Skip to main content

KÜSS

Famille (P) originaire de Furdenheim, dont une branche s’est établie à Eckbolsheim au début du XVIIIe siècle. Les deux frères Jean-Georges © 1 et Jean-Jacques © 2 sont à l’origine de deux rameaux ayant des membres importants.

1. Jean-Georges,

maître des postes à Bouxwiller (★ Eckbolsheim 1728 † Bouxwiller 1814). ∞ Reine Ziller, fille de Johann Ziller (★ Sälzingen, Thuringe ? † Westhoffen 1766), pasteur à Westhoffen ; 10 enfants, dont Georges-Jacques (★ Bouxwiller 1753 † Bouxwiller 22.1.1811), professeur au Gymnase de Bouxwiller, pasteur à Rothbach (1781-1790) puis receveur à l’hôpital de Bouxwiller, et père de 9 enfants, dont Georges Charles © 5 et Jean-Frédéric © 6.

Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 316, n° 2995 (Georges-Jacques Küss).

2. Jean-Jacques,

marchand de farine à Strasbourg (★ Eckbolsheim 1732 † Strasbourg 1774). Frère de 1. ∞ Marie-Catherine Ziller (★ Westhoffen 1733 † Strasbourg 20.12.1813), sœur de l’épouse de 1 ; 3 fils, Jean-Jacques © 3 ; Jean (★ Strasbourg 1767 † Strasbourg 12.1.1814), marchand de farine, qui ∞ Marie-Barbara Meyer (★ Strasbourg 1771 † Strasbourg 8.1.1839), fille de Jean-Georges Meyer, brasseur ; Jean-Georges © 4.

3. Jean-Jacques,

pasteur (★ Strasbourg 20.1.1760 † Strasbourg 11.9.1843). Fils de 2. ∞ 2.10.1826 Marie- Madeleine Langheinrich (★ Strasbourg 26.4.1790 † ? 1852), fille de Jean-Daniel Langheinrich, notaire à Strasbourg. Pasteur à Entzheim (1790-1808) puis à Strasbourg, Saint-Pierre-le-Vieux protestant (1808-1843).

Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 316, n° 2996.

4. Jean-Georges,

officier, marchand (★ Strasbourg 1773 † Strasbourg 25.2.1842). Frère de 3. ∞ Marie-Sophie Widemann (★ Wildersbach, alors département des Vosges, 1774 † Strasbourg 5.2.1846), fille d’un fabricant de Wildersbach ; 7 enfants, dont 2 morts en bas âge, et Lydie (★ Strasbourg 1801 † Strasbourg 25.4.1858) qui épousa     le 28 janvier 1826 à Strasbourg Jean Philippe Hasslauer (★ Strasbourg 17 germinal an VII = 6.4.1799), négociant ; Théodore © 7 ; Sophie (★ Strasbourg 1809) qui épousa le 19 juillet 1834 à Strasbourg Henri Henckel (★ Strasbourg 7 thermidor an XI = 26.7.1803), marchand pelletier ; Caroline ( Strasbourg 29.1.1812 † Strasbourg 17.4.1900), qui épousa le 19 avril. 1834 à Strasbourg Charles Auguste Hammer (★ Strasbourg 21 thermidor an XIII = 9.8.1805 † Strasbourg 28.11.1858), marchand de vins, brasseur ; Émile © 8. Ancien officier des armées de la Révolution et de l’Empire. Marchand de coton établi à Strasbourg.

5. Georges Charles,

fonctionnaire de préfecture (★ Bouxwiller 1780 † Sélestat 1861). Fils de Georges Jacques Küss (★ Bouxwiller 1753 † Bouxwiller 1811), enseignant, pasteur. Petit-fils de 1. Marié ; 3 fils : Charles (★ Barmbeck près Hambourg 1808 † Colmar ?), avoué à Colmar et correspondant haut-rhinois de l’organe phalanstérien La Démocratie pacifique de 1843 à 185 1; Auguste-Guillaume © 9 ; Adolphe-Eugène (★ Colmar 7.1.1818 † Épinal ?), ingénieur des Ponts et Chaussées. G.-C. Küss fut fonctionnaire de préfecture dans le Grand Empire, en dernier lieu dans le département des Bouches-de-l’Elbe, puis conservateur des hypothèques à Sélestat.

