Médecin, psychanalyste, (C) (★ Thann 5.11.1894 † Paris 6.3.1962).
Fils de Joseph Michel Laforgue, graveur sur cuivre puis négociant, et d’Eugénie Heitzmann. ∞ I 20.5.1922 à Strasbourg Paulette Erichson, (Pl), fille de Paul Erichson, pharmacien place de la cathédrale à Strasbourg, et de Marie Antoinette Bresch ; divorcés le 14 décembre 1938. ∞ II 23.6.1939 à Paris Marie Louise Adélaïde Jeanne (Délia) Clauzel, fille de l’ambassadeur de France à Vienne, le comte Bertrand Clauzel, et de Ghislaine Thomas ; arrière-petite-fille du maréchal de France Bertrand Clauzel. Rebelle à l’autorité paternelle, Laforgue fut placé au collège de Sasbach, Bade. Études médicales à Berlin où il découvrit Freud en lisant sa Traumdeutung (1913). Mobilisé dans l’Armée impériale (service de santé) en 1914, il fut dirigé sur le front russe, blessé et atteint du typhus. Après l’Armistice, il poursuivit des études à Paris (1919-1920), puis à Strasbourg (1920-1922) où, après sept mois d’internat à l’asile d’aliénés de Hoerdt, il soutint sa thèse : Étude psychoanalytique sur l’affectivité de la schizophrénie. Il fréquenta la Société de théosophie où il rencontra sa première épouse. Son maître Pfersdorff récusant la psychanalyse et Strasbourg n’étant pas à la mesure de ses ambitions, Laforgue s’établit à Paris où le professeur H. Claude (Hôpital Sainte- Anne) lui fit bon accueil et lui confia la première consultation parisienne de psychanalyse (1923). Il entreprit son analyse didactique avec Eugénie Sokolnicka et commença une correspondance avec Freud qu’il rencontra en 1924. Il obtint de lui qu’il analysât la princesse Marie Bonaparte (1925). En 1926, il participa à la fondation de la Société psychanalytique de Paris, dont il fut le premier président jusqu’en 1930, et fonda la Revue française de psychanalyse. Parmi ses nombreuses psychanalyses didactiques figurent celles de Françoise Dolto et de Juliette Favez-Boutonier. En 1934, il rallia l’Institut de Psychanalyse de Paris. Sous l’Occupation, son ambition le poussa à un double jeu dangereux : à Paris, il collabora avec les psychothérapeutes nazis et leur chef Matthias Goering ; dans sapropriété du Var acquise en 1928, il cacha communistes, juifs et évadés. En 1946, il fut traduit devant la section d’épuration de l’Ordre des médecins. Bien que relaxé, il en resta profondément aigri et suspect aux yeux de ses confrères. La mort de son unique enfant à l’âge de 4 ans (1946) fut suivie d’une conversion spirituelle et de son adhésion à la revue Psyché (Maryse Choisy, également analysée par lui). En 1953, il démissionna de la Société psychanalytique de Paris et adhéra à la nouvelle Société française de psychanalyse créée par D. Lagache et J. Boutonier, avec J. Lacan et F. Dolto. En 1956, il s’établit à Casablanca et y refit école. Son état de santé le ramena à Paris où il mourut des suites d’une intervention chirurgicale.
La psychanalyse et les névroses (avec R. Allendy), Paris, 1924 ; Jean-Jacques Rousseau. Eine psychoanalytische Studie, Vienne, 1930 ; L’échec de Baudelaire, Paris, 1931 ; Libido, Angst und Zivilisation, Vienne, 1932 ; La névrose familiale, Paris, 1936 ; « Psychopathologie de l’échec », Cahiers du Sud, Marseille, 1941 (cet ouvrage partiellement rédigé en 1939 comportait primitivement un chapitre sur Hitler prédisant son échec ; l’auteur le détruisit et le remplaça par un chapitre sur Napoléon) ; Talleyrand, essai psychanalytique sur la personnalité collective française, Genève, 1947 ; « Le super-ego individuel et collectif », Psyché 88, février 1954, p. 81-106 ; Au-delà du scientisme, Genève, 1963 ; Clinique psychanalytique, Genève, 1963 ; Misère de l’homme, Genève, 1963 ; Essais sur la schizonoia, Genève, 1965 ; Réflexions psychanalytiques, Genève, 1965. Les œuvres de Laforgue ont été rééditées aux éditions du Mont-Blanc, Genève, 1963-1965.
P. Laforgue, « Journal », Carrefour d’approfondissement psychologique, n° 3, Dijon, 1974 ; M. O. Poivet-Pisot, René Laforgue. Sa place originale dans la naissance du mouvement psychanalytique français, thèse méd. Paris VI, 1978 ; E. Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France, Paris, I, 1982, p. 279-289, II, 1986, p. 170-176; A. de Mijolla, « La psychanalyse et les psychanalystes en France entre 1939 et 1945 », Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, n° 1, 1988, p. 167-223 ; Ch. Delwardre, René Laforgue, disciple de Freud, devenu un homme de Provence, Marseille, 1988.
Théophile Kammerer (1994)