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LEGER (LEUDEGARIUS, LIUTGARIUS, LEODEGAR, LUTGAR)

Evêque d’Autun, vénéré comme saint et martyr ( ★ v. 616 † assassiné près de Sarcingum Villa, identifié avec le village de Saint-Léger, canton de Croisillers, Pas-de-Calais, 2-3.10.677-679).

Né de parents nobles francs – sa mère portait le nom de Sigra(n)da -, L. fut éduqué d’abord à la cour du roi Clotaire II, puis à l’école de son oncle Dido, évêque de Poitiers. Ordonné diacre en 636, il devint peu après archidiacre du diocèse de Poitiers. Abbé de Saint-Maixent, Deux-Sèvres, vers 653, il entra au conseil de la reine Bathilde, qui le fit nommer évêque d’Autun en 663. Organisateur énergique, L. restaura la cathédrale, tint un concile dans sa ville épiscopale pour rétablir la discipline cléricale et surtout monastique. Mais homme politique autant que chef religieux, il fut activement mêlé aux intrigues de palais des rois mérovingiens. Son action tendait à défendre l’indépendance de la Burgondie face à la Neustrie. A la mort de Clotaire III (673), il fut l’un des instigateurs de la révolution qui donna la Neustrie à Childéric II, déjà roi d’Austrasie. Mais après l’assassinat de Childéric, son protecteur dont il fut le conseiller, et le rétablissement de Thierry III comme roi de Neustrie, une lutte farouche l’opposa au maire de palais Ebroïn. Cet adversaire impitoyable triompha de lui au siège d’Autun (676), l’enferma au monastère de Fécamp, obtint sa déposition de la charge d’évêque par un concile, lui fit couper la langue et crever les yeux et parvint finalement à le faire décapiter par ordre du roi. Bien que L. ne soit jamais intervenu directement dans les affaires alsaciennes de son temps, il eut un rapport avec l’Alsace par ses origines familiales et son culte posthume. Ses différents biographes relèvent unanimement son extraction de la haute aristocratie franque. De son côté, la Vie de Sainte Odile (entre le milieu et la fin du Xe siècle) affirme que Béreswinde, épouse du duc d’Alsace Adalric ©, également issue de parents nobles, pouvait se prévaloir de la parenté de L. D’après deux manuscrits, plutôt tardifs (XIe et XIIIe s.), elle était même la sœur de Sigranda, la mère de saint L. Celui-ci aurait donc été le neveu en ligne maternelle de Béreswinde et le cousin germain de sainte Odile. La première partie de la Chronique d’Ebersmunster, rédigée peu après 1160, situe cette parenté à un degré plus éloigné : Béreswinde aurait été seulement la fille de la sœur de saint L. Grandidier déjà avait critiqué certaines incohérences dans cette dernière généalogie. Si la proximité exacte du cousinage entre saint L. et sainte Odile s’avère difficile à établir, ce lien collatéral paraît pourtant avoir été réel et assez étroit. Trois séries de faits confirment cette parenté par alliance : 1) Dans la lutte pour le pouvoir, Adalric fut mêlé aux mêmes querelles et généralement du même côté que saint L. 2) Au moins dès l’année 728, donc à peine une cinquantaine d’années après son martyre, saint L. apparaît comme un saint familial de la dynastie des Etichonides © : en tant que tel, il est nommé d’abord comme patron secondaire, puis assez vite comme protecteur principal de l’abbaye de Murbach, fondation (vers 728) favorisée par le duc Eberhard ©, petit-fils d’Adalric et neveu de sainte Odile, ainsi que de l’abbaye de Masevaux, érigée probablement par un autre descendant des ducs d’Alsace. A partir de ces deux centres, le culte de saint L., propagé par les Bénédictins, s’est largement répandu en Alsace et dans les régions limitrophes. 3) La plus ancienne représentation de saint L. se trouve sur la face d’une stèle historiée du XIIe siècle dans la galerie du cloître nord au Mont-Sainte-Odile : figuré avec mitre, crosse et livre à la main, reconnaissable par l’inscription sommitale (S) LEVDE (G)ARIU(S), l’évêque est flanqué à sa droite du duc Adalric qui remet à sa fille Odile la charte de fondation de l’abbaye de Hohenbourg et à sa gauche de la Vierge couronnée à qui les abbesses Relinde et Herrade confient leur monastère. Le saint évêque d’Autun eût-il méri-té une telle place d’honneur, s’il n’avait pas été de la même famille ?