6. Jean-Frédéric,

enseignant, pasteur (★ Bouxwiller 20.8.1805 † Cernay 1.10.1862). Frère de 5. ∞ Louise Amélie Kuss ; au moins 1 fils, Henri © 10. Fut enseignant à Strasbourg, Londres, Mulhouse et Bouxwiller de 1825 à 1847, puis à nouveau à Mulhouse jusqu’en 1850 ; enfin pasteur à Cernay jusqu’à sa mort.

Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 316, n° 2998.

7. Théodore,

négociant ( Strasbourg 1804 † Marseille, Bouches-du-Rhônes, 6.6.1871). Fils de 4. ∞ 7.10.1834 à Strasbourg Adèle Kammerer (★ Strasbourg 20.10.1811 † Marseille ?), fille de J.-D. Kammerer., cordier à Strasbourg, et de Marguerite Schneegans, belle-sœur de Théodore Lobstein ©; 3 enfants : Édouard-Théodore © 11 ; Adèle-Mathilde (★ Strasbourg 23.11.1837 † Paris ?) ; Fanny Hortense (★ Strasbourg 22.2.1841 † Paris ?). S’établit à Marseille avant l’annexion de 1871.

8. Émile,

professeur de médecine, député à l’Assemblée nationale, maire de Strasbourg, (Pl) (★ Strasbourg 1.2.1815 † Bordeaux, Gironde, 1.3.1871). Frère de 7. ∞ 24. 4. 1848 à Pfaffenhoffen Élizabeth Gutapfel (★ Pfaffenhoffen 15. 6. 1825 † Marseille ?), fille de Jacques Gutapfel ( Bouxwiller 1788 † Strasbourg 25.4.1862), journalier, et d’Élizabeth Eckmann ( Pfaffenhoffen 1788 † Pfaffenhoffen 21.8.1856) ; 5 enfants : Anna ( Pfaffenhoffen 29.12.1847 † Strasbourg 10.6.1922), qui épousa le 21 septembre 1871 Gustave Fischbach © ; Émile ( Strasbourg 9.6.1849 † Alexandrie, Égypte, 1880), négociant, à la fin de sa vie directeur de la Banque anglaise de Larnaca, Chypre, Rosa Allier ; Albert (Strasbourg 20.9.1851 † Marseille ou Brignoles ?), médecin de la Marine nationale, domicilié à Marseille à partir de 1885 ; Charles (★ 20.3.1853 † ? 1910), docteur en médecine, pharmacien à Melun, célibataire ; Gustave ( Strasbourg 6.6.1856 † Paris 1930), qui épousa Julie Lauthammer. Études au Gymnase protestant de Strasbourg (baccalauréat ès lettres en 1833). Docteur en médecine le 31 août 1841. Agrégé en 1845, professeur titulaire de la chaire de physiologie en 1846. Küss était proche d’un groupe de médecins comprenant Held, Robert, Stamm, le professeur à l’École de Pharmacie Charles-Émile Kopp ©, connus pour être fouriéristes. Dès février 1848, Küss fut désigné comme membre de la Commission municipale républicaine de Strasbourg, et élu au mois de mars capitaine de la garde nationale. Fait plus révélateur de l’ascendant qu’il avait pris sur la scène politique strasbourgeoise, Küss fut élu président de la Société républicaine de Strasbourg, club fort avancé, qui procéda au courant du mois de mars et d’avril aux « examens républicains » des candidats bas-rhinois à la Constituante. Küss présida encore aux séances de la Société républicaine qui choisit les candidats aux élections municipales. Au mois d’août, Küss fut élu conseiller général de Strasbourg : le seul mandat électif qu’il exerça, avec celui que le scrutin du 8 février 1871 lui confia brièvement. À partir d’octobre, les rivalités de personnes semblèrent paralyser la gauche et l’extrême gauche strasbourgeoise. Küss ne parvint pas à coordonner de façon efficace la campagne électorale de Ledru-Rollin, candidature que soutenaient les clubs radicaux de Strasbourg. Pourtant, Küss et ses amis (l’ancien capitaine Toulgouët de Legoazsre, Robert, Kopp, Gustave Klotz ©, Théodore Lobstein ©, Théodore Keller, les instituteurs Jonas Ennery ©, Charles Bernhard ©, Charles Frédéric Boesé ©, Alphonse Hochstuhl ©) lancèrent le quotidien démocrate socialiste strasbourgeois, Le Démocrate du Rhin, avec son supplément hebdomadaire en langue allemande, Der Rheinische Demokrat, le 30 décembre 1848. Le Démocrate du Rhinfut le ciment du parti démocrate socialiste dans le Bas-Rhin. Küss en assura la gérance jusqu’en juillet 1849. Avec Toulgouët, Lobstein, Jacques Bastian ©, il en fut aussi l’un des principaux auteurs. Il inspira aussi les articles du Rheinische Demokrat, rédigés par Bernhard