint, en 1868, Le Glaneur alsacien – Der elsässische Sammler, un journal hebdomadaire dont l’existence ne fut que de courte durée puisqu’il fut supprimé le 15.1.1871 par ordre du Gouvernement allemand. L. fut arrêté, placé en détention provisoire à la prison de Strasbourg, puis condamné à deux années de forteresse. Relâché après quelques mois de détention à la citadelle de Wesel, en Prusse-rhénane, il revint à Colmar, mais ne tarda pas à s’établir à Belfort (1880) puis à Neuilly-sur-Seine, sans pour autant abandonner la Revue d’Alsace, son acharnement devant l’emporter sur toutes les difficultés du temps. Le départ de la Revue d’Alsace de Colmar se fit en plusieurs temps: à partir des années soixante-dix, la couverture portait l’inscription «à Belfort depuis l’Annexion» (en fait, L. a dû faire la navette). Le livre Belfort et son territoire, paru en 1877, est pourvu d’une page de titre qui précise qu’il constitue le tome de l’année 1872 de la Revue. L’ampleur de la Revue d’Alsace, l’originalité des contributions constituent dès lors un miroir des préoccupations de l’élite intellectuelle du pays: vie urbaine et rurale, recherches de toute nature (philologie, philosophie, religion, sciences naturelles, art, archéologie…), tout en accordant une place prédominante à l’histoire d’Alsace. «C’est à ce titre, dit R. Reuss ©, que Joseph Liblin a tenu, et tiendra toujours, une place honorable dans la galerie de l’Alsace intellectuelle du dix-neuvième siècle».
L’activité de L. ne s’arrêta pas avec la direction de la Revue, ni les nombreux comptes rendus bibliographiques qu’il publia sous le pseudonyme de Frédéric Kurtz, les notes glanées au hasard de ses recherches scientifiques, les échos de la vie culturelle. On lui doit, entre autres travaux, les Annales et la chronique des Dominicains de Colmar (en coll. avec Ch. Gérard ©), Colmar, 1854; la Chronique de Colmar de l’an 58 à l’an 1400, Mulhouse, 1867-1868; la publication des Œuvres historiques inédites de l’abbé Grandidier, Colmar, 1865-1867, 6 vol.; la Chronique de Godefroy d’Ensmingen, Strasbourg, 1868; la Chronique du serrurier Schmutz de Colmar 1714-1800, Mulhouse, 1874; Les enseignes de Colmar au Moyen Age, Colmar, 1858; Les sept martyrs de Lutzelbourg et les précurseurs du Schinderhannes 1768-1786, Colmar, 1869; les Recherches historiques sur le Territoire de Belfort, 1877, un important travail sur l’histoire des 106 communes de la Haute-Alsace restées françaises après le traité de Francfort. Correspondance avec Jean-Georges Stoffel, BMC, Ms 882.
Le temps du 1.4.1899; Journal de Colmar du 5.4.1899; RA, 1899, p. 278 (ne se trouve pas dans tous les exemplaires de la RA); R. Reuss, Joseph Liblin et la Revue d’Alsace pendant un demi-siècle (1849-1899), RA, 1899, supplément, p. I-XLVIII; idem, Les premières Revue d’Alsace (1834-1837). Notice historique et littéraire, publ. par H. Weisgerber, RA, Table 1901, p.34; A. Waltz, Bibliographie de la ville de Colmar, Colmar, 1902; Sitzmann II, 156 (erreurs sur le lieu et la date de naissance); J. et F. Régamey, L’Alsace au lendemain de l’annexion, Paris, 1911, p. 360-362; P. Muller, La Révolution de 1848 en Alsace, Paris, 1912; J. Joachim, Cent ans de Revue d’Alsace, RA, 1950-1951, p. 7-15; F.J. Himly, en coll. avec P. Schmitt, Revue d’Alsace fondée en 1850. Tables générales des tomes 1 à 101, RA, 1963-1964; M. Spisser, Les électeurs et l’opinion publique en Alsace de 1848 à 1851, DES, Strasbourg, 1964; Roi. Oberlé, Le père de l’histoire économique de l’Alsace, l’abbé Auguste Hanauer, RA, 1982, p. 155-164; P. Kim, La Revue d’Alsace (1834-1974), une historiographie, RA, 1984, p. 5-26; EA, VIII, 1984, p. 4732 (sous Liblin), X, 1985, p. 6385-6389 (sous Revue d’Alsace).
Pierre Schmitt (1995)