Sources: Chronicon Ebersheimense, chap. 6, éd. par L. Weiland, MGH SS, XXIII, 1874, p. 434 ; cf. aussi P.A. Grandidier, Histoire de la province d’Alsace, II, Strasbourg, 1787, n° 425, p. XV, note X ; Vita sanctae Odiliae, chap. 2, éd. par Ch. Pfister, Analecta Bollandiana, XIII, 1894, p. 11 ; cf. aussi MGH SS rerum merovingicarum, VI, éd. par W. Levison, 1913, p. 38 ; Vita et passio sancti Leudegarii : recension I, par un moine contemporain du prieuré Saint-Symphorien d’Autun, v. 690 ; recension II, par Ursin, d’abord moine de Ligugé, puis de Saint-Maixent, durant la seconde moitié du VIIIe s. ; recension III, par combinaison de I et de II, VIIMXe s., éd. par B. Krusch, MGH SS rerum merovingicarum, V, 1910, p. 249-362 ; cf. aussi ASBoll, Octobre, I, Anvers, 1765, p. 364-366. Patron de l’abbaye de Murbach : A. Bruckner, Regesta Alsatiae, Strasbourg-Zurich, 1949, n° 114, 122, 125, 128, 187, 190, 195, 207, 223, etc. ; le patronage sur l’abbaye de Masevaux est attesté pour la première fois par un faux du XIIe s., attribué à Louis le Pieux, daté de 823, mais reposant peut-être, au moins partiellement, sur un acte authentique des années 834-840 (cf. Bruckner, n° 458).

Ch. Pfister, Le duché mérovingien d’Alsace et la légende de sainte Odile, Paris-Nancy, 1892, p. 14-17 ; Camerlinck, Saint Léger, évêque d’Autun, Paris, 1910, p. 3-5 ; LTHK VI, 1re éd. 1934, c. 504, 2e éd. 1961, c. 958-959 ; Clauss Hl, p. 45-46, 163-166, 242-244 ; F. Reibel, Saint Léger et l’Alsace, Semaine religieuse d’Autun 77, 1951, p. 101-104, et Bulletin ecclésiastique du diocèse de Strasbourg 70, 1951, p. 29-31 ; A.Z. Cr., Der heilige Leodegar. Sein Leben und seine Verehrung in der Diözese Strassburg, Almanach d’Alsace, 1966, p. 116-119 ; O. Pontal, Histoire des conciles mérovingiens, Paris, 1989 ; Lexikon des Mittelalters, V, 1991, p. 1883.

Iconographie : Stèle historiée du Mont Sainte-Odile (XIIe siècle), reproduite en dessin dans J.D. Schoepflin, Alsatia Illustrata I, Colmar 1751, monumenta francica, tableau 2 ; ASBoll, Octobre, I, Anvers, 1765, p. 366a, en photographie par R. Will, Alsace romane, La Pierre-qui-Vire, 1970, pl. 137-139 et p. 311-312, et Le Mont Sainte-Odile, Paris, 1988, p. 118-119. Cf. R. Will, Der romanische Bildpfeiler auf dem Odilienberg. Eine Deutung, AEKG, 16, 1943, p. 19-28 ; idem, Répertoire de la sculpture romane de l’Alsace, Strasbourg-Paris, n° 57, 1955, p. 31. Pour les autres représentations, cf. Lexikon der christlichen Ikonographie, VII, 1974, p. 391-392.

René Bornert (1994)