et Boesé. Très vite populaires, le Démocrate du Rhin et le Rheinische Demokrat véhiculaient les grands thèmes d’un message politique qui répondait aux aspirations d’une population qui faisait face à la crise économique grave des années 1846 à 1855. Accordant une attention extrême aux revendications des populations des campagnes, ils accomplirent la première éducation politique des masses populaires bas-rhinoises appelées pour la première fois au suffrage universel. Le travail d’éducation accompli par la presse se doubla d’un travail d’organisation politique remarquable. En mars 1849, Küss et ses amis imposèrent la rupture entre démocrates socialistes et républicains modérés, « les bleus », l’adoption par les démocrates socialistes bas-rhinois du programme de la Montagne, le choix de candidats démocrates socialistes représentatifs de la population au détriment des notables classiques : « les principes priment sur les personnes », avait décrété Küss Dès les élections à l’Assemblée législative de mai 1849, le parti démocrate socialiste fut le premier parti bas-rhinois. Mais la victoire électorale de mai 1849 fut suivie par la journée du 13 juin à Paris (cinq députés du Bas-Rhin furent arrêtés ou en fuite). Les gardes nationaux démocrates socialistes strasbourgeois, et Küss à leur tête, furent les acteurs de la journée du 14 juin à Strasbourg. La demande des gardes nationaux de participer à la défense de Strasbourg fut interprétée comme un « début de levée de boucliers » des socialistes alsaciens en jonction avec les « rouges » de Bade et de Bavière, et rejetée. Küss et ses amis furent arrêtés le 20 juin 1849 et internés à la maison de force de Sainte-Marguerite. La popularité des incarcérés était telle que la Cour d’appel de Colmar prit au début d’août un arrêt récusant le jury bas-rhinois pour suspicion légitime. Le procès eut lieu devant les assises de Metz, en octobre. Ce fut une déconfiture pour l’accusation. Appelé à témoigner, le maire de Strasbourg Jean-Louis Kratz © rendit un hommage vibrant à Küss, dont le sang-froid impressionna tout le monde. Küss fut défendu par Jules Favre © qui prononça cet éloge de l’accusé : « Kuss est un enfant de l’Alsace, et il la représente dignement ; il en a la grandeur et la simplicité. Il est fils d’un homme qui dans les armées républicaines a versé son sang pour la patrie et pour la liberté. Il a appris de lui ce profond amour de la France, qui fait la règle de sa vie… » Tous les accusés furent acquittés. Après le procès de Metz, Küss parut se tenir en retrait. La gestion du Démocrate du Rhin fut confiée à Bastian, puis après la condamnation de ce dernier à Pierre-Chéri Besse ©. Mais Küss inspirait toujours la rédaction du journal. Celle du Rheinischer Demokrat (Boesé, Bernhard) se réunissait chez lui et tous les articles étaient écrits ensemble. Küss anima encore la campagne électorale des élections de remplacement du 15 mars 1850, où les démocrates socialistes choisirent encore de présenter une liste de « principes » : Charles Alexandre Claude Gérard ©, François Vidal ©, journaliste de la Démocratie pacifique, le professeur du lycée de Strasbourg Froc de Laboulaye ©, l’instituteur révoqué Plochstuhl ©, le lieutenant Edmond Valentin. La liste démocrate socialiste remporta 36 % des suffrages des électeurs inscrits. Ce sera le pic historique de la démocratie sociale bas-rhinoise. A la fin d’avril 1850, Goldenberg démissionnait de son mandat de député. Le parti démocrate socialiste bas-rhinois se divisa. Les fouriéristes (Toulgouët, Robert) présentèrent la candidature d’Émile de Girardin ©, soutenue aussi par Chauffour © et Nefftzer ©. Charles Beyer © et une bonne partie des démocrates socialistes strasbourgeois avancèrent la candidature de l’ancien ministre du gouvernement provisoire et journaliste de la Réforme, Flocon. Küss prit parti en faveur de Girardin, qui fut élu député du Bas-Rhin (juin 1850).

Mais au cours de l’été, une partie des députés démocrates socialistes, dont le cousin de Klotz, François Antoine Auguste Bruckner ©, rachetèrent le Démocrate du Rhin et sous le nouveau titre de Démocrate du Rhin de 1850 en confièrent la rédaction à Flocon. Voilà Küss et ses amis sans journal. Ce n’est qu’au début de l’été 1851 que les médecins Küss, Held, Stamm, et les journalistes Decker, Hartzer, Bernhard fondèrent la Niederrheinische Volksrepublik. Küss avait voté contre le vœu du Conseil général du Bas-Rhin en faveur de la révision constitutionnelle (août 1851). Pourtant, la Niederrheinische Volksrepublik, durement combattue par le Démocrate du Rhin de 1850, défendit la position de Girardin : accepter une révision constitutionnelle permettant à Louis-Napoléon Bonaparte de se représenter à la présidence de la République, mais d’obtenir en échange l’abrogation de la loi électorale du 31 mai 1850. Après le 2 Décembre et les journées strasbourgeoises du 4 et du 5, Flocon et toute la rédaction du Démocrate du Rhin de 1850, ainsi que nombre de leurs partisans furent déportés ou exilés. Küss démissionna du Conseil général. Sollicités, en leur qualité d’enseignants à la faculté de Médecine, Küss et Held donnèrent leur adhésion non pas au coup d’État mais à l’abrogation de la loi du 31 mai 1850. Ils ne furent pas plus inquiétés.

Küss se cantonna alors à la pratique de la médecine et à l’enseignement. De haute taille, il se laissa alors pousser la barbe que l’on voit sur ses photographies les plus connues, celles des dernières années de sa vie. Sa voix de basse était sourde et voilée, mais portait bien. Comme beaucoup de Strasbourgeois, il faisait partie d’une chorale et pratiquait volontiers le chant. Sa parole était un peu lente, d’une correction académique, marquée par l’accent alsacien. Il se méfiait des effets oratoires, et « son cours au débit lent, paraissait comme un entretien familier ». C’est ainsi que le décrit son collègue, le professeur Henri-Étienne Beaunis ©. Cet homme qui avait dominé la vie politique strasbourgeoise pendant la Seconde République sembla sous le Second Empire appartenir au passé. Beaunis admettait bien que Küss était « l’un des enseignants les plus originaux et les plus caractéristiques de la Faculté de Strasbourg, très ouverte aux recherches faites en Allemagne », mais reconnaissait aussi que s’il était de « la race des chercheurs, il lui avait manqué le temps et l’argent ». L’essentiel de sa réflexion semblait passer dans ses cours. Küss espérait bien pouvoir les publier, mais le temps lui manqua toujours. Ils ne seront publiés qu’en 1872, par un des ses étudiants (Cours de physiologie, professé à la Faculté de médecine de Strasbourg par E. Küss,rédigés par le docteur Mathias-Duval, Paris, 1872).

En fait, dépourvu de fortune, ayait épousé une fille de journalier, Küss ne pouvait plus consacrer assez de temps à l’enseignement et à la recherche, et l’essentiel de ses forces était mangé par une importante clientèle privée. Mais c’était une clientèle pauvre : « ses goûts, ses opinions politiques l’éloignaient de la haute clientèle » (Beaunis). De plus, Küss souffrait d’une affection pulmonaire, qui le contraignait à de longues périodes d’inactivité.

C’est à partir de l’Empire libéral (1863-1864) que les républicains de la jeune génération (Jules Klein, Jacques Kablé ©, Ernest Lauth ©, Auguste Schneegans ©) se tournèrent vers lui : Küss reprit peu à peu une place dominante dans les rangs de l’opposition républicaine. Pour les élections de 1869, Küss soutint la candidature modérée de Charles Jules Boersch © contre celle d’Arago. Küss paraît bien avoir joué un rôle important dans le rachat de l’Elsässisches Volksblatt de Mulhouse et son transfert à Strasbourg, décidé par son groupe, même si c’était l’agent général de la société d’assurances Le Phénix, Jacques Kablé, qui avait financé l’opération. La gestion de lElsässisches Volksblatt fut confiée à Bastian, l’ancien gérant du Démocrate du Rhin, et compagnon de Küss. Inspirée de l’expérience de la Seconde République, la mission prioritaire donnée au journal fut de ramener les électeurs des campagnes à la République, et de ne pas les effrayer par un programme trop radical.

Mais l’autorité de Küss dans le camp républicain se mesura avant tout au fait que, tout naturellement, quand le Second Empire s’effondra à Strasbourg, c’est vers lui qu’on se retourna spontanément pour présider la Commission municipale, comme en 1848, on s’était tourné vers Louis Liechtenberger ©. Le 13 septembre, le maire Théodore Humann © démissionna et Küss fut élu président de la Commission municipale provisoire. Küss assuma cette mission : liquider la faillite de ses ennemis, sauver ce qui pouvait être sauvé. Le 18 septembre, il présida le comité secret de la Commission municipale qui décida de demander au général Uhrich de cesser la résistance. Le 28 septembre, il se rendit au quartier général allié à Mundolsheim, où il se vit dicter les conditions de la capitulation. Il s’employa désormais à déblayer les ruines, mais aussi, pendant cet hiver terrible, à secourir les indigents, orphelins, veuves, blessés, prisonniers de guerre. À la mairie, Küss se vit secondé par l’actif Jules Klein. La politique de Küss paraît bien être celle que défendit Kablé au cours de la réunion des notables du 16 avril 1871. Depuis les années 1866-1867, ces hommes n’ignoraient pas qu’en cas de victoire dans une guerre franco-allemande, l’Allemagne ne lâcherait plus l’Alsace. Alors, il fallait sauver ce qui pouvait être sauvé, gagner tout ce qui pouvait être gagné, faire passer l’essentiel des revendications libérales. Bismarck-Bohlen ©, le gouverneur général Kühlwetter ©, le commissaire civil d’une administration d’occupation destinée à durer, étaient des conservateurs, prêts à une alliance avec le clergé catholique en cas de ralliement catholique, et ouverts aux seuls orthodoxes dans l’Église de la Confession d’Augsbourg. Küss et Klein combattirent donc, avec le préfet du Bas-Rhin de l’administration d’occupation, le comte de Luxburg ©, également député national-libéral au nouveau Reichstag, les projets du gouverneur et du commissaire.

Dès l’Armistice et la convocation des électeurs pour le scrutin du 8 février 1871, Küss et Klein dressèrent une liste départementale de candidats députés à l’Assemblée nationale de Bordeaux, dite de la Commission municipale, où les dirigeants de l’ancienne opposition libérale à l’Empire figuraient en bonne place. Küss en prit la tête. Plus significatif encore : le nom de Gambetta ©, nom drapeau, symbole à la fois de défense nationale et du refus de la France de céder l’Alsace, n’y figurait pas. Les radicaux présentèrent donc Gambett a: il rassembla presque autant de voix que Küss, qui figurait pourtant en tête de toutes les listes. Le 11 février, le député-maire de Strasbourg partait pour Bordeaux en passant par Kehl, Bâle et Lyon. À Kehl, on lui imposa le parcours d’un couloir de fumigation, censé prémunir contre les épidémies qui sévissaient à Strasbourg : il y contracta une pneumonie. C’est un grand malade qui arriva à Bordeaux. Il y mourut dans la nuit du 1er au 2 mars 1871. Ses obsèques furent aussi celles de l’Alsace française. À Bordeaux, conduite solennellement à la gare par un cortège de députés républicains, sa dépouille mortelle fut saluée par un vibrant discours de son collègue député du Bas-Rhin, Léon Gambetta : « La force nous sépare pour un temps seulement de l’Alsace, berceau traditionnel du patriotisme français… La France désormais ne saurait avoir une autre politique que sa délivrance… Il faut que les républicains s’unissent dans la pensée d’une revanche patriotique, qui sera une protestation du droit et de la justice contre la force de l’infamie. » Le 8 mars, à Strasbourg, c’est « le dernier maire français » qu’on enterra au cimetière Sainte-Hélène. Tous les ateliers, les magasins et établissements publics avaient fermé. À travers les rues tendues de noir, de la chapelle ardente de l’Hôtel de ville au temple Saint-Thomas, où eut lieu la cérémonie religieuse, puis au cimetière Sainte-Hélène, précédé par les sapeurs-pompiers de Strasbourg et leur musique aux roulements funèbres, son cercueil couvert de sa seule toge rouge, de sa toque et d’une couronne civique, fut accompagné par tout le peuple de Strasbourg.

Tables générales des thèses soutenues à la Faculté de médecine de Strasbourg depuis le 19 vendémiaire an VIII jusqu’au 31 décembre 1837, Strasbourg, 1840 ; H. Beaunis, « E. Küss », Gazette médicale de Paris, juillet 1871 ; F.-J. Herrgott, « Notice sur le professeur Kuss, maire de Strasbourg, représentant du Bas-Rhin », Gazette médicale de Strasbourg, 1871 ; J. Hoeffel, Aperçu historique de l’ancienne Faculté de médecine de Strasbourg, thèse méd., Strasbourg, 1872; Tables générales des thèses soutenues à la Faculté de médecine de Strasbourg depuis le 1er janvier 1838 jusqu’au 12 août 1870, établie par L. Hecht, Nancy, 1876 ; F. Wieger, Geschichte der Medicin und ihrer Lehranstalten in Strassburg vom Jahre 1497 bis zum Jahre 1872, Strasbourg, 1885 ; Robert, dir., Dictionnaire des Parlementaires français comprenant tous les membres des Assemblées françaises et tous les ministres français 1789-1889, III, 1891, p. 470-471 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 86-87 ; L.-A. Kissel. Notes biographiques sur Émile Küss, thèse méd., Strasbourg, 1932 (comprend une bibliographie complète des publications de Küss) ; G. Thieling, « La famille Kuss à Bouxwiller », Cahier de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1963, 1, p. 9-10 ; J.-P. Kintz, Journaux politiques et journalistes strasbourgeois sous la Seconde République et à la fin du Second Empire, Strasbourg, 1970, I, p. 105 (portrait), III, p. 629 (index) ; idem, « Émile Kuss, maire de Strasbourg, en 1870, journaliste et militant politique sous la Seconde République (1848-1851) », Annuaire de la Société des Amis du Vieux-Strasbourg, 1971, p. 95-123 (portrait) ; A. Heit, Elsässische Publizistik im Jahre 1848, Berne-Francfort/Main, 1975, p. 183-186 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1984, p. 4588-4589 ; F. Igersheim, Politique et administration dans le Bas-Rhin 1848-1870, Strasbourg, 1993.

Iconographie : Vidéodisque de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg reproduisant les lithographies représentant Küss conservées au Cabinet des Estampes des Musées de Strasbourg et dans le service Iconographie alsacienne de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. N’y figure pas le tableau de Théophile Schuler Le maire Kuss au milieu des ruines de Strasbourg, de 1873, qui pérennise la représentation de Küss protestataire, conservé au Musée historique de Strasbourg. La salle des séances du conseil municipal de Strasbourg, dite Salle blanche, a été surmontée, depuis 1872 jusqu’à la réfection de l’Hôtel à la fin des années 1970, d’un buste de Küss dû à Philippe Grass ©. Ce buste aurait alors disparu (communication des services de la Mairie de Strasbourg).

9. Auguste Guillaume,

receveur (★ Barmbeck près Hambourg 9.8.1812 † Mulhouse 14.12.1892). Fils de 5. Receveur de l’enregistrement à Colmar puis à Draguignan, Var (jusqu’en 1861), enfin conservateur des hypothèques à Sélestat en 1863, muté à Vesoul après les élections de 1864, mais cette mesure fut annulée à la suite des interventions d’Alfred Renouard de Bussière © et du Consistoire supérieur en 1864 ; député laïc du consistoire de Colmar au Consistoire supérieur de l’Église de la Confession d’Augsbourg. Entré dans l’administration allemande en 1871, il fut nommé conservateur des hypothèques à Mulhouse. Élu député au consistoire de La Petite-Pierre au Consistoire supérieur.

10. Henri,

ingénieur des mines, (Pr) (★ Cernay 19.6.1852 Neuilly, Hauts-de-Seine, 22.11.1914). Fils de 6. ∞ 11.6.1888 à Grenoble, Isère, Cécile Jeanne Weiss, d’une famille d’Alsaciens expatriés. Le père de Küss fonda une école à Cernay ; il est également l’auteur d’un manuel de lecture allemande paru à Strasbourg en 1837. À sa mort, sa veuve se trouva dans une situation matérielle difficile avec six enfants ; cependant, le jeune Küss fut inscrit aux lycées de Colmar puis de Strasbourg, et entra en 1871 à l’École polytechnique (comme major), en 1873 à l’École des Mines. Il débuta comme ingénieur au secrétariat du Conseil général des mines en 1877 ; ingénieur du service minéralogique, il fut en poste à Grenoble (1878-1890), où il développa l’exploitation des mines d’anthracite de La Mure et des mines de fer d’Allevard, tout en contrôlant l’exploitation du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (1878-1890) ; il gagna Saint-Étienne (1890-1891), Rodez (1891-1892) et enfin Douai (1892-1906). Il s’employa à améliorer les techniques d’exploitation et les conditions de travail et de sécurité des mineurs. Les mesures qu’il prescrivit contre les risques de grisou, pour l’amélioration des boisages des chantiers ou de la circulation dans les galeries, inspirèrent par la suite des textes officiels. À Douai, il assura également la direction de l’Éole des maîtres mineurs, à laquelle il donna un grand essor. Küss fut nommé en 1906 inspecteur général des mines, chargé d’abord de la division du Sud-Est, puis de celle du Centre (à laquelle ressortissait l’École des mines de Saint-Étienne), enfin de celle du Nord-Ouest, comprenant le secteur minier du Nord et du Pas-de-Calais. Sa carrière aurait dû être couronnée par la direction de l’École nationale des Mines, qui fut confiée à Küss le 20 février 1914 ; cependant la guerre retarda la rentrée et la maladie empêcha Küss de prendre effectivement ses fonctions. Il vécut assez longtemps pour apprendre la libération de sa ville natale. Dès ses années d’études et durant la plus grande partie de sa carrière, Küss multiplia les séjours d’étude à l’étranger ou aux colonies. Durant ses vacances de 1874 à 1876, il parcourut l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne et l’Algérie. En 1879-1880, il passa trois mois dans les mines d’Uruguay, alla ensuite au Zambèze (1881), en Argentine (1882), au Chili et en Bolivie (1885), en Tunisie (1892) et en Australie (1899).

Ses études sur le terrain donnèrent lieu à de nombreuses publications, parues pour la plupart dans les Annales des mines. Il publia également quelques notes techniques et donna en 1897 un remarquable chapitre d’introduction à la géologie minière à une Encyclopédie des connaissances civiles et militaires. « Frappé de la pauvreté de notre littérature géologique didactique », il traduisit en 1884 le Traité des gîtes métallifères, d’Albert de Groddeck, paru à Leipzig en 1879. Les principales publications de Küss sont énumérées dans la notice de Ch. Lallemand. infra.

Archives municipales de Strasbourg, FP ; Ch. Lallemand, « Notice nécrologique sur Ftenri Kuss, inspecteur général des mines, directeur de l’École nationale supérieure des Mines », Annales des mines, septembre 1922.

Jean-Yves Mariotte (1994)

10. Édouard-Théodore,

directeur de maison de commerce (∞ Strasbourg 22.12.1835 † Wangenbourg 18.8.1903).Fils de 7. ∞ 18.10.1871 à Strasbourg Julie Sophie Mewes (∞ Wissembourg 13.4.1847 † Marseille ?) ; 2 fils : GeorgesÉdouard ( Marseille 21.3.1877 † Paris 5.1.1967), chirurgien des hôpitaux de Paris, ancien président de l’Académie de Chirurgie, membre de l’Académie de Médecine, croix de Guerre 1914-1918 ; Marcel ( Marseille 17.6.1885 † Grasse, Alpes-Maritimes, 12.7.1978), chirurgien.

Tableau généalogique de la famille Kuss, établi en 1935 par Ch. Faber (aux AMS) ; Ch. Faber, « Une vieille famille alsacienne, les descendants du Soleil », La Vie en Alsace, 1938, p. 142-143.

François Igersheim (1994)